Billy Budd, marin
Publié le 27/03/2013
Extrait du document
Billy Budd fut achevé par l'auteur en 1891, l'année même de sa mort. Il ne fut publié qu'en 1924. Le récit a pour origine un fait divers : en 1842, le lieutenant Gansevoort, cousin de Melville, avait cru découvrir un complot à bord de son navire. Il avait alerté le capitaine, s'acharnant à accuser injustement un jeune matelot et deux sous-officiers. Ceux-ci furent pendus. Billy Budd devait inspirer au compositeur anglais Benjamin Britten l'un de ses plus beaux opéras (1961). Le récit fut également porté à l'écran, avec bonheur, par Peter Ustinov, avec Terence Stamp dans le rôle-titre ( 1962).
«
« ...
une Ootte qui était le bras droit de la seule
puissance conservatrice
de
lAncien Régime qui
subsistât.
,.
..--------- EXTRAITS
L'interrogatoire ou la fatalité du geste
S'approchant du jeune gabier et lui posant
la main sur /'épaule dans un geste d' apai
sement, il
[Vere] lui dit: «Rien ne presse,
mon garçon.
Prends ton temps, prends ton
temps.
»Contrairement
à/' effet recherché,
ces mots prononcés
d'un ton si paternel,
touchant au
vif sans doute le cœur de Billy,
le firent redoubler d'efforts pour s'exprimer
- efforts qui n'aboutirent bientôt,
sur le
moment,
qu'à confirmer la paralysie et à
donner à son visage /'expression d'un cru
cifié.
L'instant d'après, prompt comme la
flamme d'un canon jaillissant dans
la nuit,
son bras droit se détendit et Claggart tomba
sur le pont.
(.
..
)Le coup avait porté en plein
sur le front, si bien modelé et si intellectuel
d'aspect chez le capitaine d'armes ;
de sorte
que le corps tomba tout de son long, comme
une lourde planche qui bascule.
Un ou deux
hoquets et
il resta immobile.
«Malheureux! murmura le capitaine Vere
dans un souffle.
Qu'as-tu fait! Mais viens,
aide-moi.
»
L'apothéose finale
d'un condamné à mort
Les derniers préparatifs touchant la
personne du condamné furent rapidement
accomplis
par deux quartiers-maîtres, et
/'exécution devint imminente.
Billy faisait
face à /'arrière.
Au dernier moment, ou
presque, ses paroles, ses seules paroles, prononcées
sans aucune difficulté d' élocu
tion, furent :
« Dieu bénisse le capitaine
Vere! »Ces syllabes tellement inattendues
de
la part d'un homme qui avait au cou le
chanvre
ignominieux( ...
) eurent un effet
prodigieux, rehaussé encore
par la rare
beauté physique du jeune marin, spirituali
sée à présent par ses dernières expériences,
si profondément poignantes.
(.
..
)
A l'émission de ces paroles et à l'écho spon
tané
qui les fit rebondir avec ampleur, le
capitaine
Vere, soit par un stoïque empire
sur lui-même, soit du
fait d'une sorte de
paralysie momentanée provoquée
par le
choc de l'émotion, se tint droit
et rigide,
comme un mousquet au râtelier de /' armu
rerie.( ...
) Au même instant le hasard voulut
que la toison vaporeuse suspendue bas
à /'orient s'imprégnât
d'une douce et
glorieuse lumière, comme dans une vision
mystique la toison de l' Agneau de Dieu,
tandis que simultanément, suivi du regard
par
la masse compacte des visages tournés
vers le haut, Billy
s'élevait; et, s'élevant,
recevait en plein le rose de /'aube.
Dans la
silhouette ligotée parvenue à /'extrémité de
la vergue, aucun mouvement,
à/' étonne
ment de tous, ne fut visible, hors celui qui
était dû au lent roulis de la coque
par un
temps modéré, si majestueux dans
un grand
vaisseau lourdement armé.
Traduit de
l'anglais par
Pierre Leyris
« Quand Billy vit le
dos nu du coupable se zébrer de rouge sous
le fouet ...
,.
,
NOTES DE L'EDITEUR des dernières pièces de Shakespeare, tout
porte à penser
qu'il les avait acceptées aussi
pour lui-même.
» Jean-Jacques Mayoux,
Melville par lui-même, Le Seuil, 1958.
glisser
vers le chaos.
Nul
n'est libre à
l'égard de la Loi, ni qui l'applique, ni qui
Billy Budd, ou l'apaisement retrouvé
« En la personne de Billy Budd, il
[Melville] a accepté le mystère de la
souffrance et de la mort, l'injustice et
l'horreur visible de notre condition, tout,
jusqu'au silence pétrifiant qui vous vient
quand on voudrait parler.
La limpidité de
l'ouvrage, cette pureté que dégage son
héros, cette mélodie apaisée qui s'entend
ici comme dans les réconciliations dorées
Le règne de la loi
« La sérénité du détachement a construit la
figure du capitaine Vere qui est double, le
cœur et la Loi, et qui dissocie le cœur de
la Loi comme un tribunal britannique.
La
Loi doit être appliquée pour que l'ordre du
Monde [le navire] ne commence pas à la
subit.
Le père
n'est pas là pour la bonté
ni le fils pour le bonheur, mais
l'un et
l'autre pour le lien sacré qui les joint.
Certes, un monde est concevable autre que
ce monde-navire de guerre où nous sommes
sous la Loi.
Billy Budd a été arraché du
vaisseau marchand
Droits-de-/' homme et
transféré sur
l'indomptable.» op.
cit.
1 Mary Evans Picture Library (1861) /Explorer 2 ill.
du Petit Journal (1891) / Edimédia 3 gravure de J.W .
Higgins (1842) / Edimédia 4 gravure de Cruickshank (1825) / Edimédia MELVILLEOJ.
»
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