CHIENDENT (le), de Raymond Queneau
Publié le 20/02/2019
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CHIENDENT (le), roman de Raymond Queneau (1933). Ce premier roman (et premier livre) de l'auteur a été écrit, en 1932, à l'issue d'une crise que signale, en particulier, sa rupture avec le mouve
ment surréaliste et, plus profondément, avec la valorisation esthétique de l'automatisme, de l'involontaire et du désordre à laquelle il a partie liée. Ce roman marque, en effet, une découverte des valeurs formelles d'harmonie, de composition et de contrôle qui sont celles du classicisme, un classicisme, il est vrai, qui n'a que peu à voir avec celui de Valéry, ne serait-ce que parce qu'il choisit de se réaliser dans le genre romanesque dont on sait que l'auteur de la Jeune Parque avait prononcé la condamnation. Sans résumer l'intrigue de ce roman dont les péripéties ne lésinent pas sur ce qu'on peut appeler le rocambolesque banlieusard et petit-bourgeois, tonalité qui restera la caractéristique de la plupart des romans futurs de l'auteur, on dira simplement qu'elle tourne autour d'une porte, peinte en bleu, qui ne donne sur rien. Du reste, Queneau lui-même a déclaré que c'étaient des considérations linguistiques et formelles qui l'avaient guidé au moment de la composition du Chiendent. Les textes publiés en tête du recueil Chiffres, bâtons et lettres rappellent en effet ce que le Chiendent doit à la décision qu'il a prise de ne pas écrire en « français écrit » mais dans cette langue de plein droit qu'il identifie comme le « français parlé » (Écrit en 1937) ; quelles subtiles combinaisons numérologi-ques ont présidé à l'organisation des 7 x 13 = 91 sections du roman (Technique du roman) ; le projet d'introduire dans le langage romanesque, par l'intermédiaire de situations qui se font écho, l’équivalent de ce qu'est la rime en poésie (Conversation avec Ribemont-Dessaignes). En dehors même de l'efficacité rhétorique de sa fantaisie, le Chiendent fait date, également, parce qu'il est le premier roman français à prendre acte de l'importance de Joyce, importance qui ne tient pas tant dans le réalisme psychologique auquel permettrait d'atteindre le monologue intérieur (trop voisin, au reste, de l'écriture automatique contre laquelle on connaît les préventions de Queneau) que dans une mise en jeu, par le récit lui-même, du
«
langage
au moyen duquel il s'effectue et
se pro duit .
Le roman autobiographique Odile
(1937) retracera les circonstances au
cours desquelles Queneau a écrit le
Chiendent : il se tennine par un voyage
en Grèce qui apporte au héros, truche
ment de l'auteur, la révélation du fait
que la beauté n'est pas réservée aux
abstractions de la géométrie.
Et c'est en
effet pendant un été passé en Grèce que
la plus grande partie du Chiendent a été
écrite.
Un recueil plus tardif, intitulé le
Vo yage en Grèce ( 1973), rassemblera les.
articles dans lesquels Queneau, entre
1937 et 1940, a fonnulé cette esthétique
qui se proposait de réintroduire dans la
littérature moderne, et en particulier
dans le roman, les valeurs de maîtrise
du classicisme, esthétique dont le Chien
dent a été la première réalisation et la
première réussite..
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