BAJAZET de Jean Racine (fiche de lecture et critique)
Publié le 15/10/2018
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BAJAZET. Tragédie en cinq actes et en vers de Jean Racine (1639-1699), créée à Paris au théâtre de l'hôtel de Bourgogne en 1672, et publiée à Paris chez Le Monnier la même année.
Sixième tragédie de Racine, Bajazet a la particularité de s'inspirer d'événe-
ments récents qui se déroulèrent en Turquie et dont il aurait eu connaissance par l'ambassadeur de France à Constantinople notamment. Le dramaturge a pu lire également une nouvelle de Segrais, « Floridon ou l'Amour imprudent » (Nouvelles françaises, 1656), qui s'inspire des mêmes événements. L'action se développe selon les méandres d'une passion qui vient bouleverser les données politiques initiales au point de devenir le moteur de la pièce. Le succès fut immense, en partie grâce à la Champmeslé - qui créa le rôle de Roxane -, mais aussi parce que Bajazet, loin d'être une simple turque-rie, trouva dans l'atmosphère étouffante du sérail la matière poétique propre à une tragédie particulièrement sanglante.
Osmin, confident du vizir Acomat resté à Byzance, rapporte les nouvelles du siège de Baby-lone conduit par le sultan Amurat : en cas d’échec, les janissaires abandonneront le sultan. Satisfaction d’Acomat qui complote contre son maître et qui, pour parvenir à ses fins, veut se révolter contre lui et a fait naître en Roxane, sultane favorite d'Amurat disposant du pouvoir absolu en son absence, un amour violent pour Bajazet, frère du sultan, lequel a ordonné son exécution. Mais Amurat n’a pas été obéi, et le vizir espère convaincre Roxane de mettre Bajazet sur le trône.
«
son proche retour et de l'exécution imminente
de Bajazet.
Atalide s'évanouit : on découvre la lettre, et Roxane décide de leur mort à tous
deux (Acte IV).
Atalide reste sous surveillance et Bajazet est convoqué par Roxane : s'il refuse sa main, il mourra.
Précipitant les événements, Acomat a
forcé les portes du sérail.
Il cherche Bajazet mais on apprend qu'il a été assassiné ainsi que Roxane, exécutée par Orcan.
Acomat s'enfuit et Atalide,
restée seule, se su1cide (Acte V).
On pose aujourd'hui un regard
serein sur
ce qui fut l'objet de polémi
ques
en 1672 : que (Mme de
Sévigné),
argument avancé par Cor
neille également,
ne nous semble pas
pouvoir justifier
une condamnation de
la pièce.
On est au contraire reconnais
sant à Racine d'avoir su éviter le clin
quant des turqueries à la mode -Baja
zet
n'est pas un *Bourgeois gentilhomme
sérieux - pour distiller la poésie som
bre, mystérieuse
et terriblement
inquiétante du sérail, resserrant le tra
gique
dans les liens qu'entretient
l'espace de la scène proprement dit
avec
un espace invisible mais délimité,
clos
et peuplé de ces >
qu'évoquent sans cesse les personna
ges.
Tout se joue au rythme des passa
ges
d'un espace à un autre.
Les « por
tes
>> -les occurrences de ce mot sont
nombreuses -figurent la limite et la
proximité de l'horreur : portes de la
ville, au-delà desquelles
il y a la guerre ;
portes
du sérail, au-delà desquelles
bout la révolte fomentée par Acomat;
porte des appartements de Roxane,
derrière laquelle se
tient Orcan.
C'est
dire
qu'on est tout entier plongé dans
un sérail de convention qui cristallise
les fantasmes
de passion avivée par
l'oisiveté des femmes, vouées à satis
faire les désirs
d'un despote cruel, mais
qui déplace la couleur locale dans
l'ordre
du fonctionnement tragique :
jamais peut-être la spécificité
du lieu
n'aura été aussi fortement attachée à l'accomplissement
du dénouement.
Que l'on quitte
le sérail et Bajazet n'est
plus que le drame romanesque traité
par Segrais.
En ce sens Racine
n'a pas seulement
« réparé la trop grande proximité des
temps [par]
l'éloignement des pays»
(Préface), il a également rapporté cet
éloignement
à l'expression poétique
d'un cliché -presque au sens photo
graphique - indissociable de « cette
grande
tuerie» (Mme de Sévigné).
Car
la fascination
du sérail ne serait rien
sans l'omniprésence d'une mort qui, à
la différence des autres pièces de
Racine, semble
d'autant plus mena
çante qu'elle est insaisissable.
Quand
les dieux se prononcent, leurs exigen
ces ont le mérite d'être claires, par
exemple dans la Thébaïde (1664), Iphi
génie (1674) ou *Phèdre; mais ici le
pouvoir de mort repose entièrement
sur les personnages eux-mêmes, qui
n'en disposent qu'autant qu'Amurat le
leur concède.
C'est parce que le sultan a transmis
le pouvoir absolu à Roxane
en son
absence que l'intrigue se met en place :
Acomat
tente de manipuler Roxane et
Bajazet, ne considérant l'amour, lui qui
est indifférent à
tout sentiment amou
reux, que comme un instrument et
non comme une force rivale.
L'exécu
tion du premier envoyé d' Amurat per
met de contenir le pouvoir suprême
hors du sérail.
Tout paraît alors dépen
dre de Roxane, mais la transgression
du
lieu où s'exerce son autorité par le
second envoyé
d' Amurat, Orcan, qui
semble d'abord confirmer cette auto
rité montre en fait que ce pouvoir
n'avait jamais été véritablement délé
gué, puisque
Orcan obéit en dernière
instance à Amurat
et tue Roxane elle
même.
On peut constater qu'un même
système de délégation de pouvoir, en
l'occurrence celui de la parole, se met
en place dans le registre de l'amour.
En effet,
tant que Roxane laissait.
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