Belle du Seigneur d'Albert COHEN (Résumé & Analyse)
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
pas longtemps.
Commence alors une passion hors du commun entre ces deux êtres assez exceptionnels : Solal secomportant en maître séducteur et Ariane se nommant elle-même la « Belle de son Seigneur ».
Les débuts de cetamour se vivent dans l'exaltation la plus folle, hors du temps, sans une fausse note, trop parfaits, d'ailleurs.Ses oncles juifs mettent Solal en garde contre cette fréquentation, lui rappellent que les temps sont troublés, queles nazis torturent les Juifs en Allemagne.
Si notre héros se sent parfois un peu coupable envers ses frères de racequi souffrent pendant que lui vit une passion ravageuse et coupable, ce sentiment est insuffisant pour arrêter cettemarée d'amour qui submerge complètement les amants.Lorsqu'Adrien Deume, le mari, revient de mission, Ariane et Solal fuient Genève, le foyer conjugal et lesresponsabilités et se réfugient dans un palace à Agay, près de Cannes.
Au début de ce séjour, le charme opèretoujours : les amants dansent, se promènent, écoutent de la musique.
Le bonheur et l'insouciance sont complets.Un incident va marquer une rupture dans cette vie idyllique : Ariane, désireuse de nouer quelques contacts sociaux,a fait la connaissance d'une Anglaise en rapport avec la S.D.N.
à Genève.
Le couple illicite est reconnu et Solalapprend, en épiant une conversation, qu'il est discrédité auprès de la S.D.N., que le mari d'Ariane a tenté de sesuicider : bref, ils sont des amants maudits.
De plus, il entend aussi des paroles dures : on le traite de «coréligionnaire de Dreyfus » et « qu'il vaut mieux Hitler que Blum ».
Dès lors et très progressivement, la relation vase dégrader; pour l'empêcher d'apprendre la vérité, Solal va quasiment séquestrer Ariane.
Les contacts sociaux qu'ilsméprisaient pourtant vont terriblement leur manquer et l'amour va tout doucement s'asphyxier.
Ils étaient sibrillants, ils n'ont plus rien à se dire, ils s'ennuient.
Solal se sent coupable, il souffre et devient méchant.Dans un dernier sursaut d'espoir, ils achètent une maison qu'Ariane décore avec le plus grand soin, mais l'élan estbrisé, ils se sentent « condamnés à la passion perpétuelle ».Enfin, Solal, fou de souffrance, se montre affreusement cruel envers Ariane, frôlant la torture.
C'est la déchéancetotale, le désespoir : tous deux se droguent et finissent par prendre la décision de se suicider ensemble, ultimemoyen de sauver un amour désormais condamné.
Pistes de lecture
Par amour des femmes
C'est dans la communauté juive de Corfou, dont l'origine remonte au XVIC siècle, qu'est né Abraham Albert Cohen,en 1895.
Cet environnement premier le marquera et servira de décor à deux de ses romans : Mangeclous et LesValeureux.
Quant à l'amour qu'il voue à sa mère, il donne également naissance à un ouvrage : Le Livre de ma mère.Des difficultés dans la communauté juive à Corfou provoquent l'émigration de la famille Cohen à Marseille.
Albert yfréquente le lycée Thiers où il se lie d'une amitié intense avec Marcel Pagnol*.
De nombreuses aventures, le décèsde deux épouses et un divorce jalonnent la vie sentimentale de l'auteur qui y puisera l'inspiration de Solal et de Belledu Seigneur.
Cette dernière oeuvre est dédiée à Bella, l'épouse qui l'accompagnera jusqu'à sa mort, en octobre1981.C'est le roman le plus connu d'Albert Cohen (il a d'ailleurs obtenu à sa parution, en mai 1968, le Grand Prix du romande l'Académie française).
Deux autres l'ont suivi : O vous, frères humains et Les Carnets.
Si Albert Cohen déclare,en parlant de lui-même, répéter sans arrêt la même chose, disons que certains thèmes dominent dont l'amour de lafemme (et même la dépendance, en rapport avec la santé très fragile de l'écrivain) et l'origine juive qui marqueprofondément Cohen.
La passion dévorante
A la sortie de Belle du Seigneur, les critiques ont fait allusion à Musil*, Proust* et Joyce* : l'effet de surprise devantce monument littéraire était d'autant plus grand que l'auteur de cette oeuvre bouillonnante de jeunesse était unmonsieur de soixante et un ans.Si le roman est très long et foisonnant, il aurait encore dû l'être plus mais l'éditeur a conseillé à Albert Cohen de lescinder en deux parties : à côté de Belle du Seigneur, il y a aussi Les Valeureux, consacré surtout à sa famille juive.Belle du Seigneur est un roman sur l'amour à la fois sublime et horrible : les longues pages décrivant les manoeuvresde séduction ainsi que les premiers temps de l'amour sont vibrants d'originalité, de sensibilité et de sensualité.
Parcontre, le récit de la lente désagrégation de cet amour est extrêmement douloureux et culmine dans les dernièrespages, proprement insupportables; elles donnent une idée de ce que pourrait être l'enfer.Albert Cohen semble avoir voulu démontrer les effets néfastes d'une passion dévorante et coupable, se posant enmoraliste extérieur.
A moins qu'il traduise dans ce roman une souffrance sentimentale toute personnelle...
A côté del'histoire d'amour et servant de cadre à celle-ci, des thèmes sont développés, analysés avec une acuité minutieuse,parfois avec une grande férocité, il s'agit de la bureaucratie, de l'arrivisme social et de la condition précaire desJuifs.La bureaucratie, c'est dans la S.D.N.
à Genève qu'elle se situe : son inefficacité a d'ailleurs été largementdémontrée au cours de la Seconde Guerre mondiale.
L'auteur se plaît à dépeindre l'hyper-hiérarchisation, lapaperasserie, l'arrivisme et la paresse des membres appartenant à cet organisme.
Pendant que de graves problèmesinternationaux se vivent, les cadres et employés s'efforcent surtout d'accéder à un poste plus élevé.Dans cette optique, les relations mondaines ont une importance primordiale : Albert Cohen est impitoyable enversles petits bourgeois ignorants des usages et qui se couvrent de ridicule pour rivaliser avec les membres de la «haute société ».Enfin, la fragilité de la situation des Juifs est démontrée à travers la désescalade de Solal qui, de sous-secrétairegénéral à la S.D.N., devient un personnage totalement nul après un dérapage de sa vie privée..
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