AUDIBERTI Jacques Séraphin Marie : sa vie et son oeuvre
Publié le 16/11/2018
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AUDIBERTI Jacques Séraphin Marie (1899-1965). L’œuvre d’Audiberti connaît aujourd’hui une manière de « purgatoire ». Sans doute est-ce que la diversité des genres et des formes qu'elle affecte, sa complexité thématique, le foisonnement de son écriture en rendent l’abord malaisé. A une époque de haute spécialisation, Audiberti pratique avec la même souveraine aisance prose et poésie, théâtre et roman; il apparaît comme un héritier des grands « producteurs » du XIXe siècle, égaré dans le XXe. C’est ainsi, d’ailleurs, que lui-même se voyait. Son propos, d'autre part, ne permet pas de le situer aisément. Il aime les travestissements historiques ou mythologiques, mais il aime aussi le monde moderne, sa science et sa folie. Il raconte des histoires compliquées et mystérieuses où reviennent, lancinants, quelques leit-motive peu actuels : l’horreur que suscite, en lui, une chair incompréhensible et condamnée à mort, l’amour panique du corps féminin, de la mer et du soleil, l’aspiration à (re)trouver un « ailleurs » qui pourrait bien être un « avant », un paradis perdu qui pourrait bien être le ventre maternel... Un substrat culturel complexe (la cabale, les gnoses voisinant avec une once de surréalisme et un zeste de dada), une richesse d’écriture où se font entendre les voix de Rabelais et de Hugo, tout cela, on le voit, n’est pas fait pour faciliter l’approche d’une œuvre irréductible aux cadres qui permettent de « penser » rapidement la littérature du xxe siècle.
Des « chiens écrasés » au grand prix national des Lettres
Une enfance à Antibes, « coincée » entre une mère trop possessive et un père autoritaire et fantasque; une adolescence solitaire peu avertie des grands soubresauts esthétiques de son temps, voilà pour la jeunesse d’Audiberti. En 1924, il « monte » à Paris. Journalisme au Petit Parisien. Expérience vécue du fait divers dérisoire et sordide. Des rencontres : Benjamin Péret, Léon-Paul Far-gue... Jusqu’en 1940, il mène de front son métier de journaliste et son exploration de l’écriture. Son premier recueil poétique, l'Empire et la Trappe (1930), publié à compte d'auteur, suscite l’intérêt, voire l’enthousiasme des lecteurs avertis (Valéry Larbaud, Jean Paulhan...). Il reçoit, en 1935, le prix Mallarmé, et, en 1938, Gallimard publie son premier roman, Abraxas.
Dès lors, et jusqu’à la fin de sa vie, vont se succéder, avec une grande régularité, poèmes, romans, essais et textes divers. Curieusement, le théâtre, qu’il aborde tardivement, lui apporte une notoriété que ses œuvres précédentes ne lui avaient pas value : dans le Paris théâtral de l’immédiat après-guerre, Quoat-quoat (1946) et Le mal court (1947) font figure d’événements. Pour méritée qu’elle soit, la célébrité du dramaturge est peut-être fondée sur un malentendu : Audiberti, amuseur surréalisant, à la fois truculent et raffiné, dans la mouvance de Giraudoux et de Cocteau? Au fond, la bourgeoisie cultivée des années 50 ne se souciait guère d’inquiétude métaphysique. Elle laissait les « thèses » et « messages », les « grandes » questions, à Camus et à Sartre. Quant à l’art de faire jaillir et chatoyer les mots, c’était affaire de spécialistes. On lui reprochait d’ailleurs, à cet égard, d’en faire un peu trop! En tout cas, le romancier, le poète et l’essayiste, pourtant aussi féconds que le dramaturge, resteront plus ou moins relégués dans son ombre. Audiberti en souffrira. Sur le tard, l'ensemble de cette œuvre sera salué par un grand prix national des Lettres (1964). Audiberti meurt l'année suivante. Il venait de terminer un récit autobiographique d’une admirable liberté de facture, Dimanche m'attend.
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