André MALRAUX: La Voie royale (Résumé & Analyse)

« L'aventure de Claude Vannec ressemble fortement à celle que vécut Malraux à la fin de 1923, lorsque, ruiné parl'effondrement des valeurs boursières, il entreprend une expédition archéologique avec sa femme dans la junglecambodgienne.

Il obtient un ordre de mission du ministère des Colonies qui lui permet de faire des recherches auCambodge et prend contact avec des collectionneurs américains et allemands susceptibles d'être intéressés par un« lot de statuettes khmères ».

Le couple réussit à emporter quelques sculptures d'un temple en ruines, mais sur lechemin du retour tous deux sont dénoncés aux autorités par leur guide et arrêtés.

Finalement acquitté, après s'êtrepourvu en cassation, Malraux quitte Saigon en novembre 1924.

Les quelques mois passés en résidence forcée lui ontfait prendre conscience des réalités du pays. Le personnage principal de La Voie royale, Claude Vannec, présente de nombreux points communs avec l'auteur. Comme lui, il est passionné d'art khmer, a sur l'art les mêmes idées, et a eu le même passé familial ; lui aussi connaîtdes difficultés financières, et surtout est en révolte contre la société.

Les ressemblances sont telles avec l'aventurede 1923 qu'on a pu voir dans ce récit une volonté de se justifier, notamment dans la première partie qui est unvéritable plaidoyer. Mais l'auteur exploite librement les sources biographiques et la fiction vient se mêler au réel.

Malraux ne rencontrapas de sauvages insoumis et la découverte du temple fut beaucoup plus facile qu'elle ne l'est dans le roman.L'imaginaire occupe progressivement une place prépondérante.

La seconde partie du récit se déroule en effet dansune région inconnue de l'auteur et l'attention se porte davantage sur Perken, qui devient le personnage principal.C'est la psychologie de l'aventurier que Malraux met en scène. Un roman d'aventures C'est comme « roman d'aventures » que fut présentée La Voie royale par l'éditeur lors de sa publication.

Lorsque Malraux rentre en France après son expédition au Cambodge, Joseph Conrad, qui vient de mourir, est en vogue dansle milieu de la NRF.

Son roman Cœur de ténèbres, illustration de la variante métaphysique du roman d'aventures, suscite un vif enthousiasme chez Malraux. Malraux use dans La Voie royale de techniques propres au roman d'aventures : respect de l'ordre chronologique, suspense, atmosphère, présence de la mort.

L'intrigue, riche en péripéties, progresse selon un crescendo des périls.Le récit montre des personnages en quête d'argent et de puissance, et des combats dans la jungle dans la traditiondes romans d'aventures exotiques. Le goût de l'exotisme propre aux années vingt se retrouve dans les nombreuses descriptions de la forêt tropicale.L'atmosphère oppressante de la jungle est notamment recréée grâce à une savante utilisation de la lumière.

On amême reproché à Malraux de verser dans les clichés (présentation caricaturale des indigènes, de la jungle...). Un essai métaphysique Chez Malraux, la forme du roman d'évasion exotique devient le support d'une réflexion grave sur les relations quiunissent l'action, l'érotisme et la mort. Le roman s'ouvre par une longue conversation sur l'érotisme.

La relation érotique est conçue comme une véritableexpérience de l'impersonnalité où le partenaire n'est qu'un leurre.

Pour Grabot, l'expérience érotique rejoint lasauvagerie en ce qu'elles passent toutes deux par l'humiliation.

Ces réflexions se poursuivront dans La Condition humaine avec le personnage de Ferral. Les personnages de La Voie royale, à travers leurs dialogues ou leurs monologues intérieurs, cherchent une signification métaphysique à leurs actions.

Ils agissent finalement moins pour acquérir richesse et pouvoir que pourtrouver une justification à leur présence sur terre.

Perken incarne la volonté d'affirmation de soi.

Mais la jungle,véritable métaphore du néant, le condamne à- la déchéance.

Il se révolte devant l'absurdité de la mort, vécuecomme une défaite inacceptable.

La mort, présente dès le début du roman dans les traits fatigués de Perken, donneà La Voie royale une coloration tragique en montrant la solitude fondamentale de l'homme.

Claude éprouve devant Perken une « fraternité désespérée », seule valeur des romans de Malraux. La Voie royale apparaît ainsi comme un récit-carrefour qui, prenant sa source dans la biographie de Malraux, mêle inextricablement une action trépidante dans la lignée du roman d'aventures à des réflexions métaphysiques.

Œuvreoriginale, elle porte en germe les grands thèmes des romans et des essais suivants, comme la réflexion sur l'art. »