Ballade de la geôle de Reading
Publié le 06/04/2013
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Libéré après avoir purgé deux ans de prison, Wilde se réfugie sous un faux nom en France puis en Italie, où il achève sa complainte. La Ballade paraît en 1898 sous le pseudonyme C.3.3, qui était son matricule de prisonnier.
«
Nous sommes tous des assassins
Pourtant chacun de nous tue ce qu'il aime,
- Que chacun l'entende sans
fard:
Les uns le tuent avec des mots flatteurs,
D 'aut res avec un dur regard,
Le lâche tue en donnant un baiser,
Et le brave -un coup de poignard !
Les uns tuent leur amour quand ils sont jeunes,
Et les autres quand ils sont vieux ;
Et l'un étrangle avec les mains du Feu;
Le charitable use d'un couteau, car
Le mort refroidit vite et mieux.
Amour trop bref, amour qui s'éternise,
Qu'on vend, qu'on achète à plaisir;
L'un accomplit son crime avec des larmes,
Et l'autre agit sans un soupir:
Mais si chacun de nous tue ce qu'il aime,
Chacun n'a pas à en mourir.
« Nous entendîmes la prière que le collet du bourreau
étrangla dans un grand cri.
»
«Jamais je n'ai vu un homme fixer aussi
intensément le jour.»
,
NOTES DE L'EDITEUR
« Réalisme et romantisme forment dans
la
Ballade une alliance nécessaire.
Sans le
premier, elle n'eût pas été émouvante.
Sans
le second , elle n'eût pas été poétique.
Elle
est
l'un et l 'autre, assurément.
D'un bout à
l'autre, le courant passe.
Un rythme original
scande ces strophes, un martèlement
monotone , pathétique , inoubliable, comme
celui des pas cadencés et lourds des forçats
Requiescat in pace
Dans la prison de Reading , à Reading
On peut voir une fosse infâme ,
C'est
là que gît un misérable humain
Dévoré
par des dents de flamme ;
Il gît, roulé dans un drap qui
le brûle
Sans même un nom pour sa pauvre âme.
Tant que le Christ n'appelle pas les morts,
Qu'on
le laisse en paix y dormir;
Point n'est besoin de répandre des larmes
Ou de pousser de longs soupirs :
Cet homme avait tué
ce qu'il aimait
Et pour cela devait mourir.
Or chacun de nous tue ce qu'il aime,
- Que chacun l'entende sans fard :
Les uns
le tuent avec des mots flatteurs
D 'autres avec un dur regard,
Le lâche tue en donnant un baiser
Et
le brave -un coup de poignard .
qui tournent en rond, à l'heure de la
promenade, dans la cour de la geôle.
»
Robert Merle, Oscar Wilde, Perrin, 1984.
«Wilde dit de la Ballade qu'elle est son
" chant du cygne ", et sûrement, elle résume
en elle toute son œuvre , qu'elle couronne
superbement.
La dure épreuve
de son emprisonnement,
la pauvreté, le retour à ses anciennes
habitudes , l'éloignement de nombreux
1 coll.
particuli ère.
archives Snark / Edimédia 2, 3.
4 grav ures de 8.
L occa I éd.
P.
de Tart as, 1979
Honte aux pharisiens
Je sais aussi -et comme il serait sage
De l'apprendre à la terre entière -
Que ces prisons que bâtissent les hommes,
La honte les bâtit de pierres
Et de barreaux , de
peur que le Christ voie
Comme l'homme estropie son frère.
De ces barreaux ils ternissent la lune,
Et masquent
le soleil glorieux;
Ils
ont raison de cacher leur Enfer,
Car ce qu'ils font, ni Fils de Dieu
Ni fils de l'Homme ne devraient
le voir,
Tant ce qu'ils y font es1'-odieux.
amis, n'expliquent pas seuls le tarissement
de son talent créateur pendant les trois ans
qui lui restent
à vivre.
Wilde sent qu'après
s'être arraché de lui-même cette œuvre forte
et profonde, il ne peut désormais plus rien
écrire.
Il se tait, malgré
quelque~ velléités
encouragées par ses amis.
» Jean Besson,
Introduction de la
Ballade de la geôle de
Reading, L' Age d'Homme, 1989.
WILDE04.
»
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