Chénier : Oeuvres poétiques
Publié le 10/04/2013
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Les manuscrits de Chénier confiés à son père passèrent de main en main, dans l'indifférence, pendant un quart de siècle et ne furent publiés qu'en 1819, à l'exception de !'Ode au Jeu de Paume et du poème Aux Suisses de Châteauvieux, parus de son vivant. On ne sait si les iambes nous sont parvenus dans leur intégralité.
«
-- ------EXTRAITS
: LA JEUNE TARENTINE
Pleurez, doux alcyons, ô vous, oiseaux sacrés,
Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez.
Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine !
Un vaisseau la portait aux bords de Camarine;
Là, l'hymen , les chansons, les flûtes, lentement
Devaient la reconduire au seuil de son amant.
Une clef vigilante a, pour cette journée,
Dans
le cèdre enfermé sa robe d'hyménée,
Et l'or dont au festin ses bras seraient parés,
Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés.
Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles,
Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles
· L'enveloppe.
Etonnée et loin des matelots,
Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots.
Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine.
Son beau corps à roulé sous la vague marine.
Thétis, les yeux en pleurs, dans
le creux d'un rocher
Aux monstres dévorants eut soin de le cacher.
Par ses ordres bientôt les belles Néréides
L'élèvent au-dessus des demeures humides,
Le portent au rivage, et dans ce monument
L'ont, au cap du Zéphyr, déposé mollement.
Puis de loin, à grands cris appelant leurs compagnes,
Et les Nymphes des bois, des sources, des montagnes,
Toutes,frappant leur sein et traînant un long deuil ,
Répétèrent:
«Hélas! » autour de son cercueil.
« Pleurez, doux alcyons, ô vous, oiseaux sacrés,
Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez.
Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine ! »
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« Ainsi, triste et captif, ma lyre toutefois
S'éveillait, écoutant ces plaintes, cette voix,
Ces vœux
d'une jeune captive »
LA JEUNE CAPTIVE
Au banquet de la vie à peine commençé,
Un instant seulement mes lèvres ont pressé
La coupe en mes mains encor pleine.
Je ne suis qu'au printemps,
je veux voir la moisson ;
Et, comme
le soleil , de saison en saison,
Je veux achever mon année.
Brillante sur ma tige et l'honneur du jardin,
Je n'ai vu luir encor que les feux du matin;
Je veux achever ma journée.
Ô mort! tu peux attendre; éloigne, éloigne-toi;
V a consoler les cœurs que la honte, l'effroi ,
Le pâle désespoir dévore.
Pour moi Palès
encore a des asiles verts,
Les Amours des baisers, les Muses des concerts;
Je ne veux point mourir encore.
Ainsi, triste et captif, ma lyre toutefois
S'éveillait, écoutant ces plaintes, cette voix,
Ces vœux d'une jeune captive;
Et secouant le faix de mes jours languissants ,
Aux douces lois des vers je pliais les accents
De sa bouche aimable et naïve.
C es chants , de ma prison témoins harmonieux,
Feront à quelque amant des loisirs studieux
Chercher quelle fut cette belle :
La grâce décorait son front et ses discours,
Et, comme elle, craindront de voir finir leurs jours
Ceu x qui les passeront près d'elle.
NOTES DE L'ÉDITEUR
« L' Ode à Marie-Anne-Charlotte Corday
que Chénier fit circuler alors qu'il vivait
dans la clandestinité, sera la cause première
de son arrestation.
L'assassinat de Marat, en
juillet 1793, symbolise
à ses yeux l'acte
héroïque par excellence.
Qu 'il soit le fait
d'une femme accroît encore pour lui la
hauteur du geste.
»Michel Orcel, note limi
naire des
Autels de la peur, Obsidiane,
1988.
« Homère fut son premier maître.
Il avait lu
et relu les poèmes homériques, au point
d'en savoir bien des passages par cœur -
les innombrables réminiscences
qu'on ren
contre à chaque instant chez lui, en font du
XVIIr siècle
en France.
Bornons-nous
tout simplement
à constater que plus d'une
fois André Chénier est arrivé à la perfection
absolue dans la tâche délicate de la
transformation en vers français de
l'harmonie du rythme
grec.
» Georges
Walter, avant-propos des
Œuvres complètes
d 'André Chénier ,
Gallimard, 1958.
1 Sipa Ico no 2, 3, 4 , 5 ill.
d ' Ivanna Lem aitre / é d.
Scripta Manent , Paris , 1926
foi ...
»
« Ce goût si fortement prononcé pour la
littérature grecque,
qu'on attribue souvent à
l'influence naturelle des origines
helléniques d'André Chénier, ne lui est
nullement propre dans cette fin
CHÉ NIER 02.
»
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