Coffret de santal (le). Recueil poétique de Charles Cros (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)
Publié le 24/10/2018
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Coffret de santal (le). Recueil poétique de Charles Cros (1842-1888), publié à Nice chez Gay et fils en 1873. L'éditeur Alphonse Lemerre refusa l'ouvrage mais consentit à ce que son nom figure sur la couverture à titre de dépositaire parisien. Certains poèmes avaient auparavant paru dans diverses revues. Une nouvelle édition, revue et augmentée par l'auteur, fut publiée à Paris chez Tresse en 1879. C'est cette édition définitive qui sert désormais de référence.
Le Coffret de santal est l’unique recueil poétique donné par Cros de son vivant. Il réunit des pièces dont la composition s'étend sur environ une dizaine d'années. Cros fut souvent jugé par ses contemporains comme un brillant dilettante, mais rien de plus, et la critique ignora à peu près l'ouvrage lors de sa parution. Verlaine, cependant, se montra élogieux à l'égard du Coffret de santal : « Vous y trouverez, sertissant des sentiments tour à tour frais à l'extrême et raffinés presque trop, des bijoux tour à tour délicats, barbares, bizarres, riches et simples » ; il salua en Cros « un versificateur irréprochable qui laisse au thème toute sa grâce ingénue ou perverse » et qualifia sa manière d'« indépendante et primesautière » (les Hommes d'aujourd’hui, 1888).
Le recueil est composé de six sections. La première, intitulée « Chansons perpétuelles ». comprend vingt et un poèmes dont la plupart tant par leur rythme que par leur thématique, s'apparentent en effet à des chansons, ainsi qu'en témoignent quelques titres tels que \"Ronde flamande\". \"Romance”, \"Chant éthiopien\" ou “Chanson de route arya\". Une référence à la musique apparaît également dans \"l'Orgue\" et \"l'Archet''. La deuxième partie, « Passé ». contient trente poèmes d'une tonalité essentiellement amoureuse, explicite dans deux titres : \"Vers amoureux\" et \"Ballade du dernier amour\". D'autres titres évoquent des topoi de la relation amoureuse : \"Excuse\", \"Plainte\", \"Supplication” ou \"Possession\". La présence féminine, parfois directement désignée (\"À une attristée d'ambition\", \"À une jeune fille\"), peut également être suggérée à travers divers attributs symboliques (\"Sur un miroir\", “Sur un éventail\"). Les deux sections suivantes comportent respectivement treize et vingt poèmes, classés selon une caractérisation générique : « Drames et Fantaisies » et « Vingt Sonnets ». Viennent ensuite vingt et un poèmes rassemblés sous le titre « Grains de sel ». Cette section comporte tout d'abord un ensemble de textes humoristiques aux allures de chansons ; les quinze pièces suivantes sont chacune formées d'un dizain en alexandrins brossant parfois dans un esprit proche de celui des images d'Épinal, des tableaux de la « simple vie » (\"Gagne-petit\"). Le recueil se termine par six poèmes en prose regroupés sous le titre de « Fantaisies en prose ».
«
gne des contrées ("Chant éthiopien"),
des coutumes
("Sultanerie"), des peu
ples
("Tzigane") ou des noms étrangers
("Li-taï-pé").
Parfois, une description
plante le décor
d'un paysage lointain :
« Le tigre rayé, l'hyène, 1 Tirant leur
langue écarlate,
1 Cherchent de l'eau
dans la plaine.
1 Les éléphants vont en
troupe [ ...
]
>> ("l'Été").
Mais l'ailleurs où
se plaisent les poèmes de Cros n'est pas
seulement géographique.
Nombre
d'entre eux optent en effet, soit à tra
vers
les objets (par exemple un gisant
dans
"la Dame en pierre"), soit à tra
vers le ton,
notamment celui du conte
("l'Archet") ou du madrigal ("Madri
gal.
Sur un carnet d'ivoire", "Sonnet
madrigal", "Madrigal"), pour une dis
tance temporelle qui crée la même
impression de lointain.
Finalement, le
pays
du '' santal » est celui de l'imagi
naire et
du rêve : «]'ai rêvé les amours
divins,
1 L'ivresse des bras et des vins,
1 L'or, l'argent, les royaumes vains>>
("Conclusion").
Mais la décevante réa
lité interdit l'accès à
ce monde merveil
leux et idéal :
«J'ai pleuré, muet et
farouche
1 Tous mes ravissements
changés
1 Les arômes en fades herbes,
1 Les diamants en froid cristal, 1 En
loups gris les tigres superbes, 1 En sapin
banal
le santal » ("Insomnie").
Enfin, ce mot de « santal », qui dési
gne
un bois odoriférant, révèle l'impor
tance attribuée au plaisir des sens dans
la poésie de Cros.
Le primat est pour
tant accordé à la vue, et la pratique
poétique
se désigne volontiers à travers
des métaphores picturales -
« Ma
palette serait l'aile des papillons
1 Et
mes pinceaux des brins de huppe
d'oiseau-mouche» ("Sonnet") -ou
théâtrales :
«]'ai bâti dans ma fantai
sie
1 Un théâtre aux décors divers : 1
Magiques palais, grands bois verts 1
Pour y jouer ma poésie » ("Sonnet").
Là
encore, les titres des poèmes sont élo
quents, dans la mesure où ils emprun
tent souvent au vocabulaire de la pein- ture
("Croquis d'hospitalité",
"Coin de
tableau",
"Scène d'atelier", "Croquis de
dos", "Vue sur la cour", "Tableau",
"Paysage", "Sur
trois aquatintes de
Henry
Cros").
L'ouïe est aussi large
ment représentée, à travers l'ample
utilisation
d'un lexique musical
("l'Orgue", "l'Archet", "Chant éthio
pien", "Triolets fantaisistes",
"Ber
ceuse",
"Chanson de la côte", "Chan
son des sculpteurs").
De nombreux
poèmes, grâce
à des élisions, des répéti
tions de formules ou d'onomatopées
en forme de refrain, imitent d'ailleurs
la chanson :
«En attendant qu'on
m'enterre, 1 Aujourd'hui, j'veux êtr'
très gai.
1 Plon, fion, fion lariradon
daire,
1 Gai, gai, gai, lariradondé »
("Brave Homme").
Entre les sens
mêlés, s'établissent parfois de mysté
rieuses et envoûtantes correspondan
ces, génératrices de scènes oniriques
que sauront plus tard apprécier les sur
réalistes :
« Au milieu du vaisseau est
une estrade surélevée et sur l'estrade
un très long piano à queue.
Une
femme, la Reine des fictions, est assise
devant
le clavier.
Sous ses doigts roses,
l'instrument rend des sons veloutés et
puissants qui couvrent le chuchote
ment des vagues et les soupirs de force
des
rameurs>> ("Sur trois aquatintes de
Henry
Cros").
L'univers des sens, c'est aussi celui
du plaisir amoureux que les poèmes
se plaisent à évoquer à travers un
érotisme qui joue des ambiguïtés
du dévoilement et du secret : « Et
je me sens comme emporté, 1 Épave
en proie au jeu des vagues, 1 Par le
vertige
où m'ont jeté 1 Ses lèvres tiè
des,
ses yeux vagues.
1 [ ...
] 1 Mais per
sonne
n'en saura rien 1 Que moi seul...
et l'Enchanteresse>> ("Possession").
Teinté d'un galant marivaudage parfois
quelque peu conventionnel, cet éro
tisme peut être aussi angoissé et maca
bre :
«L'odeur de tes cheveux, la blan
cheur de tes dents,
1 Tes souples.
»
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