CARACTÈRES OU LES MœURS DE CE SIÈCLE (Les) Jean de La Bruyère. Études de mœurs
Publié le 29/09/2018
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LA BRUYÈRE (1645-1696) - LES CARACTERES
— La Bruyère fut avocat, puis acheta un office de trésorier des finances dans la généralité de Caen, mais résidadans son Paris natal pour y mener une vie d'étude.
Recommandé par Bossuet au Grand Condé, il enseigna à sonpetit-fils, le duc de Bourbon, l'histoire, le latin et la philosophie; une fois l'éducation du jeune homme terminée, ilrésigna sa charge, mais resta dans la maison princière, à titre de gentilhomme de M.
le Duc, père de son élève.
C'estdans ces conditions qu'il écrivit les Caractères, publiés en 1688.— La Bruyère a eu chez les Condé un poste privilégié d'observation pour étudier les caractères et les, moeurs.
Ilconnaissait déjà les bourgeois, étant né parmi eux.
A Chantilly et à Versailles, il vit de près les grands seigneurs, lesministres, les prélats, bref toute la Cour.
Il notait les conversations, les gestes, les intrigues; il se documentait depremière main.— La Bruyère était de caractère triste, austère et farouche, mais bon et de commerce agréable.
Il nourrissait petd'ambition, aimait la compagnie paisible d'amis et de livres de choix; il se tenait effacé et semblait craindre demontrer son esprit.
Il avait un penchant à la compassion; il a souffert de l'injustice des uns et du malheur desautres, il a pensé « qu'il y a une espèce de honte d'être heureux à la vue de certaines misères ».
Il fut pour lafamille des Condé un protégé plein de dignité.
Mais occupant une situation subalterne, après tout, il n'a pas étésans subir quelques froissements.
Cependant s'il y a dans son oeuvre quelques accents de mélancolie amère, quandil peint la fatuité insolente de certains grands ou l'épais orgueil des financiers enrichis, ce n'est pas tant sa fierté quia eu à souffrir des uns et des autres, que son honnêteté ou son goût.
La Bruyère avait le sens exact et l'expériencedu mérite personnel, que précisément ces gens écrasaient.— En publiant les portraits et les réflexions qui composent les Caractères, La Bruyère avait un dessein hautementmoral : instruire les hommes et les rendre meilleurs.
Il croyait, en effet, à la possibilité pour les hommes de secorriger, s'ils en ont la volonté; et c'est pour les y aider qu'il a fait comme son « philosophe » des Ouvrages del'esprit, lequel « consume sa vie à observer les hommes » et « use ses esprits à en démêler les vices et le ridicule...».
Or l'observation de La Bruyère et ses analyses sont constamment soutenues par une morale positive de charité etde pitié, de justice, d'aide mutuelle, de fidélité aux devoirs d'état.
Attitude authentiquement chrétienne, mais aussinoblement humaine et désintéressée.— La Bruyère commença par s'abriter derrière les Caractères de Théophraste, ce moraliste grec du IVe siècle avantJ.-C., qu'il avait traduits et qui tinrent les deux tiers du livre dans ses premières éditions Mais le succès fut siheureux que sa part personnelle de maximes et de portraits ne cessa de grossir d'édition en édition, finit même parexpulser Théophraste pour occuper tout l'ouvrage.— Le livre des Caractères comprend seize chapitres, des « Ouvrages de l'esprit » aux « Esprits forts ».
Les quinzepremiers ont-ils pour rôle de préparer au dernier, comme l'auteur l'a prétendu ? Ce dernier chapitre veut confondrel'athéisme et l'on sait que La Bruyère était profondément chrétien.
Ne le croyons pas, cependant.
Il n'a émis cetteprétention qu'à partir de la 8e édition.
Et puis, trop de plaisir à observer et à peindre éclate dans son livre : en quoiles pointes contre l'opéra ou contre les fonctions de diplomate, en quoi le portrait de Ménalque ou telle anecdotenous préparent-ils à l'écrasement des libertins ? Enfin, les chapitres se suivent sans aucun ordre : pourquoi la «Mode »,Quelques usages », tenus si loin de la « Ville » et de la « Cour » P Chaque chapitre à son tour ne fait qu'un cadretrès vagie où les articles défilent sans transition ni gradation d'aucune sorte.
Bref, il est évident que l'ouvrage,malgré son unité d'inspiration, a été composé au hasard des rencontres et des observations, vraiment au jour lejour.— La méthode de composition était si nouvelle qu'elle pouvait déconcerter lès lecteurs : voilà déjà un risque; unautre risque, c'était d'irriter des contemporains se croyant, à tort ou à raison, désignés dans le livre, fût-ce parsimple allusion.
On ne manqua pas, en effet, de dire que le livre n'était livre que par sa couverture et sa reliure; onne manqua pas surtout de crier à la médisance et au scandale.
Mais il arriva finalement que ces deux risques dehuent deux causes de succès.— En optant pour une disposition fragmentaire et décousue, La gruyère révélait son habileté à écrire pour les «honnêtes gens ».
Un livre doctoral et de propos suivi aurait ennuyé le public mondain auquel il s'adressait.
Dans sonlivre, qu'on peut ouvrir, et quitter à n'importe quelle page, presque chaque article se suffit à lui-même.
Il y a même,dans les saccades d'une telle composition, un piquant assez propre à séduire les blasés.— Seconde cause de succès : les gens se plurent à rechercher les originaux dont l'auteur s'était inspiré.
On dressades listes de noms qui circulèrent dans Paris; ce sont ces listes qu'on appelle des « clefs ».
Les « clefs » étaientaussi fausses pour La Bruyère que pour Molière, en ce sens qu'il a pris un trait à tel personnage et un trait à telautre, et que de ces divers traits il a fait des peintures moins vraies encore que vraisemblables.
Mais forcément LaBruyère a eu plus de modèles vivants que Molière, et surtout il les a utilisés avec plus de précision.
Avouons mêmequ'on reconnaît aisément le Grand Condé dans Emile, génie foudroyant, plein de ressources et de lumières, mais vraiet simple, et que La Bruyère a entendu dire « je fuyais » avec la même grâce qu'il disait : « nous les battîmes »;Fontenelle dans Cydias, le bel esprit »; Mme de Montespan dans Irène; le duc de Brencas dans Ménalque,l'invraisemblable distrait; le comte d'Aubigné, frère de Mm° de Maintenon, dans Théodecte l'importun et le sans-gêne; le marquis de Dangeau dans Pamphile, le fat hautain et bruyant; quelques autres encore, que La Bruyèreavait observés à Chantilly et à Versailles.— Les Caractères ont l'intérêt d'un document historique.
Ayant pris tous ses modèles dans la réalité contemporaine,La Bruyère se trouve avoir composé un vaste tableau du XVIIe siècle.
C'en est un tableau critique et, en certainspoints, une satire.
—, a) Les grands sont inutiles, sots et durs; l'hypocrisie domine à la Cour.
— b) Les financiers oupartisans (fermiers généraux), qui s'élèvent en face des grands, se rendent odieux par leurs exactions ,C le luxe quien est le fruit; ce sont « des finies sales, pétries de boue et d'ordure », mais toutes-puissantes et qui s'imposent.
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