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Calligrammes de Guillaume Apollinaire (analyse détaillée)

Publié le 21/10/2018

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Calligrammes. Poèmes de la paix et de la guerre (1913-1916).
 
Recueil poétique de Guillaume Apollinaire, pseudonyme de Wilhelm Apollinaris de Kostrowitzky (18801918), publié à Paris au Mercure de France en 1918. De nombreux poèmes avaient été auparavant publiés dans diverses revues, notamment deux ensembles importants : « Lueurs des tirs » dans le Mercure de France du 1er juillet 1916, et « Poèmes de guerre et d'amour » dans la Grande Revue de novembre 1917.
 
Les poèmes qui composent le recueil ont été écrits entre la fin de 1912 et 1917. Calligrammes est donc profondément marqué par la guerre, ainsi qu'en témoignent le sous-titre et la dédicace :
« À la mémoire du plus ancien de mes camarades René Daüze mort au Champ d'Honneur le 7 mai 1917. » La critique, à l'exception de celle des revues d'avant-garde, se montra dans l'ensemble réservée à l'égard de ce recueil novateur.
 
La première section de Calligrammes, composée avant la déclaration de guerre, s'intitule « Ondes » et contient seize poèmes. Certains sont des calligrammes - Apollinaire les avait tout d’abord appelés des «idéogrammes lyriques » - : \"Paysage\", \"Lettre-océan\", \"la Cravate et ia Montre\", \"Cœur Couronne et Miroir\". \"Voyage\". \"Il pleut\". \"Lundi rue Christine\" est un « poème-conversation » qui reproduit des fragments de propos entendus par le poète dans un lieu public. Ces textes originaux côtoient des poèmes d'une facture plus traditionnelle comme la longue ode non rimée intitulée \"les Collines”.
 
La deuxième partie du recueil s’intitule « Etendards ». Elle comprend neuf poèmes qui correspondent à une période allant de la déclaration de guerre au départ d'Apollinaire pour le front en avril 1915. Les références à la guerre et à l'expérience du poète mobilisé sont multiples et explicites, par exemple dans \"la Petite Auto” ou \"2e canonnier conducteur\". Cette thématique ne conduit nullement à un abandon de la verve et de la fantaisie précédentes. Les calligrammes sont toujours présents - certains passages des deux poèmes que nous venons de mentionner relèvent d’ailleurs de cette forme : \"la Mandoline l'Œillet et le Bambou\", \"la Colombe poignardée et le Jet d'eau”.

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« te;,xtes, ne contient qu'un seul calligramme : "Eventail des saveurs".

La forme s'assagit, ou plu­ tôt s'apaise, et le ton se fait plus lyrique et mesuré.

Il y a là; singulièrement dans le dernier poème, "la jolie Rousse", comme le bilan d'un parcours, celui du recueil et celui d'une vie dura­ blement marquée par la guenre.

Bien que toutes les pièces qui le composent ne soient pas des calligram­ mes, le recueil, par son titre et sa struc­ ture d'ensemble, se donne à voir tout autant qu'à lire.

Le poème, objet riche et multiple, se destine à une saisie à la fois sensorielle et intellectuelle.

Figuratifs, certains calligrammes adoptent une disposition graphique dont le dessin redouble le mot-titre et la thématique.

En général, plusieurs textes de ce genre cohabitent sur une même page qui se présente alors comme une sorte de «paysage » (tel est le titre d'un poème) et de nature morte : "la Cravate et la Montre", "Cœur Couronne et Miroir", "la Man­ doline l'Œillet et le Bambou".

Ailleurs, le rapport entre le tracé du texte et son contenu est plus opaque et il peut arri­ ver que les mots cèdent la place à d'autres matériaux tels que des signes musicaux ("Venu de Dieuze") ou des dessins (le faîte d'un poteau télégraphi­ que dans "Voyage").

Grâce à l'emploi d'une grande variété de caractères d'imprimerie, le mot peut lui-même faire l'objet d'un traitement pictural.

Ainsi le début de "Du coton dans les oreilles" mêle majuscules et minuscu­ les, utilise l'italique, divers caractères gras et varie la dimension des lettres, notamment à l'intérieur du mot « omégaphone ''• qui, en raison de la taille de plus en plus réduite des carac­ tères qui le composent, semble peu à peu disparaître, comme absorbé par la page.

La linéarité du texte est donc mise en question et l'écriture se présente comme un acte libre et aléatoire.

S'octroyant le droit et le pouvoir de sil­ lonner la page en tous sens, elle témoi­ gne du même coup de l'inépuisàble polysémie du texte poétique.

Il peut d'ailleurs arriver que, tous repères abo­ lis, le poème, singulièrement celui inti­ tulé "Lettre-océan"; privilégie la visibi­ lité au détriment de la lisibilité.

Une disposition traditionnelle coha­ bite souvent avec des audace.s graphi­ ques qui modifient soudain le flux du discours, y introduisant fantaisie et invitation à la vigilance.

Ces perturba­ tions, parfois modestes, peuvent consister en une dislocation de vers.

L'alexandrin se voit distribué sur deux puis trois lignes successives dans "la Nuit d'avril 1915".

Le poème "Reconnaissance", dont les deux der­ niers mots sont décalés sur des lignes plus basses, semble s'achever sur un effondrement inquiétant qui contredit le mouvement contenu dans le dernier vers : « Et les canons des indolences 1 Tirent mes songes vers 1 les 1 cieux.

» Le dessin du texte peut aussi disloquer un mot, voire une syllabe : « Et je fu 1 rn 1 e 1 du 1 ta 1 bac 1 de 1 Zone » ("Fumées").

Ces mêmes procédés de montage ou de collage -n'oublions pas que Calli­ grammes est contemporain des investi­ gations picturales du cubisme -se retrouvent sur le plan sonore.

Apolli­ naire crée le poème-conversation, assemblage de bribes de propos hétéro­ clites dont la juxtaposition engendre d'étranges rencontres : «Ces crêpes étaient exquises 1 La fontaine coule 1 Robe noire comme ses ongles 1 C'est complètement impossible 1 Voici mon­ sieur » ("Lundi rue Christine;').

Upe allusion ironique aux règles poétiquès se glisse comme par hasard dans ie poème : « Ça a l'air de rimer» (ibid.).

Affranchi des contraintes traditionnel­ les, Apollinaire crée sa propre musique, originale et novatrice.. »

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