Chaminadour de Marcel Jouhandeau (analyse détaillée)
Publié le 23/10/2018
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Chaminadour. Recueil de textes courts de Marcel Jouhandeau (18881979), publié à Paris chez Gallimard en 1934 et 1941.
À Chaminadour. petite ville d'une province reculée, on perpètre avec ardeur ses infamies et les langues vont bon train. Chacun sait que claquemuré derrière ses volets, un tel frappe sa femme, spolie ses parents ou humilie sa bru. Paysans madrés et brutaux, clergé paillard, domesticité paresseuse défilent dans cette féroce chronique provinciale
En une suite de portraits et d’anecdotes, réduites parfois à un mot cocasse, le narrateur évoque d'un trait vif et volontiers cruel les crimes, petits ou grands, de ses concitoyens - qui ressemblent singulièrement aux habitants de Guéret, ville natale de l'auteur... L'écriture fragmentée, la multiplicité des points de vue et l’absence apparente d'organisation apportent à cette litanie de ragots une amusante diversité et lui confèrent progressivement la dimension d'une acerbe comédie humaine. Dans le concert confus des voix anonymes, auxquelles se mêle, parfois, celle du narrateur, on distingue peu à peu, parmi les accents et les provincialismes, une intonation déjà rencontrée. Parallèlement, des silhouettes s'ébauchent ; des noms reviennent ; des familles et des alliances se devinent.
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voix anonymes, auxquelles se mêle,
parfois, celle du narrateu r, on d istin
gue peu à peu, parmi l
es accents et
le s provincialismes, une intonation
déjà renco ntrée.
Parallèlement, d
es
silhouette.s s'ébauchent; des noms
revienn
ent ; des familles et des allian
ces
se d evinent.
Au fil du texte, le lec
teur
se familiarise peu à peu avec ces
acteurs qui ne lui ont pas été présentés
et au sujet desquels Il se surprend à
attendre quelque médisance.
Ainsi, ces
commérages sans suite, dispersé.s dans
les
« séries,.
qui articulent le r ecueil
comme au gré des hasards de la ren
contre
et de la conv er sation , prennent
corps en une authentique œuvre litté
raire, qui nous enseign e que le quoti
di en inf orme vaut une constructio n
roman esque complexe.
Mais le propos de jouhandeau repose
sur des conve ntions moins
réalistes encore que celles qu'Il prétend dépas
ser.
Car ses portraits
à l'acide s'appa
rent e nt à la littérature «mor ale • plus
qu'à la fiction romanesque ou
à la cale
çonna de.
Ainsi, l
es personnages- mas troquets portés sur l'absinthe, maritor
ne s acariâtres, paysans matois, cu rés
dépravés -appartiennent-ils à une
typol ogie traditionnelle, soulign
ée par
de rares patronymes plus suggestifs que
vraisemblables.
Le style du recueil
l'inscrit égaleme
nt dans la lignée de La
Bruyère ou de jules Renard : textes
laconiques, volontiers virulents, phra
ses simples, souvent au discours direct,
formules lapidaires.
Ab o rd ée sous cet
angle , la structure même du recueil est
systématique :
des " séries " éthiques -
Intelligence, Religion, justice, Sagesse,
Gloire, Bonté -succèdent à d'autres,
régies par l
'an thr opologie -le jeune
Homme, le Bandit , le Paysan, le
Fer
mier , le Chiffonnier, le Curé.
Reste la
singularité, quelque peu dérangeante,
du
ton : sans la foi de l 'auteur des
*Caractêres dans le po uvoir des mots ni
la tendresse généreuse de cel ui du
*Journal (et de Nos frêres farouches), la
chron ique de jouhandeau ne renvoie
qu'à elle-même : une réussite brillante
et -parfois
un peu gratuitement -
méchante..
»
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