Bergeries (les) d'Honorat de Bueil (fiche de lecture et critique)
Publié le 15/10/2018
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Bergeries (les). Pastorale dramatique en cinq actes et en vers d'Honorat de Bueil, seigneur de Racan (1589-1670), publiée à Paris chez Toussaint du Bray en 1625.
Pièce unique de Racan, sans doute composée vers 1618, cette œuvre immense (2 992 vers) dont le titre renvoie à l'Astrée, s'inspire de la Diane (1559) de Montemayor, de YAminte (1573) du Tasse, du Pasteur fidèle (1590) de Guarini, des pastorales de Hardy, ainsi que de l'Introduction à la vie dévote de saint François de Sales.
L'action se déroule dans la campagne parisienne, « à Suresnes ». Après un « Prologue de la nymphe de Seine » célébrant Louis XIII, la pièce
«
s'ouvre sur le monologue du berger Alcidor,
amant désespéré de la belle Arthénice que ses parents ont promise à Lucidas.
Mais, comprenant
que la jeune fille aime ailleurs, Lucidas requiert le secours du magicien Polistène.
De son côté,
Arthénice, à qui chaque nuit la « Bonne Déesse » rappelle qu'elle ne doit pas épouser un étranger,
s'efforce en vain de séduire Tisimandre (amou
reux d'Ydalie), tout en plaignant son cher Alci dor; mais n'est-il pas d'un« sang étranger»? Sur les conseils de Polistène, Lucidas affinme à Arthé nice pouvoir lui apporter la preuve qu'Ydalie et
Alcidor «jouissent déjà des plus secrets plaisirs 1 Dont Hymen assouvit les amoureux désirs».
Incrédulité curieuse d'Arthénice qui accepte de se rendre dans la grotte de Polistène.
Un chœur
de bergers invite à goûter les plaisirs de la vie
(Acte 1).
Amoureuse d'Aicidor, Ydalie se promène dans un bois à qui elle confie ses peines, quand un satyre cherche à l'enlever.
Tisimandre, arrivé à temps, le met en fuite, sans qu'Ydalie éprouve la moindre reconnaissance envers son sauveur.
Survient Arthénice, que décourage Tisimandre,
plus malheureux que
jamais.
Dans la grotte que Polistène embrase de tous les artifices de son art, Lucidas, par le truchement d'un miroir enchanté
et trompeur, fait voir à Arthénice les amours
d'Aicidor et d'Ydalie.
Sur le chemin du retour, elle rencontre le « couple » et maudit Alcidor
qui, de douleur, décide de se jeter dans la Seine.
Nouvelle intervention du chœur des bergers
(Acte Il).
Arthénice se retire, quant à elle, panmi les « filles dévotes » de Diane, et explique les rai sons de sa retraite à son père et à Damoclée, son oncle et père d'Ydalie, venus la visiter.
Soudain Cléante apporte le corps sans vie d'Aicidor qu'il
a repêché des flots.
Évanouissement d'Arthénice,
retour à la conscience d'Aicidor puis d'Arthénice,
brève
explication des amants.
Silène consent à leur mariage.
Chœur des bergers (Acte Ill).
Au milieu de sa jo1e, Arthénice s'inquiète tou tefois des avertissements de la « Bonne Déesse» qui d'un «front counroucé » semble toujours la
menacer.
Convaincu du déshonneur de sa fille, Damoclée veut sacrifier Ydalie.
Le druide Clin
donnax l'approuve : « Quand nous avons produit un enfant vicieux, 1 Il faut de notre sang retran cher ce prodige, 1 Ainsi qu'un mauvais bois indi gne de sa tige.» Le druide convoque Ydalie qui, malgré ses protestations, ne convainc personne de son innocence.
Clindonnax apprête ses « cou-teaux
sacrés» quand
Tisimandre s'offre à mourir en place de sa bien-aimée.
Débat.
Il obtient que
l'on écoute Lucidas.
C'est alors que Cléante leur
annonce le mariage prochain d'Aicidor et
d'Arthénice.
Troublé, puis désespéré, Lucidas
avoue la supercherie du miroir enchanté, et justi fie Ydalie.
Celle-ci, éperdue de reconnaissance
pour son preux et fidèle berger, consent enfin à épouser Tisimandre.
Chœur des sao-ificateurs
(Acte IV).
Crisante, mère d'Arthénice, continue pourtant
de refuser la main de sa fille à l'« étranger» Alci
dor.
Perplexité des pères, qui envisagent un ins tant de modifier les couples et d'unir Alcidor à Ydalie et Tisimandre à Arthénice, en dépit de la tristesse des intéressés.
Apparaît alors le « vieil
Alcidor » : il révèle qu'Aicidor n'est pas son vrai fils, mais un enfant qu'il a élevé après l'avoir sauvé de la noyade lors d'une crue du fleuve ; et il pro duit un bracelet que l'enfant portait et qui prouve
qu'Aicidor est en réalité Daphnis, le frère d'Y da lie, que chacun croyait mort depuis longtemps.
Rien ne s'oppose désonmais au mariage des uns et des autres, et la pièce s'achève sur un épitha lame (Acte V).
Cette pastorale n'est pas sans
défauts: l'action traîne en longueur; la
présentation des personnages obéit au
procédé archaïque du monologue
ini
tial; les personnages n'échappent
guère aux conventions des types ; et le
dénouement relève du romanesque
le
plus traditionnel.
Malgré ses maladres
ses, elle n'en est pas moins une œuvre
importante.
D'abord parce qu'elle
mar
que une étape dans l'instauration pro
gressive des unités classiques.
Si le lieu
demeure général (mais pas davantage
que dans certaines tragédies de
Cor
neille), si la concentration de l'action
laisse encore
à désirer, l'intrigue se
déroule en une journée dont les
moments sont soulignés.
Ensuite et
surtout, parce que, poète plus que
dra
maturge, Racan donne l'exemple d'un
théâtre poétique par l'harmonie de son
vers, la fraîcheur
et la douceur de ses
tableaux.
C'est ce charme qui fait des
Bergeries une œuvre à part, dans
laquelle l'humanisme pastoral rejoint.
»
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