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Candide ou l'Optimisme (résumé)

Publié le 12/11/2018

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Candide ou l'Optimisme

 

Publié simultanément à Paris, Genève et Amsterdam, Candide parut en janvier 1759. La genèse, pour le projet au moins, remonte vraisemblablement à l’hiver 1757-1758. La rédaction semble s’être étendue, par périodes, sur toute l’année 1758. Une copie de travail publiée en 1959 fait en tout cas justice de la légende tenace du conteur honteux qui n’écrit que par boutade et improvisation : ce « manuscrit La Vallière » de Candide présente de nombreuses corrections et variantes, dont certaines autographes, des sutures et des ajouts, et même deux états primitifs du chapitre sur Paris (XXII). Une vingtaine d’éditions, deux traductions anglaises, une italienne parurent en moins d’un an. Succès étonnant, disait l’auteur, pour une pareille « couillonnerie »... Sous l’affectation d’humilité, il faut lire enfin l’orgueil et le plaisir.

 

Cette « couillonnerie », proverbiale à peine lue, bientôt imitée et plagiée à l’envi, promettait d’aller à la postérité aussi sûrement que la Henriade et Zaïre. Voltaire en révisa le texte à plusieurs reprises, principalement pour pimenter le chapitre parisien de nouvelles anecdotes et d’attaques contre les « anti-philosophes » (édition augmentée de 1761).

« di de voit reparaître C ac ambo (xxvi) :Cunégonde l'attend sur les bords de la Pro pon tide.

elle est esclave.

et horriblement enlaidie.

On vole vers Const an tinople.

et Candide croit r e connaî tre par mi les galériens le docteur Pangloss et le jeune baron : ce sont eux en effet; il les rachète au patron du navire (xxvn).

On écoute.

en co ntinu an t le voyage.

les aventures du sophiste mal pe nd u et du jésu ite mal tué ( X XV III) .

On aborde en Propon tid e.

Candide rachète Cuné­ gonde et la vieille.

Il n'a ime plus Cunégonde.

mais il l'épou­ sera par devoir.

malg ré le refus réitéré du frère (XXIX), dont on se débarrasse en le renvoyant aux ga lè res.

Candide achète.

avec les derniers diamants d'Eldorado.

une petite métairie.

où tous ses co m pagnons.

et Paquette et Giroflée revenus par hasard, sont enfin ré unis : ils y vivront passa­ blement.

après avoir renoncé aux vaines curiosités méta­ physiques.

en cultivant ensemble leur j ardin (XXX ).

C'est l'œuvre de Voltaire la ·plu s lue et la plus com­ mentée, c'est aussi 1' un des trois ou quatre textes français les plus universellement connus -Candide a été traduit en ukrainien, en chinois, en serbe, en croate, en espé­ ranto, etc.

La tradition culturelle et scolaire en a fait ­ avec tous les risques propres à ce genre de sacralisation -le chef-d'œuvre voltairien, la quintessence d'un art et d'une pensée, le conte philosophique par excellence.

Le titre, restitué dans ses trois termes, emblématise au moins le genre.

« Candide », pour les plaisirs de la fic­ tion : un protagoniste, et donc une histoire -mi-quête amoureuse, mi-enquête philosophique, sur le modèle du conte d'apprentissage.

« L'Optimisme », pour la fonction de réflexion -Je mot, très technique, désignait alors la doctrine leibnizienne de 1 'excellence de la Création divine : « Le Tout est bien ».

Et ce petit «ou» enfin, faussement anodin, qui fait jouer d'emblée l'un sur J'au­ tre les deux plans fictionnel et fonctionnel, en générant une problématique de l'alternative et de 1' équiva­ lence.

Candide ou!(et) (comment) (peut-on) (opter pour/persévérer dans) l'Optimisme? Un inventaire pan­ démoniaque de ce prétendu «Tout est bien » illustre à satiété les formes diverses du mal, de la souffrance, de la violence, du désordre.

C'est Je premier niveau de cohérence du texte, les incohérences mêmes de la fable signalant des failles du monde.

Il faut les besicles de Pangloss, et sa fausse candeur -celle de l'intellectuel garant d'un ordre truqué -pour vouloir lire absolument la relativité des choses, donc pour nier leur réalité - aussi Pangloss devient-il borgne.

Pour la vraie candeur du disciple, avec son regard effaré, rivé au réel, l'agression multipliée du mal ne peut être éludée-et ses yeux finissent par s'ouvrir.

L'enseignement du maî­ tre rejeté, l'existence reprend ses droits sur la doctrine : l'optimisme n'était que« la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal >>.

Candide n'est pas un «Tout est mal >>.

D'abord parce que les malheurs et les horreurs ne sont ici, contre toute lecture romantique, qu'une algèbre de la réalité, purs signes dépourvus de toute complaisance affective.

Aucune larme à verser sur la vérole de Pangloss ou sur la mutilation de la vieille.

Le narrateur s'ingénie, au contraire, à forcer ou fausser les plaintes pathétiques des personnages, à transgresser ou clicher les codes roma­ nesques, à produire en amont des événements, à mesure qu'il les déroule, une prévisibilité qui les neutralise, bref à tenir toujours le lecteur à distance, en position de « sur­ conscience >>.

Mais surtout Voltaire en a réellement - c'est la cohérence profonde de l'œuvre -à tous les «Tout est» qui détournent 1 'homme de ses finalités concrètes.

Aux absolus spéculatifs et aux dogmatismes bien conditionnés.

Peut-être même à un certain intellec­ tualisme déjà, car Martin perd enfin le beau rôle, lui J'homme au regard clair, lorsqu'il se met à« conclure >>, contre Pangloss mais à sa façon, que «tout est mal».

Dérisoirement accroché au titre de l'ultime chapitre, ce mot de « conclusion >> provoque et déçoit les amateurs de leçons toutes faites.

Au moins peut-on «être mieux ».

Vivre mieux plutôt, la volonté d'exister libérant justei]lent des aliénations ontologiques.

Une fois détruit l'Eden chimérique de Thunder-ten- Tronckh, l'histoire de Candide présente deux lieux où l'on «vit>>, qui sont aussi les deux seuls lieux où la terre se trouve (textuellement) « cultivée >> : le premier est l'Eldorado; le second, la petite métairie turque, achetée avec les derniers «cailloux>> d'Eldo­ rado.

Par un effet calculé de déceptivité, suivant la bonne pédagogie du conte philosophique, Je second jardin ren­ voie au premier.

Existence larvaire et cellulaire pour les rescapés de tant d'enchaînements désastreux.

Existence plus riche d'humanité et de culture pour les survivants des Incas.

Mais la métairie de Candide peut se lire, sinon comme un Eldorado de poche, du moins comme la figure minimale du même rapport au monde.

Ici et là, un travail s'accomplit sur Je réel, une pratique s'élabore ou s'éta­ blit, qui s'ordonne au processus d'une« civilisation » de l'homme -il faut redonner au mot son sens actif : les Eldoradiens eux-mêmes, à la différence des habitants d'Utopie, ne se reposent pas dans une perfection.

Et ce travail, cette pratique sont d'autre part solidaires dans l'un et l'autre jardin, les hommes ayant plus à démêler, dans la contingence de leur histoire, entre eux qu'avec Dieu.

Au modèle d'organisation théocratique et féodale que représentait la baronnie originelle se substitue ainsi un nouvel ordre de vie et de valeurs.

La noblesse la plus réactionnaire, en la personne du jeune baron, en est chassée, tandis que Giroflée, ancien moine théatin, n'y est admis que défroqué, et reconverti en menuisier : signes possibles d'une intertextualité de la parabole du «jardin de Candide >> avec Je grand discours idéologique de 1' illustration de la Bourgeoisie.

BIBLIOGRAPHIE On ne compte pas moins de cinq éd it io n s critiques de Candide - et huit éditions avec notes et commentaires.

La dernière en date est celle de René Pomeau, constituant le tome XL VITI des Œuvres complètes de Voltaire, Oxford, Voltaire Foundation, 1980.

On y trouve une bibliographie à jo ur de s é tu d es sp éc iale s, p.

269 à 275.

On y aj o ute ra la synthèse d'A.

Magnan, Voltaire.

Candide ou l'Optimisme, ave c une analyse du récit (P.U.F., coll.

« Étu d es Littéraires », 1987).

-Le« manuscrit La Vallière >> de Candide a été reproduit par Ira O.

Wade dan s son étude sur Voltaire and Candide, Princeton Univ.

Press, 1959.-Sur les nombreuses suites et im it a tions du conte, voir Jeroom Ver­ cruysse, >, dans Essays on the Age of the Enlightenment, Droz, 1977, p.

369 à 376.

-Parmi les a da ptat ions les plus récentes, sous Je titre original conse rv é, citons : 1) un film de Norbert Carbonneaux, 1960; 2) un téléfilm de P.

Cardinal, O.R.T.F., 1962; 3) une adaptation théâtrale de Serge Ganzl, mise en scène par Jean-Claude Amyl pou r le théâtre de l'Événement, créée à Montbéliard le 15 octobre 1977, reprise au Théâtre national de Chaillot en janvier-février 1978, dont le texte a été publié dans le n° 617 de l'Avant-Scène, série>, en 1977.. »

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