Cinq-Mars. Roman d'Alfred de Vigny (analyse détaillée)
Publié le 22/10/2018
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Cinq-Mars. Roman d'Alfred de Vigny (1797-1863), publié à Paris chez Urbain Canel en 1826. La deuxième édition (1826) contient des « Notes et Documents historiques », et la quatrième (1829) est précédée de « Réflexions sur la vérité dans l'art » écrites en 1827.
Ayant d'abord envisagé d'écrire un drame, Vigny reprend le projet de Cinq-Mars, désormais roman, à Oloron, dans les Pyrénées, en 1824. Il le termine en 1825, lorsqu'il étudie les sources historiques à la Bibliothèque royale et à celle de l'Arsenal. Les années 1820 connaissent la vogue des romans historiques de Walter Scott, et Vigny construit son roman sous l'influence de l'écrivain anglais; mais il renverse le procédé de celui-ci en laissant les personnages historiques prendre la place des personnages fictifs. Le roman connaît un succès considérable : douze éditions voient le jour. Vigny conçoit vite l'idée d'une suite et parle, dans son Journal, d'une « Histoire de la grandeur et du martyre de la noblesse en
France », mais y renonce finalement pour écrire Servitude et Grandeur militaires (1833-1834).
En 1639, au château de Chaumont en Touraine, le jeune Henri d'Effiat, marquis de Cinq-Mars, prend congé de sa mère et de la princesse Marie de Gonzague, duchesse de Mantoue, qu'il aime et dont il est aimé. Impressionné par les propos du maréchal de Bassompierre sur les qualités et la fidélité des nobles, il s’insurge contre l'arrestation du même maréchal par les sbires de Richelieu. En allant au siège de Perpignan pour être présenté au roi, Cinq-Mars s'arrête à Loudun. où se déroule le procès d'Urbain Grandier, prêtre accusé de magie par des juges, dont le lugubre Laubardemont envoyés eux aussi par le cardinal. Torturé, puis condamné à mort Urbain n’est défendu que par la supérieure des Ursuli-nes, Jeanne de Belfiel, la nièce même de Laubardemont Elle devient folle lorsque Urbain est brûlé vif devant une foule horrifiée par l’injustice. Cinq-Mars assiste lui-même à cette exécution après avoir été informé par son ancien maître, l'abbé Quillet, des crimes de Richelieu.
Richelieu, de son côté, assisté de son « Éminence gnse », le père Joseph, affermit son pouvoir sur le roi Louis XIII. qui n'a pas le courage de se débarrasser de son ministre. Enfin, devant les murs de Perpignan, ville tenue par les Espagnols, les personnages principaux se rencontrent. Cinq-Mars, qui s'est lancé dans une attaque contre l'ennemi avec son ami le conseiller de Thou, a fait deux prisonniers, dont le fils de Lau-bardemont passé à l'ennemi et qui hait son père. Il est présenté au roi, dont il gagne les faveurs, et au cardinal, dont il suscite le mécontentement. La nuit suivante. Jeanne de Belfiel arrive pour assassiner le cardinal ; elle est reconnue par Laubardemont qui se charge de la faire disparaître dans les Pyrénées, où elle sera tuée plus tard avec le fils de Laubardemont Tous ces drames ont mûri Onq-Mars et l’ont préparé à une conspiration contre Richelieu. Saisi par l’ambition de «monter», il accompagne le souverain à Paris.
Deux ans après, Onq-Mars est devenu grand écuyer ; plusieurs jeunes nobles le prennent pour modèle, et II tente de gagner jusqu'au frère du roi et la reine elle-même.
«
mariage avec le roi de Pologne.
Cependant, lors que Cinq-Mars tente d'amener le roi à se débar
rasser du cardinal, leur entretien est écouté par
le père Joseph avec la connivence du roi, « trahi son » qui déclenche la déroute de la conspira
tion.
Une réunion des conspirateurs chez Marion de Lonme se tenmine dans l'incertitude, et le len demain, le père Joseph réussit à se substituer au père Quillet dans un confessionnal de l'église
Saint-Eustache où se retrouvent Cinq-Mars et Marie.
Désonmais, l'Éminence grise sait tout sur la conspiration.
Tout est perdu, lorsque Cinq-Mars, de nou veau à Perpignan, reçoit une lettre de la reine
le conjurant d'abandonner ses projets ...
et Marie.
En septembre 1642, Cinq-Mars et de Thou se livrent à Richelieu et attendent la mort emprison nés dans un château à Lyon.
Refusant toute offre
de libération, Cinq-Mars accepte son sort, puis qu'il a perdu Marie.
Avec lui, c'est l'ancienne
noblesse qui se meurt, comme le dit le grand Corneille rencontrant.
sur le Pont-Neuf à Paris, le poète anglais Milton.
La fin de Cinq-Mars laisse deviner le
message politique
du roman : Riche
lieu demeurant au pouvoir, la menace
plane toujours sur une monarchie dont les bases se trouveraient dans les
nobles que le cardinal cherche à mater.
Ces bases détruites, le peuple
commen
cera à remuer ...
et la voie s'ouvrira à
d'autres révolutions.
Vigny avait voulu
suivre cette voie dans les autres romans
projetés,
l'un sur le règne de Louis XIV,
corrupteur de la noblesse, l'autre sur la
Révolution de 1789.
Il reconnaît ainsi
au roman historique un but et un
contenu pédagogiques.
Le roman, pré
cise-t-il dans des réflexions consignées
dans
son Journal, peut ajouter, à la pure
narration des faits historiques, un
«enseignement », Or il est difficile de
nier
que le destin social de la famille
de Vigny, dépossédée de ses terres
pen
dant la Révolution, ne se reflète dans
l'évolution historique entrevue par
l'auteur: il s'agit donc d'un > très personnel, dans lequel il ne
faut pas non plus négliger le fait que
Vigny
se mire dans certains de ses per- sonnages,
tel Descartes déclarant qu'il
« aime la profession des armes parce
qu'elle soutient
l'âme dans une région
d'idées nobles par
le sentiment conti
nuel du sacrifice de la vie>>.
Comme
dans certains poèmes datant de la
même époque que Cinq-Mars (voir
*Poèmes antiques et modernes), Vigny
tourne autour des thèmes de la
souffrance
et de l'échec, qui revêtent
ici la forme du martyre.
de Cinq-Mars
dont la mort sur l'échafaud est décrite
avec force détails sanglants
dans les
'' Notes et Documents historiques >>,
Or, à cette exécution ainsi qu'à celle
d'Urbain Grandier assiste le peuple,
« foule >> ou « flots » humains, popu
lace ivre, hurlant pendant son
,, émeute » devant le Louvre, préfigu
rant ainsi les masses populaires qui sur
giront quelque cent cinquante ans plus
tard.
La «vérité de l'art>> sortant du
« vrai du Fait >>, ou l'« idée » qui se
dégage de la « réalité >>, comme le veut
Vigny dans la Préface de Cinq-Mars,
pourrait fort bien résider dans la
conflagration fatale des trois forces de
l'histoire de France.
C'est d'ailleurs
une
voix venant du peuple qui exprime, à
la fin
du roman, la leçon terrible qui
vaut également pour l'époque de
Vigny : « Les seigneurs sont morts ...
nous sommes les maîtres ...
» Cette bru
tale passation de pouvoir est sans
doute une fatalité historique ; il
n'empêche que certaines considéra
tions personnelles
ont pu influer sur le
message : le jeune capitaine Alfred de
Vigny n'accomplit-il pas lui-même
cette vie sacrificielle
qui semble mar
quer le terme du processus ? Cinq-Mars
est le roman de la sortie de l'Histoire :
en 1827, Vigny est réformé définiti
vement et se consacre à la littérature.
La construction interne du roman et
la courbe tracée par l'action sont déter
minées par la figure de la chute, du bref
envol
et du lent désenchantement
d'une âme romantique.
Pour ce cœur,.
»
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