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Chanson de Roland (la)

Publié le 19/02/2019

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Chanson de Roland (la), chanson de geste française, en 4 002 décasyllabes assonancés. On la date de la fin du XIe s. et nul texte de ce genre ni de cette importance en langue vernaculaire ne lui est antérieur. L'auteur est inconnu, mais on a voulu le voir dans le Turoldus qui « signe » le dernier vers du poème. L'équilibre de la composition atteint d'emblée une perfection surprenante avec la trahison de Ganelon, la bataille et la mort de Roland, puis, dans une seconde partie, l'affrontement de Charlemagne avec l'émir Baligant, et le châti-

ment du traître : deux parties, le martyre de Roland et la vengeance, qui annoncent déjà l'ordonnance classique. Le découpage en laisses, en tirades d'inégale longueur dont l'apparente improvisation renvoie à la technique orale des jongleurs, introduit dans cette architecture toutes les nuances de l'émotion. Il ne s'agit pas d'un pur récit, mais d'une narration mêlée de stances lyriques. Et, comme il convient au genre épique, dont le type d'énonciation est mixte, d'importants dialogues traduisent l'affrontement des personnages et des idées. Le substrat rhétorique et philosophique est très solide. Dans le détail même, l'emploi de formules stéréotypées pour décrire les actions (notamment les batailles) et les réactions (notamment la colère et la douleur), tout en donnant l'image du style oral et comme l'écho de l'intonation du décasyllabe fortement articulé avec sa césure, ses assonances et ses clausu-les, confère au langage une gravité hiératique. L'écriture a su tirer parti des procédés de la parole à des fins littéraires. La signification ressort de cette composition, plus particulièrement mise en valeur par le manuscrit découvert en 1832 à la bibliothèque Bodléienne d'Oxford. De l'événement historique du 15 août 778 (la défaite infligée par les Basques ou les Gascons à l'armée de Charlemagne dans les parages de Ronce-vaux) au mythe héroïque reconstruit autour de Roland, la transformation est considérable. On peut interpréter l'affaire du point de vue de la propagande : une cuisante défaite ruinant les « châteaux en Espagne » de Charlemagne est ainsi masquée. Mais c'est faire de l'œuvre le résultat d'un lent processus politique, peu vraisemblable. En substituant à la défaite de Roncevaux la passion d'un saint laïc, c'est vers la réflexion sur l'homme, son destin, son orgueil, son drame familial, son attachement au roi, son dévouement à Dieu, que se tourne la lumière du texte. Sous la gloire épique, ce n'est pas la vengeance politique, mais la souffrance humaine qui fait sens.

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