Bois sec Bois vert de Charles-Albert Cingria (fiche de lecture et critique)
Publié le 15/10/2018
Extrait du document
«
d'une dizaine de textes apparemment
hétéroclites, ne fait pas exception à
cette règle et mêle l'érudition la plus
subtile et la plus saugrenue aux vaga
bondages d'une pensée toujours
en
quête d'anecdotes et de sensations.
Pourtant, derrière cette diversité de
surface
se dégage, pour qui sait s'ouvrir
à l'aventure, une cohésion
non factice,
qui est celle de la vie même,
en ses
humeurs changeantes et ses plaisirs de
surprise.
« Recensement », qui ouvre le recueil, intro
duit également au style de Cingria : dans son petit appartement parisien, tandis que le jour se lève et que passent les camions de ramassage des ordures, il se laisse aller au « tonrentiel envahisse ment blanc » et nounit son écriture d'associa tions libres, depuis des problèmes de frappe sur sa machine à écrire jusqu'à une méditation sur les miracles, ou encore à la résolution fantaisiste d'un problème de volumes.
Cette errance de la pensée se double d'une autre, physique, dont ne s'est jamais dépris celui qui reste un fameux « vélocipédiste ».
Ainsi dans « le Petit Labyrinthe harmonique », notations d'impressions ressenties au cours de multiples randonnées dans la campagne française sur une « belle bicyclette bleue », et dans «Vair et Fou dres » qui mène d'une « bibliothèque de rebut », où se donne à lire un « petit dictionnaire mytho logique », à une vieille femme qui, dans sa cahute retirée, vend de l'eau-de-vie.
Ainsi, encore, dans« le Camp de César», qui prend prétexte de déambulations le long de l'Oise, du côté de Chantilly, et de la rencontre fortuite de jeunes et beaux voleurs, pour finir par rappeler le mot de Max jacob, selon lequel « la conversation vit de parenthèses ».
Parfois, un texte semble s'apparenter à la nou velle ou au conte de fées, comme dans « Xénia et le Diamant », ou au récit fantasmagorique : c'est« Hippolyte Hippocampe » qui nanre, en un baroquisme exquis, une version aquatique de *Phèdre.
Ailleurs, « Lou Sorde! » paraît une étude litté raire historique sur un des plus illustres trouba dours provençaux, mais dérive bientôt vers les faits d'armes de Charles l•r, roi de Naples, tandis que « le Comte des formes » pourrait passer pour une étude archéologique de la Ville Éter-
nelle si son propos premier n'était d'élargir « le sens contemplatif.
mais attaché à autre chose que cela à quoi on pensait quand on se représentait Rome dans les .livres ».
Quant à « la Couleuvre » malicieuse, elle pourrait tout droit sortir, ainsi qu'on l'a souvent fait remarquer, d'un ouvrage de Francis Ponge.
Quel que soit son point de départ,
l'écriture de Cingria
ne se fixe aucun
objectif précis à atteindre et refuse
d'emprunter la moindre ligne droite :
car elle
se veut, d'abord et avant tout,
mouvement.
Son principe
en est la
digression, par laquelle elle s'ouvre au
monde sous toutes
ses facettes, adhère
au présent sensible et accueille les faits
et les impressions tels qu'ils
se don
nent, sans souci de hiérarchisation ni
d'objectivation.
«Ce n'est rien : c'est
prodigieux», s'écrie-il ainsi, dans «le
Petit Labyrinthe harmonique », alors
qu'il a dû
se garer avec sa bicyclette sur
un chemin de halage pour laisser pas
ser une jument qui tire
un chaland
vide.
Tout Cingria est là, dans cette dis
ponibilité permanente à l'événement.
«J'appelle réalité ce qui est réel- ce qui
arrive», dit-il dans «Recensement»,
en jouissant de l'exercice plein de tous
ses sens.
C'est cette capacité de ravisse
ment, de captation de l'instant, qui
en
fait, quoiqu'il n'ait guère écrit de poè
mes, l'une des figures poétiques les
plus attachantes de
ce siècle.
Un tel incessant déplacement pour
rait pourtant sembler manquer l'être
des choses pour
ne privilégier que
l'apparence ou le geste, comme chez
Genet, et
se les approprier pour les
détourner.
Au contraire, Charles-Albert
Cingria
en appelle à dépasser les miroi
tements pour rejoindre la plénitude
et l'authenticité.
«Ici le visuel est
secondaire.
C'est moins
un spectacle
qu'une audition, et des plus raffinées
qui puissent exister dans l'accès
non
prévu de sensations pareilles», confie
t-il dans
«Vair et Foudres », alors.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- BOIS SEC BOIS VERT de Charles-Albert Cingria (résumé & analyse)
- BOIS SEC BOIS VERT Charles-Albert Cingria - résumé de l'œuvre
- PHYSIOLOGIE DE LA CRITIQUE d'Albert Thibaudet : Fiche de lecture
- Belle du Seigneur d'Albert Cohen (fiche de lecture et critique)
- Fiche de lecture sur la peste d'Albert Camus