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Amours jaunes (les) de Tristan Corbière (fiche de lecture)

Publié le 15/10/2018

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Amours jaunes (les). Recueil poétique de Tristan Corbière, pseudonyme d'Édouard Joachim Corbière (1845-1875), publié à Paris chez Glady frères en 1873.

 

Les poèmes des Amours jaunes, œuvre unique de Tristan Corbière, ont été vraisemblablement composés à partir de 1862 et jusqu'en 1873. Le poète fit éditer le recueil à ses frais et le livre passa inaperçu. Il fallut attendre le premier article des Poètes maudits de Verlaine, en 1881, consacré à Corbière, et À rebours de Huysmans, en 1884, dont le héros. Des Esseintes, range les Amours jaunes parmi ses ouvrages favoris, pour que l'œuvre de Corbière sorte de l'ombre.

Le recueil contient quatre-vingt-quatorze poèmes répartis en sept sections : « Ça », « les Amours jaunes », « Sérénade des sérénades ». «Raccrocs», «Amnor», «Gens de mer» et « Rondels pour après ». Cette disposition est le fruit d'un travail de composition et ne reflète pas l’ordre chronologique de rédaction des poèmes. Bien que les renseignements sur ce sujet soient peu nombreux - les indications de date ou de Beu qui accompagnent souvent les textes sont fictives -, on peut avancer que les sections « Amnor» et « Gens de mer», qui chantent la Bretagne natale du poète, ont été écrites i Ros-coff, entre 1862 et 1871. 

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« fiant.

L'amour jaune serait-il une ana­ logie du rire jaune, rire sans vraie gaieté, c'est-à-dire faux et douloureux? Ce rire jaune apparaît, explicitement lié à l'amour, dans "À l'Etna" (« Rac­ crocs ») : « -Tu ris jaune et tousses : sans doute, 1 Crachant un vieil amour malsain.

» Le ]aune est aussi la couleur symbolique de la tromperie ( « couleur de Judas», dit le Littré) et de la dégrada­ tion (par opposition à la pureté idéale du blanc).

Le syntagme nominal «amours jaunes» place le recueil sous les auspices de la disharmonie.

La femme, objet d'un impossible amour, est toujours cruelle.

Elle dit par exemple dans "Pauvre Garçon" : «J'ai fait des ricochets sur son cœur en tem­ pête.

[ ...

] 1 Serait-il mort de chic, de boire, ou de phtisie, 1 Ou peut-être, après tout : de rien [ ...

] 1 ou bien de Moi.

» Le poème "Bonne Fortune et Fortune" est une sorte de fable symbo­ lique qui conte l'échec de l'union amoureuse : la passante désirée par le poète prend celui-ci pour un mendiant et lui donne «deux sous».

Lorsque le sentiment amoureux est miraculeuse­ ment partagé, un écart infranchissable persiste entre la femme et l'homme : « Lui -cet être faussé, mal aimé, mal souffert, 1 Mal haï -mauvais livre ...

et pire : il m'intéresse.

..:.

1 { ...

] 1 Cet homme est laid ...

- Et moi, ne suis-je · donc pas belle, 1 Et belle encore pour nous deux ! - 1 En suis-je donc enfin aux rêves de pucelle ?...

1 - Je suis reine: Qu'il soit lépreux J » ("Fer:nffie").

C'est seulement avec la mort que sem­ ble pouvoir advenir une fusion apaisée, à la fois érotique et idéale : « Sentir sur ma lèvre appauvrie 1 Ton dernier baiser se gercer, 1 La mort dans tes bras me bercer ...

1 Me déshabiller de la vie!...» ("Un jeune qui s'en va").

Le manque d'harmonie ne concerne pas seulement la relation amoureuse.

Il est inhérent au poète lui-même.

Cor­ bière endosse volontiers, dans ses poè- mes, les masques de la laideur, de la misère et de l'infirmité.

Ainsi, le poème "le Crapaud", sorte d'écho grinçant, car dépouillé de tout idéalisme, de "l'Albatros" baudelairien (voir les *Fleurs du mal), s'achève par ces mots: «Ce crapaud-là c'est moi.» Ailleurs, le poète apparaît sous les traits du «lépreux» ("Femm~", "le Poète contu­ mace"), du « paria » ("Paria"), du « sourd » ("Rapsodie du sourd"), du «borgne» ou de l'« aveugle» ("Cris d'aveugle", "la Rapsodie foraine et le Pardon de sainte Anne").

Ces avatars d'un moi estropié et souffrant disent la difficulté d'être qui ne cesse de tenail­ ler Corbière : «- Manque de savoir­ vivre extrême - il survivait - 1 Et - manque de savoir-mourir -il écrivait » ("le Poète contumace").

D'autres péri­ phrases délivrent pourtant une image lumineuse du poète : «beau décro­ cheur d'étoiles » ("Sonnet posthume"), «voleur d'étincelles» ("Rondel"), «peigneur de comètes » e'Petit mort pour rire").

Mais ces visions radieuses appartiennent toutes à l'ultime section du recueil« Rondels pour après», c'est­ à-dire à l'univers de la mort réparatrice.

Ici et maintenant, la plénitude et l'harmonie sont refusées.

Les multiples antithèses qui apparaissent dans les poèmes traduisent une identité dou­ loureuse, écartelée toujours entre des postulations contradictoires : (( Oiseau rare - et de pacotille; 1 Très mâle ..

, et quelquefois très fille i 1 Capable de tout, - bon à rien ; Gâchant bien le mal, malle bien.

Prodigue comme était l'enfant 1 Du Testament, -sans testa~ ment» ("Épitaphe").

Cette infernale lucidité dans l'analyse de soi donne le vertige et paralyse : « Trop Soi pour se pouvoir souffrir, 1 L'esprit à sec et la tête ivre, 1 Fini, mais ne sachant finir, 1 Il mourut en s'attendant vivre 1 Et vécut, s'attendant mourir.

1 Ci-gît, - cœur sans cœur, mal planté, 1 Trop réussi, -comme raté» ("Épitaphe").. »

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