BÊTISES (les) de Jacques Laurent (fiche de lecture et critique)
Publié le 15/10/2018
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BÊTISES (les). Roman de Jacques Laurent (né en 1919), publié à Paris chez Grasset en 1971. Prix Goncourt.
A. B., éditeur, présente le bref manuscrit d'un auteur de vingt ans, les Bêtises de Cambrai : ce sont les aventures de Gustin, engagé dans l’armée de l'armistice, son amour pour Colette rencontrée au hasard d'une aventure de marché noir. Ce manuscrit a été refusé, à la suite de quoi l’auteur a écrit un long « Examen » de son roman. Il y analyse la naissance de son héros, les différentes versions de son ouvrage, ainsi que sa vie pendant la guerre et jusqu'aux années 1950. Devenu un héros de la Résistance malgré lui, il est poursuivi par le souvenir de son amour pour Françoise, une institutrice qu'il a quittée par peur du mariage. Puis il partage la vie d'une actnce d'avant-garde, Odette, et continue à s'interroger sur son roman. Il interrompt l'« Examen » au moment où il décide d'abandonner les Bêtises de Cambrai. A. B. reprend la parole et présente un nouveau manuscrit, le Vin quotidien, journal de l’auteur qui s’est engagé en Indochine et qui, revenu à Paris, vit une longue histoire d’amour et de jalousie avec Gabrièle. Écœuré par cette
constante introspection, l’auteur a arrêté son journal et renoncé à toute publication. P.-D.G. d’une entreprise, il tente, en vain, d’écrire des romans où il ne parlerait plus de lui-même. Enfin un essai, Fin Fond, interrompu par la mort de l’auteur dans un accident d’avion, à quarante-sept ans, et dans lequel celui-ci s’efforce d’atteindre la réalité de son moi le plus intime, vient compléter le portrait qu’A. B. s’est enfin résolu à publier.
«
ti tre d 'un essai écrit en 1977 par Lau rent : ici en co re, on retrouve Stendhal,
mais celui de la littérature intime, avec
l e jeu
co nst ant du faux et d u vrai.
L'expé rience du journal se révè le tou t
aussi décevante : le grossisseme
nt de
l
'obj et impliq ué p ar l'écriture du «dia
riste » e st ce qui le fait se dérober sans
cesse, réd
uisan t le journal à n'ê tre
qu' un enregistremen t morose de varia
tions insignifia ntes.
C'est ce que montre la méticuleuse
analyse des rapports du narrateur avec
Gabrièle :
l'infidéUté de ce lle-ci, cons
tamment crai n te et pressentie, se pro
duit dans une quasi-indifférence, l'évé
nem ent essentiel devenant l'abandon
de l'écri ture par le narra teur.
Si cette
a n alyse de l
'amour fait so nge r à
Pro ust, de même que les relations du
narrateu r aveç
l'actrice Odette, à la
chair blême et maladive , c'est en effet
l
'au t e u r de *À la recherche du temps
perdu qui est à l'arrière-plan de la
dernière partie : si le narrateur a
lon
guement hésité à définir sa décou verte, l'« effet Fin Fond » par où se
ma nifeste enfin le moi véritable,
dé barr
assé des idées toutes faites, c'es t
pa r crainte de paraître répéter l'effe t
« madelei ne » avec lequel il ne se
confond
pourtant pas ...
Mais, au-del à
de l'humour,
on y reconnaît l'amo ur
p roustien pour les livres de
l'enfance
le Sans famille d'Hector Malot retrouvé
dans l'éditio n
d'aut refois - et l'écoute
angoissée
d'u n corps promis à la mor t.
Cepen d
an t, ce mome nt où est appro
ch é le moi I ntime est aussi celui de
l 'écriture la
plus «Impe r sonnelle,, des
rubr iq ues obé issant à l'ord re
alphabé
tiqu e, pastic h e, cette fols, des recher
ch es fo rm elles du Nouveau Roman.
Pourtant, de
même que le vieil A.
B.,
ap rès tant de rétic en ces, publiera
l
'en semb le du manuscrit avec dévo
tion, de même, cette écriture éclatée
finit par constituer un « portrait de
l 'a rti ste
» à plu sieu rs facettes, où seul le
lecteu r
peut parven ir à la co nnais sance complè te d 'un moi q ui se
dérobe..
»
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