Analyses de différentes scènes de DON JUAN de MOLIERE
Publié le 04/03/2012
Extrait du document


«
Après l’exposition de la situation, la poursuite de Don Juan par Elvire, grâce à une
conversation entre deux confidents qui donne de l’épaisseur au personnage, Gusman
disparaît et cela importe peu puisqu'il n'était qu'un prétexte.
Sganarelle assure le lien entre les deux scènes et constitue une sorte de pivot : nous voyons
son autre visage dans ses rapports directs avec son maître, Don Juan, dont nous avons
seulement entendu parler dans la scène précédente.
Les rapports s'inversent : Sganarelle,
qui dominait son interlocuteur à la scène 1, se voit dominé par Don Juan : la taille des
répliques est éloquente !
Don Juan est lassé d’Elvire, sa femme légitime, et évoque « l’autre objet qui l’a chassée de
sa pensée », le mot « objet » n’étant pas péjoratif mais ayant à l’époque le sens courant de
«femme aimée».
Sganarelle joue le rôle d’un complice qui sait cligner de l’oeil aux bons endroits, qui s’essaie,
avec « se plaît à se promener de liens en liens », à un jeu de mots (avec « de lieu en lieu »).
Mais Don Juan s’amuse à vouloir l’obliger à l’approuver.
Sganarelle avec son « Assurément,
vous avez raison, si vous le voulez ; on ne peut pas aller là contre.
Mais si vous ne le vouliez
pas, ce serait peut-être une autre affaire » révèle sa condition de valet qui ne peut que
donner raison à son maître.
Valet de comédie, il est flatteur, couard, attaché à ses intérêts, a
peu d’autonomie mais essaie de mettre sa responsabilité à l’abri.
Il va tout de même être
invité à s’exprimer franchement et dire qu’il « trouve fort vilain d’aimer de tous côtés ».
C’est
donner l’occasion à Don Juan de décrire et de justifier sa conduite de séducteur dans une
tirade qu’il est intéressant de démonter :
Il est d’abord un esthète, comme le montre le portrait que fait de lui Sganarelle qui indique
une certaine recheche dans le costume (« une perruque blonde et bien frisée, des plumes à
votre chapeau, un habit bien doré et des rubans couleur de feu ») ; à la fin de la scène, Don
Juan semble mépriser Elvire parce qu’elle « n’a pas changé d’habit » et est venue « avec son
équipage de campagne ».
Aussi est-ce d’abord l’attrait de la beauté qui l’anime : « la beauté
me ravit partout où je la trouve » - « la belle chose que d’être mort dès sa jeunesse à toutes
les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux ».
Il a aussi le goût de la nouveauté (« tout le plaisir de l’amour est dans le changement » -
«quelque objet nouveau qui vient réveiller nos désirs » - « les charmes attrayants d’une
conquête à faire »), des débuts des relations (« les inclinations naissantes, après tout, ont des
charrmes inexplicables »).
il ne cherche que l’assouvissement d’inlassables désirs : « Il n’est rien qui puisse arrêter
l’impétuosité de mes désirs » ; il ne peut « se résoudre à borner ses souhaits » ; il ne ferait que
rendre «à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige», se présentant
comme un malheureux étalon victime de son satyriasis.
Or la conduite de Don Juan qui va
sans cesse d’une femme à l’autre a pu être expliquée comme causée par son incapacité à
en satisfaire aucune, par son impuissance sexuelle dont il espère toujours qu’une autre l’en
délivrera.
Mais on peut se demander s’il est vraiment sensuel.
Ce qui lui plaît, en fait, c’est la conquête
: « On goûte une douceur extrême à réduire par cent hommages le coeur d’une jeune beauté,
à voir de jour en jour les petits progrès qu’on y fait, à combattre par des transports, par des
larmes et des soupirs, l’innocente pudeur d’une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer
pied à pied toutes les petites résistances qu’elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont
elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir...
Il n’est
rien de si doux que de triompher de la résistance d’une belle personne».
Il a «sur ce sujet
l’ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire» ; il se sent «un
coeur à aimer toute la terre et, comme Alexandre, souhaiterait qu’il y eût d’autres mondes ,
pour y étendre ses conquêtes amoureuses ».
Non, il n’est pas sensuel, mais plutôt sadique : «méchant homme», il recherche le plaisir qui
est pimenté par le tourment d’autrui.
Pourtant, il se prétend altruiste puisqu’il ne veut pas se soustraire à ces nombreuses femmes
qui ont besoin de lui, à « toutes les belles qui ont droit de le charmer » : « J’ai beau être
engagé, l’amour que j’ai pour une belle n’engage point mon âme à faire injustice aux autres »
!.
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