Carlo Goldoni: Les Rustres
Publié le 09/04/2013
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Composée et jouée pour la première fois en 1760, la comédie des Rustres fait partie des quelque cent-cinquante pièces écrites par Carlo Goldoni. Elle est sans aucune doute une des oeuvres les plus connues de cet auteur, avec· La Locandiera (1753) et La Trilogie de la Villégiature (1761). « Je n'ai jamais sacrifié une comédie qui aurait pu être bonne à un préjugé qui aurait pu la rendre mauvaise.« Goldoni, Mémoires.

«
Alors que Goldoni
écrivait
Les Rustres, en
France, Voltaire venait
d'écrire
Candide et
Rou sseau rédigeait La
Nouve lle H éloïse .
~- ---- --EXTRAITS-------~
Lunardo annonce à sa femme,
Margarita, qu'il a trouvé un époux
pour leur fille, Lucietta
MARGARITA.
- Et alors, comme ça, il avance,
ce
mariage?
LUNARDO.
- Vous n'avez rien dit à la petite ?
MARGARITA.
-Moi? Rien.
LUNARDO.
-Faites bien attention , méfie z
vous.
MARGARITA.
-Non, vraiment, je vous dis que
non.
LUNARDO.
-Eh bien ! moi , voyez-vous je
crois que c'est fait.
MARGARITA.
-Avec qui, peut-on le savoir ?
LUNARDO.
-Chut! les murs ont des oreilles.
(Il regarde autour de lui.) Avec le fils de Sior
Maurizio.
MARGARITA.
- Avec Sior Filippetto ?
LUNARDO.
-Oui, chut! ne dites rien.
MARGARITA.
- Chut! chut! bon sang! Ne di
rait-on pas une histoire de contrebandiers !
LUNARDO.
-Je veux que personne ne soit au
courant de mes affaires.
MARGARITA.
- C'est pour bientôt ?
LUNARDO.
-Bientôt.
MARGARITA.
-Est-ce qu'il afait la demande
en
mariage?
LUNARDO.
-Ne vous occupez pas de cela,je
l'ai promise.
MARGARITA, avec étonnement -Vous l'ave z
même promise ?
LUNARDO.
-Oui, madame, cela vous éton
ne?
MARGARITA.
- Sans rien dire ?
LUNARDO.
-Le maître , ici , c'est moi.
Lunardo et ses amis, outrés
d'avoir été trompés
par les femmes,
méditent une vengeance.
LUNARDO.
-Chers amis, il faut en discuter,
il
faut nous concerter.
Avec ces femmes, il
faut dire les choses comme elles sont, que
pouvons-nous faire ? Pour la petite, c'est
facile : j'y ai déjà pensé et j'ai pris une
décision.
Pr emière chose, plus question de
mariage.
Et que jamais plus elle ne me parle
de mariage ! Je vais l'envoyer dans un en
droit où elle sera enfermée loin du monde,
entre quatre murs,
et on n'en parle plus.
Mais les femmes, comment pouvons-nous
les punir ? Donne z votre avis.
CANCIANO.
- Vraiment,je l'avoue,je suis un
petit peu embarrassé.
SIMON.
-On pourrait les enfermer elles
aussi dans un endroit retiré, entre quatre
murs , et s'en débarrasser comme cela.
LUNARDO.
- Ça, il faut dire les choses
comme elles sont, ce serait un châtiment
plus pour nous que pour elles.
Il faut
dépenser de l'ar
gent , pa yer lesfrais,
les envoyer avec un
trousseau convena
ble , et, si retirées
qu'elles soient, elles
trouveront toujours
là-dedans plus de
li
berté et de distrac
tions qu'elles n'en
ont à la maison.
(A
Simon:) Est-ce bien
parler?
Traduction de
G.
Moget
...
mais les femmes prennent le parti des jeunes promis
.
OTES DE L'ÉDITEUR artisans semblent venir à notre rencontre
avec leurs petits problèmes et leur humanité
véritable.
» A.
Tripet, préface aux Rustres,
Éditions Rencontres, 1968.
comédie
d'intrigue par la comédie de
caractère.
« La bourgeoisie, incarnée par les Rustr es
vénitiens, n'a-t-elle pas des travers
remédiables ? A varice, étroitesse d'idées,
tyrannie domestique, tout cela pourrait
paraître désespérant.
Mais le bon sens des
épouses
à la langue bien pendue rétablit
l'équilibre
compromis.( ...
) Le peuple a
pour lui la vie, ce qui suffit à signaler la
sympathie qu'il éveille en Goldoni et
l'option raisonnable que cette sympathie
trahit.
Alors que les marquis ont chez lui
des airs de caricatures , les valets et les Goldoni
participa, par son théâtre,
à la
querelle qui opposait alors la
commedia
dell'arte
et Gozzi (avec ses « fables ») à la
comédie larmoyante pratiquée par Chiari
et au théâtre littéraire prôné par les
académiciens.
Plutôt que de
choisir un
genre au détriment de l'autre , Goldoni
réforma la
commedia dell'arte ; il remplaça
l'improvisation par le texte écrit et la
1 coll.
Yiollet 2, 3 dessins de Pietro A.
Novelli, gravés par A.
Baratti, Opere, Pasquali Éditeur, Venise, 1761-1764 / B .N.
« A la vérité, le théâtre populaire des
masques traditionnels était plus que sclérosé
et son intérêt ne reposait plus, tel, de nos
jours , le théâtre
« de boulevard » que sur le
talent de ses interprètes, mais on a eu tort
- et Goldoni en a longtemps souffert en
France -de vouloir faire de celui-ci le rival
ou l'égal de Molière.
Goldoni est autre chose
et ce n'est pas pour rien que nombre de ses
pièces sont d'un modernisme étonnant.
»
M.
Arnaud, Histoire des littératures , 1982.
GOLDONI 02.
»
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