Boubouroche de Georges Courteline (fiche de lecture et critique)
Publié le 15/10/2018
Extrait du document
«
permettant à la fois l'extravagance de
l'une et l'humanité de l'autre>> (Cour
teline,
l'Événement, 28 avril 1893).
Le roman.
-Boubouroche, colosse au cœur
tendre, balourd et bourru, vit l'esprit en paix, « parfaitement heureux » entre sa partie de manille au café et les visites régulières qu'il rend
à Adèle,
une petite bonne femme qu'il entretient
depuis huit ans.
Un soir, un monsieur très
comme il faut l'aborde et lui révèle tout à trac son infortune ( chap.
1) : Adèle le trompe.
Après
chaque départ de Boubouroche, derrière la mince cloison mitoyenne, il entend les bruyants ébats amoureux d'Adèle, à laquelle Boubouro che n'accordait jusqu'alors pas plus de sens qu'un « panier à bouteilles ».
Abasourdi, Boubou roche se rend immédiatement chez Adèle, se fait ouvrir
une porte dont depuis le temps il ne possède pas encore la clé et pose, à brûle-pourpoint,
d'anxieuses questions.
Adèle, remontée, nie, se cabre, lui met en main une lampe avec ordre
d'aller inspecter jusqu'au moindre recoin de l'appartement (2-3).
Boubouroche s'exécute à contrecœur; à ce moment, un malheureux cou
rant d'air souffle la flamme et, dans l'obscurité,
Boubouroche aperçoit « un mince tracé lumi neux» encadrant les portes d'un grand buffet.
Il ouvre.
À l'intérieur, un homme attend, conforta
blement installé dans ce bahut aménagé.
Dérangé dans sa lecture.
l'homme, distingué,
beau joueur, n'accepte de partir qu'après avoir
obtenu d'un Boubouroche anéanti, qui a peine à
retenir ses poings, l'assurance qu'il ne frappera pas Adèle (4).
Quant à cette dernière, superbe
de mauvaise foi, elle assure qu'elle ne connaît pas cet homme et finit par retourner entièrement la
situation à son profit en prétendant qu'il s'agit là d'un secret de famille qu'elle ne saurait trahir.
Boubouroche, contrit, offre
alors son pardon à Adèle qui refuse net, proteste de son innocence
et souhaite partir.
Elle acceptera finalement de garder son bien-être habituel avec un Boubouro
che qui, pour lors, fulmine contre le vieux mon
sieur délateur et qui finit par entonner son air
favori, celui du « Forgeron de la paix» (5).
En adaptant Boubouroche à la scène,
Courteline
apporta quelques modifi
cations qui
donnent plus d'amplitude
à l'ensemble.
La pièce.
-Dans un petit café d'habitués, Bou
bou roche fait sa manille quotidienne.
C'est là qu'après une partie de cartes acharnée avec ses amis Potasse, Roth et Fouettard- partie de car tes dont se souviendra peut~être Pagnol en écri
vant Marius -, le vieux monsieur vient aborder
Boubouroche pour lui révéler la trahison
d'Adèle (Acte 1).
Dans l'atmosphère douillette d'un salon bour geois, Adèle et son amant André vivent d'une
manière popote, uniquement dérangés par des coups de sonnette impromptus et les visites
régulières de Boubouroche.
Lors de la grande
explication, Courteline apporte quelques change ments de détail qui tous soulignent encore la théâtralité des dialogues et des situations : dans «l'énorme bahut de chêne» qui trône sur la scène, André découvert n'est pas en train de lire mais « astique, à l'aide d'une peau de daim, la trompe de sa bicyclette » ; dans sa colère, Bou
bou roche manque d'étrangler Adèle avant de
sangloter,
« la tête dans ses jupes » ; à la dernière scène enfin, Boubouroche botte les fesses du vieux monsieur en le traitant de «vieux daim » et de « poire » (Acte Il).
Courteline, qui considérait la pièce
comme
un drame, voulait la faire jouer
dans cette tonalité
au grand dam
d'Antoine, qui, après quelques tiraille
ments, finit
par la monter en farce avec
le comédien
Pons-Ariès dont la débon
naire jovialité acheva de
donner toute
sa rondeur au personnage de Boubou
roche (Gémier jouait André).
Le succès
fut
immédiat et triomphal.
Antoine
notait ainsi dans son Journal : « On a
rarement
vu une salle s'amuser comme
ça.
>> Courteline, après ce « vaudeville
sans
prétentions moralisatrices, ni
sociales ni aristophanesques [ ...
], sans
le secours
du quiproquo ,, (F.
Sarcey),
devint
un auteur reconnu dont l'origi
nalité littéraire est d'écrire.
»
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