BOSSUET: SERM0N SUR LA MORT & ORAISON FUNÈBRE (analyse détaillée)
Publié le 19/10/2018
Extrait du document
très vite, il cesse d’être un bel esprit qui quête les applaudissements pour n’être plus qu’un prêtre. Ses modèles ne sont plus des rhéteurs ou des demi-rhéteurs, mais ceux qui n’ont songé qu’à la parole divine et au salut des âmes. Plus de « cadences harmonieuses », de « vaines curiosités», de « vains ornements », mais « la simplicité ». Plus de rhétorique ni même de philosophie, Il lui suffit de l’esprit divin, d’« une certaine vertu plus qu’humaine qui persuade contre les règles, ou plutôt qui ne persuade pas tant qu’elle captive les entendements ; qui ne flatte pas les oreilles, mais qui porte ses coups droit au cœur (Panégyrique de saint Paul, vers 1659). Ce sont ces coups-là que Bossuet a voulu frapper dans le Sermon sur la mort et 1'Oraison funèbre d’Henriette d'Angleterre.
Les limites de la simplicité et de la sincérité chez Bossuet. — Ce n’est pas que Bossuet se soit tout à fait résigné à la rusticité de saint Paul, à ce discours « inégal et sans suite », à « la dureté de son style irrégulier ». Il compose d’abord avec soin. Ses premiers sermons l’étaient avec trop d’adresse ; il s’y plaisait à ces distributions compliquées qui charmaient les collèges et les beaux esprits. Vers 166o, il renonce à surprendre pour se contenter de ce qu’il admirait chez Balzac, « un tissu parfait de la suite et la liaison des pensées, un art singulier dans les transitions ... ». Pourtant, son art est toujours de l’art, et il est parfois « singulier ». Il y reste quelques complaisances pour des antithèses et des figures de style. L’antithèse du Sermon sur la mort et de l’Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre est le fond même de son sujet : «Tout est vain dans l’homme si nous regardons ce qu’il donne au monde ; mais au contraire tout est important si nous considérons ce qu’il doit à Dieu. » Mais Bossuet la reprend, la retourne, la diversifie, avec une complaisance où on sent parfois un \"auteur\" autant qu’un prêtre.
C’est surtout dans l’oraison funèbre que Bossuet a dû se souvenir qu’il était un orateur et non pas un conducteur d’âmes. Il n’aimait pas le genre. Il s’est plaint, à l’occasion, qu’on y marchait \"parmi les écueils\" (Oraison funèbre du P. Bour-going). Ces écueils, il ne les a pas tous évités, parce qu’ils étaient inévitables. Il faut s’y taire d’abord et dissimuler, du moins par son silence. La cour qui est là ou les grands de ce monde veulent bien qu’on parle des vertus du mort, mais non pas de ses erreurs. Ils exigent qu’on les loue,
Leçon tragique et que Bossuet n’a pas craint de développer avec une vigueur qui avait sa hardiesse. Car ce n’est pas l’idée abstraite de la mort qu’il évoque. Assurément il est soucieux des \"bienséances\" et ne parle plus, comme dans ses premiers sermons, de la pourriture et des vers. Mais il ne craint pas d’étaler la brutalité et l’horreur de la destruction totale : «La chair changera de nature, le corps prendra un autre nom ; même celui de cadavre ne lui demeurera pas longtemps ; il deviendra, dit Tertullien, un je ne sais quoi qui n'a plus de nom dans aucune langue. » Et cette mort n’est pas la mort banale qui termine les destinées communes. Ceux qui écoutent son sermon ou son oraison funèbre sont les puissants de ce monde, et c’est leur mort qu’il veut peindre ; non pas la fin du pauvre, mais la mort des rois méditée par des rois, par David et par Salomon. C’est « le dernier souffle de la mort, tout faible, tout languissant..., abattant tout à coup cette vaine pompe avec la même facilité qu’un château de cartes », C’est la fin de toutes les gloires d’une princesse adulée qui va « dormir dans la poussière avec les grands de la terre, comme parle Job, avec ces rois et ces princes anéantis parmi lesquels à peine peut-on la placer, tant les rangs y sont pressés, tant la mort est prompte à remplir ces places ».
La leçon de doctrine chrétienne. — Bossuet n’est pas seulement un moraliste raisonnant de la mort comme pouvaient en raisonner un Épictète, un Zénon, ou même un Montaigne. Et ce n’est pas la sagesse seulement ou la morale qu’il enseigne, c’est la doctrine chrétienne. Ce n’est pas lui qui parle, le plus souvent, ni la \"raison\" ou la « morale ». Ce sont les autorités du chrétien, les Livres saints et les Pères de l’Église. Le sermon et l’oraison funèbre ne sont qu’un tissu presque continu de ce qu’ils ont dit. Bossuet tout nourri de leur lecture, ne semble,
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vite, il cesse d'être un bel esprit qui quête les applaudisse
ments pour n'être plus qu'un prêtre.
Ses modèles ne sont plus
des rhéteurs ou des demi-rhéteurs, mais ceux qui n'ont songé
qu'à la parole divine et au salut des âmes.
Plus de « cadences
harmonieuses », de « vaines curiosités >>, de « vains ornements »,
mais « la simplicité ».
Plus de rhétorique ni même de philosophie,
Il lui suffit de l'esprit divin, d' « une certaine vertu plus qu'hu
maine qui persuade contre les règles, ou plutôt qui ne persuade
pas tant qu'elle captive les entendements ; qui ne flatte pas les
oreilles, mais qui porte ses coups droit au cœur ,, (P an égyr ique
de saint Paul, vers 1659).
Ce sont ces coups-là que Bossuet a
voulu frapper dans le Sermon sur la mort et !'Oraison funèbre
d'Henriette d'Angleterre.
Les limites de la simplicité et de la sincérité chez Bossuet.
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Ce n'est pas que Bossuet se soit tout à fait résigné à la
rust icité de saint Paul, à ce discours « inégal et sans suite »,
à (( la dureté de son style irrégulier ».
Il compose d'abord avec
soin.
Ses premiers sermons l'étaient avec trop d'adresse ; il s'y
plaisait à ces distributions compliquées qui charmaient les
collèges et les beaux esprits.
Vers x66o, il renonce à surprendre
pour sc contenter de ce qu'il admirait chez Balzac, autant qu'un
prêtre.
C'est surtout dans l'oraison funèbre que Bossuet a dû se
souvenir qu'il était un orateur et non pas un conducteur d'âmes.
Il n'aimait pas le genre.
Il s'est plaint, à l'occasion, qu'on y
marchait.
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