BERKELEY : Principes de la connaissance humaine
Publié le 13/10/2013
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Dans le Dialogue 1, nous cherchons à voir si la libre pensée est caractérisable. Elle tient à batailler contre l'Église et son clergé, et se présente comme favorable à une religion naturelle. Pour elle, il vaut mieux suivre la raison et la nature que d'écouter les puissances.
C'est pourquoi le Dialogue 2 discute l'idée de Man-deville, celle de l'éventuelle utilité du vice. Un bien commun se construit-il sur les égoïsmes, sur les intérêts, sur les plaisirs, ou faut-il s'appuyer sur la vertu ?
Le Dialogue 3 s'inquiète de savoir si, à suivre la nature, on ne ..rouverait pas la voie de la vertu authentique. Ainsi, la vertu ne séduit-elle pas par sa beauté même ? Certains peuvent craindre que cet attrait n'existe que pour quelques esprits éclairés, et qu'il vaille mieux parler un langage plus accessible de punitions et de récompenses dans la vie future. Pourtant, n'y a-t-il pas en nous un sens moral ?
Ce qui ne peut être tranché sur le terrain de la morale doit peut-être être examiné sur le terrain de la vérité religieuse. Le Dialogue 4 s'inquiète de la question de la croyance, de l'existence puis de la nature de Dieu, et mobilise pour ce dessein des théories subtiles, celle du langage visuel, celle de l'analogie.
«
BERKELEY 115
tons point de nous-mêmes 1• » L'origine des connais
sances
humaines est dans la sensation ; et nous pou
vons douter si les sensations sont des connaissances
qui
nous font sortir de nous-mêmes.
Cela ferait, il est
vrai, plaisir
à Berkeley.
Son intuition de base, selon
laquelle
« exister, c'est être perçu », n'est-elle pas fon
damentalement la nôtre ? Il y a chez Berkeley ce sen
timent d'évidence qui fait que, souvent, il nous invite
à rentrer en nous-mêmes, à consulter nos pensées.
Il
se
sent alors certain que nous ne pouvons penser
autrement que lui.
Et s'il avait en cela raison ?
Ainsi la pensée de Berkeley pourrait-elle bien être la
tentation intérieure de tout philosophe, chez lui radi
calement exposée.
Or la tentation est une manœuvre persuasive qui a
quelque chose
de serpentin ou de diabolique ; et que
Berkeley argumente beaucoup, en particulier contre la
matière,
peut prêter à soupçon.
Ainsi Diderot s'est-il
inquiété
en ce qui concerne Condillac.
Et il lui a
demandé d'« écarter le Berkeley qu'il porte en lui 2 ».
Dès ses premiers textes de fougueux jeune homme,
Berkeley fit mal comprendre son « immatérialisme ».
Cet Irlandais est trop idéaliste, dit-on.
Il est extrava
gant.
Il est fou.
Nul ne peut être berkeleyien.
Berkeley
a essuyé quolibets et refus,
en sa vie, et même à titre
posthume.
Car étant un philosophe franc et clair, qui
s'exprime toujours avec la certitude
d'être dans le vrai
bons sens, irlandais,
il a toujours donné à ses lecteurs
des démangeaisons de réfutation.
Les philosophes
français ont vite dit que le fameux « Barclay » ne sau
rait être cru,
même si nul n'arrivait à répondre à ses
arguments; ils lui opposèrent la preuve de l'existence
de la matière par sa consommation (les dames de
Paris, dit Voltaire, quand elles mangent leur ragoût,
ne se soucient de savoir si elles mangent des idées : il
leur suffit de faire bonne chère 3).
Plus tard, Lénine fit
courir très longtemps sa plume sur le papier pour
1.
Essai sur l'origine des connaissances humaines, Condillac, 1746.
2.
Lettre sur les aveugles, Diderot, 1749.
3.
Dictionnaire philosophique, Corps, Voltaire, 1764..
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