Barabbas
Publié le 05/04/2013
Extrait du document
Michel de Ghelderode est le pseudonyme d' Adémar Martens (1898-1962), qui fut un modeste employé d'origine flamande avant d'écrire des pièces en français. Son oeuvre s'inspire du folklore carnavalesque de son pays natal, les Flandres, et met volontiers en scène des sujets historiques ou religieux. L'esthétique expressionniste de ses pièces, qui revêtent souvent le caractère des farces macabres, lui a valu le surnom de « fils d'Ensor «ou de « Bosch théâtral «.
«
EXTRAITS
Le pou voi r soum is
PILATE.
-Nul ne sait trop par qui ni pour
quel motif cet homme doit être jugé.
Quel est
son
tort?
HÉRODE .
-Son tort est de n'être pas comme
les autres .
( ..
.)Les prêtres ne lui veulent pas
beaucoup de bien .
(.
.
.) Prends dans toutes
les lois ce qui peut te servir, et interprète
suivant les circonstances.
N'essaie pas
d'avoir la sagesse du vieux Salomon.
Hé!
Nos temps ne sont plus à la sagesse.
(A
l'oreille de Pilate.) Et songe à ta situation.
PILATE.
-Que veux-tu insinuer ?
HÉRODE.
-Je veux dire que ces prêtres ne
négligeront rien pour t'influencer.
Veux-tu
un conseil, un conseil d' Oriental ? Fais agir
le public.
(.
..
)
PILATE, intéressé.
- Ah oui ? Que ce soit la
foule qui demande la libération du
Galiléen ?
HÉRODE.
-Ainsi tu seras couvert , et tu auras
l'intime satisfaction d'avoir déjoué les
desseins des prêtres.
(.
.
.)
PILATE.
-Je cherche en vain les torts de cet
homme.
Par contre, je discerne clairement
les mouvements de ta haine , Caïphe.
CAÏPHE.
-Ce que tu appelles ma haine est
mon désir d'ordre et de justice, l'amour que
je porte à ma Nation .
HÉRODE.
-Très bien.
Mais les torts, les torts
de cet aliéné ?
CAÏPHE.
-Ce n'est pas un aliéné mais un
séditieux.
Cet homme a blasphémé contre
l'Éternel, contre les lois divines, contre
les principes de notre religion et de notre
séculaire autorité.
Un personnage dépassé
pa r l'évé neme nt
BARABBAS, seul.
- Éternel ...
Éternel.
..
don
ne-moi une lueur d'intelligence pour com
prendre ce qu'ont fait ces prêtres .
Éternel,
donne-moi le don de
haii· plus encore et de
maudire mieux encore.
Ils
m'ont délivré et
je ne puis savoir pourquoi.
Ils ont paru
rendre le bien , mais pour rendre le bien, ils
rendaient le
mal en même temps.
Ils ont
rendu le bien alors qu'ils ne devaient pas le
rendre.
Ils ont condamné un homme sans
pé
chés pour en absoudre un autre qui était
couvert de péchés comme un crocodile
d 'écai lles.
Et
j'ai été le jouet de ces hommes
et peut-être leur complice ! Sans doute
croient-ils que
je suis leur dupe ? Pas un
Barabbas !
Ils m'ont enlevé mes chaînes
mais non mes crocs et ma bave.
Non mon
bras noueux, non mon cœur de bandit, non
mon sang violent.
Et ils
le savent.
Éternel,
toi que j'insulterai chaque
jour; donne-moi
de laforce, du courage, de
la méchanceté.
Ô toi dont nous ne connaissons que la
foudroyante colère
et l' inassouvible soif
de vindicte! (Il se relève.) Je suis libre.
On
a libéré le crime.
Il y
a une justice,
oui!
Celle que les criminels rendront!
La Justice , c'est Barabbas qui
la rendra.
Vive le meurtre !
Actes Sud-Labor,
1984
« La foule" to urn o ie, p ou ss iè re imm ond e.
La foule éto uffe.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Ne voulant pas écrire une Passion
classique et ne voulant pas tremper ma
plume
au bénitier et faire un pastiche des
Mystères anciens, j
'ai pensé à composer
quelque chose de contrariant, d'inattendu, et
de populaire pourtant.
J'ai vu l'envers de la
Passion, la Passion vue à travers le peuple ,
vue
d'en bas, des bas-fonds de Jérusalem .
Au lieu de me trouver sur le Calvaire, avec
les Honorables Témoins,
je me suis mis au
pied du Calvaire, avec la canaille.
( ...
) Pour
incarner le peuple, la tourbe, cette foule
violente, émotive, en état de transe, j
'ai
choisi le personnage dont on
ne parle jamais
et que !'Écriture ne fait que nommer: fait
pourtant passer un souffle de
contestation dans la mesure où elle
s'attaque aux ordres sociaux : justice,
politique, religion.
( ...
) Anti-intellectuel,
Barabbas, celui qu'on a préféré à Jésus,
celui qu
'on a délivré à la place de Jésus.
»
Les Entretiens d'Ostende, recueillis par
Roger Iglesis et Alain Trutat , L 'Arc he,
1956.
« Aux antipodes du théâtre intellectuel et
engagé
d'un Camus, d 'un Sartre ou d'un
Gabriel Marcel( ...
), l'œuvre de Ghelderode
1 Cenlre cultu rel Wall onie- Bru xelles 2, 3 peint ur es de James Ensor / Lauros-Giraudon
son théâtre se veut total et physique, faisant
appel
à tous les sens, intégrant des éléments
plastiques, visuels et sonores, et empruntant
à toutes formes de spectacles marginaux :
marionnettes, guignol,
pantomime.» Mi chel
de Ghelderode, Anne-Marie Beckers,
Éditions Labor, 1987.
GHELDERODE 02.
»
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