Analyse et résumé : Le Neveu de Rameau de DENIS DIDEROT
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
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intérêt, à moins de se barder d'une documentation historique impressionnante, et on peut laisser à quelques éruditsle soin de les relever et le plaisir limité de les goûter, sans avoir de regrets excessifs pour ce que l'on perd.
Car ceque l'on gagne en échange est sans comparaison.Le temps qui a passé a dégagé le véritable intérêt du texte, on peut le dire sans crainte d'outrecuidance.
Il y en a àavancer que c'est aujourd'hui qu'on saisit le plus vrai de ce texte, qu'on détient sa vérité.
On pourrait sesoupçonner de ne faire que remplacer le goût du temps par un autre.
Mais on peut dire sans se tromper que le textevit aujourd'hui pour des raisons plus justes, et plus proches de son intérêt essentiel, que celles qu'a prises sonauteur pour le créer, et que celles qu'il aurait eues pour rencontrer le public de son époque.Ce sont moins les raisons qu'il s'est sciemment données qui ont poussé Diderot à écrire ce texte, que celles qui l'ontconduit sûrement mais à son insu, qui paraissent captivantes aujourd'hui: ce qu'il a atteint de lui-même en l'ayantécrit.
Et l'époque moderne est mieux à même de le voir que lui-même ou son époque ne l'auraient pu.
C'est un fait,le texte n'a pu trouver le vrai centre qui a d'emblée été le sien à son insu que par un détour par le futur — par notreépoque.
Et cela, à son tour, nous révèle en quoi le destin profond d'un texte peut ne surgir que longtemps après ettrès loin des intentions contemporaines de son auteur.
UNE DIMENSION INTIMECe que nous goûtons dans le Neveu, Diderot l'a écrit sans s'en douter, plus efficacement peut-être que s'il s'y étaitattaché sciemment.
Ce que l'on savoure aujourd'hui en lisant le texte, et plus encore quand celui-ci est porté à lascène, c'est sans aucun doute le ressort même qui a pu pousser Diderot à s'en occuper vingt ans, à la fois sans lepublier, et sans le détruire : sa dimension intime, et la capacité d'un auteur à mettre en scène les deux parties d'unmême homme qui converse avec lui-même par le biais d'un dialogue entre deux personnages — capacité que Diderotn'a pas su déployer au théâtre quand il s'en est mêlé volontairement.En quoi l'on peut dire que la raison la plus profonde pour laquelle Diderot n'a pas publié son texte est plusprobablement parente d'une forme de pudeur que de la crainte.
Il a dû, sinon savoir, du moins pressentir, ce que cetexte valait pour lui, et ce qui avait mérité un soin aussi long, à cause de son enracinement profond dans sontempérament personnel, à cause de ce qu'il y découvrait et dévoilait de lui bien plutôt que de ce qu'il dénonçait desautres.
UN TEXTE PRÉCURSEURCe texte est le précurseur singulier de toute une direction de la littérature moderne, textuelle comme scénique :l'exploration du sujet par lui-même, et même le dialogue du moi avec le moi, qui est d'une part une occupation bienplus « romantique » que « classique », et qui d'autre part ne relève pas du tout, encore moins à l'époqued'aujourd'hui, du domaine assigné au théâtre.Le théâtre a pour vocation première de présenter une réflexion en exposant une intrigue, une successiond'événements, et d'éclairer chaque personnage par les autres.
Le XXe siècle a bien sûr bouleversé ce monopole demille façons, mais il reste encore considérable.
Dans Le Neveu de Rameau, cet éclairage de chacune des deuxpersonnalités par celle de son protagoniste, qui le relance, le contredit ou le stimule, n'est en somme que le moyend'éclairer un seul et même personnage dans son débat intérieur, et c'est ce qui est nouveau (à la fois pour l'époqueet à présent encore).
C'est bien du reste ainsi que le philosophe narrateur se décrit lui-même pour commencer, en signalant que sonhabitude est d'aller sur un banc du Palais-Royal, et d'y suivre en lui ses pensées de façon discontinue, rompue, toutcomme, devant lui, libertins et femmes se poursuivent de façon capricieuse, autrement dit, selon une comédieintérieure qui ressemble aux jeux de la séduction qui se déroule dans la vie devant lui comme autant de comédies.
Etsi «ses pensées, ce sont ses catins », les catins du Palais-Royal sont à la ville comme des acteurs sur scène.
Demême le philosophe, qui déjà se joue un théâtre en lui, de lui à lui-même, va avoir en Rameau un contradicteur quiest à la fois devant lui, un autre que lui, et une partie de lui-même.
Résumé
On ne saurait à proprement parler « résumer » Le Neveu de Rameau, de la même façon qu'une pièce de théâtreconventionnelle, ne serait-ce que parce qu'il n'est pas découpé en scènes, et qu'il ne s'y produit pas d'«événements » au sens dramaturgigue habituel, mais surtout parce que son originalité n'est pas de trouver sonmouvement dans une succession de scènes convenue et réglée par la tradition théâtrale.Au contraire, son mouvement, qui veut refléter celui de la conversation, est fait de ruptures ou de changementscontinuels de points d'appui, voir d'interruptions, où l'échange dialogué fait place soit à une description de Rameaupar le philosophe narrateur, soit à un commentaire à part (qui pourrait bien être un ancêtre de ce qui nous estfamilier dans l'audiovisuel sous le nom de voix off).
C'est d'ailleurs sur une introduction de ce type, un passagedescriptif en prose, que s'ouvre le Neveu.Le philosophe raconte où se situe la scène, qui il rencontre, fait son portrait, avant que ne s'amorce l'échangedirect de vive voix.
On propose donc plutôt une liste des moments principaux de la conversation.— A propos du jeu des échecs au Café de la Régence, démarrage d'un débat sur la nécessité d'exceller ou de sedémettre.— Débat sur le génie : est-il un infirme en dehors de son domaine d'excellence ?Débat autour de l'idée de raté..
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