CHATIMENTS de Hugo
Publié le 20/02/2019
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CHATIMENTS, recueil poétique de Hugo (1853). Diffusé clandestinement pour fustiger le coup d'État par lequel Louis Napoléon Bonaparte avait mis fin à la IIe République, ce recueil « satirique » est aussi une épopée et un « art poétique » révolutionnaire. Le plan est d'une rigueur qui préfigure le mode de construction des Contemplations. L'évocation des « actes et paroles » de 1848 à 1852 (livre IV), pivot de l'ensemble, fait surgir un « Ego Hugo » entre le double anonymat d'une parole prophétique et d'une citoyenneté stoïque. L'exercice de la violence verbale conduit à une révolution dans le langage poétique, ouvert à tous les registres de la langue, argot compris. Un rire rabelaisien mêle ses éclats à ceux de l'invective, dynamitant le sérieux des idéologies. Hugo conquiert enfin, dans une alliance neuve du grotesque et du sublime, la totalité de son espace poétique. Car l'invocation du surréel sert à démasquer le réel : quand « l'ordre est rétabli », tout s'effiloche, « le néant prévaut ». Cette poétique de la voyance se réclame de saint Jean de Patmos, visionnaire du Bas-Empire romain. Commémorant une Passion du peuple, les sept livres de cette Apocalypse proclament la certitude d'une délivrance, par l'intercession de « l'Ange Liberté », appelé aussi « Poésie ardente ».

«
Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)Guy Rosa et Jean-Marie Gleize commencent ainsi leur introduction aux Châtiments du Livre de Poche : «Châtiments est livre actuel.
Châtiments n'est sans doute pas aujourd'hui le plus ni le mieux lu des livres de Victor Hugo.
Parce qu'il s'agit d'un texte au présent.» Expliquez et commentez ce jugement.
Châtiments est sans doute aujourd'hui l'un des recueils les moins lus de Victor Hugo.
Les écoliers apprennent des extraits nombreux et variés des Contemplations mais se cantonnent pour Les Châtiments à quelques pièces allégoriques et coupées du contexte du second Empire comme «Sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée...» Guy Rosa et Jean-Marie Gleize proposent une explication lorsqu'ilsécrivent : «Châtiments est livre actuel.
Châtiments n'est sans doute pas aujourd'hui le plus ni le mieux lu des livres de Victor Hugo. Parce qu'il s'agit d'un texte au présent.» Leur jugement mérite cependant d'être éclairé.
Est-ce que Châtiments, texte au présent, texte actuel, est un livre daté ou est-ce qu'au contraire, comme le veut l'écriture poétique, il présente une écriture hors du temps ? Nousverrons d'abord que Châtiments, texte écrit pendant l'Empire, n'échappe pas à sa condition de texte historique mais qu'il s'agit avant tout d'un texte de l'actualité, un apprentissage de la résistance à toutes les formes de l'oppression politique.
Nous montrerons ensuiteque l'écriture poétique des Châtiments, comme celle de l'Odyssée ou de la Divine Comédie, au-delà des circonstances politiques qui ont motivé sa création, échappe à toute datation pour atteindre une sorte d'atemporalité de la lecture.
I.
Les Châtiments, texte du passé et texte historique, écrit pendant l'Empire
Un texte motivé par un événement historique
Les Châtiments est motivé par le coup d'État de 1851.
Son statut de texte daté, Victor Hugo l'affirme dès le premier vers : «C'est la date choisie au fond de ta pensée.» Les Châtiments date de 1853, il est écrit pour marquer au fer rouge, pour défier l'usurpateur (voir L'homme a ri).
1.
Un texte fourmillant d'allusions historiques2.
Ce contexte rend la lecture des Châtiments souvent difficile.
Le texte fourmille de noms propres aujourd'hui inconnus.
Les événements historiques décrits sont souvent très précis et n'éveillent aucun souvenir chez le néophyte (Les Commissions mixtes).
On a quelquefois l'impression d'être devant une version géniale et versifiée d'un journal satirique de 1853.
Le
lecteur est quelquefois un peu rebuté par l'érudition politique nécessitée par la lecture.
Il.
Les Châtiments, texte du présent, un art de vivre, un traité de morale politique
Mais cette situation historique peut rencontrer des échos chez tout lecteur dont l'actualité rencontre la même oppression politique.
Iln'est pas étonnant que les lecteurs les plus assidus des Châtiments soient Péguy ou Aragon dans un contexte historique troublé (guerres mondiales).
Les Châtiments, un texte de la résistance
Au-delà du verbe, Les Châtiments donne une éclatante leçon de résis-tance et d'espérance à tout lecteur en situation d'isolement politique.
Il s'agit pour Victor Hugo d'un traité de résistance politique sensible dans Ultima Vérba ou dans «Ainsi les plus abjects, les plus vils, les plus minces...» : «Toute une nation avec toute sa gloire /Vit dans le dernier front qui ne veut pas plier.
/ Poursoutenir le temple, il suffit d'un pilier ; / Un Français, c'est la France ; un Romain contient Rome,/ et ce qui brise un peuple avorteaux pieds d'un homme.»
1.
Un hymne contre toutes les oppressions2.
Les personnalités dans Les Châtiments sont choisies de manière à pouvoir être réutilisées dans d'autres contextes.
Les noms sont construits en série et rejoignent une mythologie parfaitement compréhensible au lecteur : la série des ministres véreux, la série desbandits célèbres.
C'est cette actualité permanente du texte des Châtiments qui en fait un texte au présent.
La qualité poétique en fait aussi un texte éternel, hors du temps.
111.
Les Châtiments, texte poétique, pour toujours
1.
Un texte qui échappe à son contexte
Tous les grands textes, voire toutes les grandes oeuvres artistiques, sont motivés par des éléments contextuels biographiques,politiques, économiques...
Les Tragiques d'Agrippa d'Aubigné est suscité par les guerres de religion, L'Iliade et l'Odyssée parlent de guerres homériques...
L'événement oublié, le grand texte reste lisible et les événements sont lus comme autant d'allégories de lacondition humaine.
Le coup d'État de 1851 est aujourd'hui loin.
Mais Les Châtiments n'est pas un pamphlet, il ne disparaît pas avec le contexte, mais devient pour le lecteur la grande épopée que Victor Hugo voulait bâtir.
2.
Un texte poétique éternel
Châtiments est donc lisible hors contexte.
Certains vers par leur beauté, leur rythme, leur grandeur traversent les siècles sans que le lecteur se soucie du contexte : «À la septième fois, les murailles tombèrent», «et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là», «Il neigeait...» Il s'agit d'une esthétique épique, d'unrythme ample auquel le lecteur en connaisseur de sa langue est sensible.
Conclusion
Il nous semble donc que l'explication proposée par Guy Rosa et Jean-Marie Gleize est juste mais également incomplète.
La relative faiblesse de la lecturedes Châtiments est sûrement motivée par l'aspect circonstanciel du livre..
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