Bavard (le). Récit de Louis-René des Forêts (fiche de lecture et critique)
Publié le 15/10/2018
Extrait du document
«
femme.
elle éclate d'un rire immense.
Le narra teur s'enfuit dans les rues désertes de la vill e ;
croyant être suivi, il se réfug ie dan s le jard in public.
Peu après y entre le rouqu i n.
Le narrateur,
honteux d'avoir tant parlé, d ésirant être c hâtié, se laisse battre.
Au réveil, il connaît un moment d'exaltat ion intense en entendant dans un collèg e
vois i n.
le cha nt de jeun es sém inaristes qui lui rap pellent sa prop re enfa nce.
Mai s le narrateu r révèle que tout cela est faux.
Il n'ava it d'autre
ambition que parler, et il y a réuss i.
Il va déso r
mais se taire.
Le Bav ard tire peut-être son pouvo ir
de fascination de ce qu'il ressemble
à
une supercherie littéraire.
La « co nfes
sion ,.
du narrateur respec te en effet
toutes les conventions
de la litt éra ture
à la première personne, dont elle
pasti
che avec talent certains textes célè
bres : négation rousseauiste de tout
artifice littéraire au profit d'une trans
parence abso lue, et même refus de
remplir les
« vides » de la mémoire par
des détails anodins ; haine de la
confession et besoin de la subir
comme
un ch âtiment, dialogue sarcastiq ue
avec un lecteur multiple appelé «Mes
sieurs>>, qui renvoie à la har gn e du
héros du Sous-sol -de même qu e les
rues enneigées où err e le narrateur
en
proie à l'angoi sse d'être poursuivi évo quent davantage le Saint-P étersbou rg
dostoïevski en q u'une ville de province
française .
Enfin, si la scène du jardin
public rappelle
la *Nausée, c'est l'œ uvre
de Proust
tout entière qui est mimée au
moment de la rémini scence suscitée
par ia musique.
Réflexion sur la sincé
rité en littéra ture , le récit est ent re
coupé de digressions pleines de scrupu
les par lesquelles le Bavard tente de
s'expliquer sur
son mal.
Or, c'est préci
sément cet effort pour atteindre une
véracité problématique , cet aveu
dépouillé et peu flatteur pour le
nar r a
teur, qui sont bruta leme nt révoqués en
doute
à la fin du récit.
Le lecteur de
«confession s», toujour s prêt à douter
de la sincérité de celui
qu'illi t, est alors
interpe llé et pris à son prop re piège: le
narrateu r a menti, au moment même
où
il semblait se conformer aux exigen
ces du genre.
Mais, dans ce cas, le
doute subsistera jusqu'à la fin : la
"reva nch e,.
du Bavard est qu'on ne
sa ura jamais s'il a menti
en prétendant
menti r.
Un
«personnage » du livre
prend alors une dimension spéculaire :
celui de ce bavard renc
ontré par
ha sard, qui n'a «strictement rien à
dire
» et cependan t « dit mille c ho ses ».
Mais ce reto urne ment par lequel le
narrateur et l'auteur eux-mêmes sont
frappés d'irréalité est en même temps,
co mme l'a
mo n tré Maurice Blanchot,
ce qui porte ce livre au centre
mêm e
de l'éc ritur e : c'est le
«nihilism e de la
fictio n réduite
à son essence ,.
et où «le
vide même n'est pas sûr ,., qui apparaît
dans cet impossible rapport
à un lec
teur qui ne peut que deveni r le
complice
d'u ne lecture qui se dérobe
so us ses yeux..
»
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