AMOUR FOU (l') d'André Breton
Publié le 13/02/2019
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André Breton : Tournesol - L'Amour fou
Présentation du poète
Après des études de médecine, André Breton exerce au service neuropsychiatrique de l'armée en 1915.
Le jeune homme, passionné depoésie, lit avec ferveur Rimbaud et Mallarmé.
A Paris, il fréquente Apollinaire et ses amis et rencontre Philippe Soupault.
Ils rédigentensemble le premier poème automatique, Les Champs magnétiques, qui paraît en 1919 dans la revue Littérature qu'ils ont créée avec Louis Aragon.
Breton se passionne bientôt pour la découverte de l'inconscient et rend visite à Freud en 1921.
Il rompt avec le dadaïsme deTristan Tzara et écrit le premier Manifeste du surréalisme en 1924, suivi d'un second en 1929.
Avec Desnos et Eluard, Breton s'adonne aux premières expériences de sommeil hypnotique dans le but de composer des textes provenant directement de l'inconscient, libérés detoute préoccupation logique, éthique et esthétique.
En 1927, Breton et ses amis avaient adhéré au parti communiste mais ils s'en écartenten 1935, refusant la littérature officielle du parti et le « réalisme socialiste ».
Après l'interdiction de son Anthologie de l'humour noir par le gouvernement de Vichy, il part aux Etats-Unis et rend visite à Léon Trotski qui, fuyant le stalinisme, s'est réfugié au Mexique (1938).Intransigeant quant à sa doctrine, Breton se brouille avec ses anciens amis ; seul Benjamin Péret trouve grâce à ses yeux.
Le surréalisme,tel que le conçoit l'auteur, est la quête d'une réalité supérieure.
Elle peut être approchée par l'écriture automatique, par la rencontre avecdes êtres inspirés comme Nadja, par l'occultisme ou le surnaturel.
Breton a ainsi manifesté un grand intérêt pour l'alchimie, l'astrologie etla Kabbale.
Les membres du groupe surréaliste se rendaient d'ailleurs régulièrement chez des voyantes.
Leur vie quotidienne, dans laferveur des premiers temps de l'aventure, est relatée dans Nadja (1928).
Tournesol dans L'Amour fou
Dans Nadja déjà, mais aussi dans le chapitre des Pas perdus portant le titre L'Esprit nouveau, André Breton nous rapportait des séries de faits « qui semblaient de nature à retenir l'attention psychologique, en raison de leur caractère insolite ».
Il s'agissait de coïncidences troublantes, de trouvailles inédites pouvant être considérées comme des preuves tangibles de l'existence d'une réalité supérieure, d'une surréalité.
Lequatrième chapitre de L'Amour fou en est un nouvel exemple.
Il nous montre « un incessant parallélisme » entre des événements que l'esprit de l'auteur « s'était plu à agencer » au sein d'un poème (publié en 1923 dans le recueil Clair de terre, intitulé Tournesol), et les événements réels qui se sont produits dans sa vie une dizaine d'années plus tard, en 1934.
Ce poème s'avère en effet avoir été prémonitoire : ildécrit, de manière suffisamment claire pour troubler le lecteur, la promenade nocturne que Breton a accomplie avec celle qui, quelquesmois plus tard, allait devenir sa femme.
Après avoir rapporté les faits qui composent la trame de cette « merveilleuse aventure », Breton se livre à l'exégèse de son propre poème afin de montrer l'action, dans sa vie, d'une nécessité mystérieuse.
La poésie ne se trouve pas seulement dans le texte « automatique » et « prophétique » que Breton étudie.
Le récit de La Nuit du tournesol est un véritable poème en prose (et nous le considérerons comme tel).
La poésie est aussi présente grâce aux références explicites desauteurs considérés par Breton comme des précurseurs.
On trouve tout d'abord Charles Baudelaire.
Breton avoue avoir été influencé demanière inconsciente par un vers du poème XXVII des Fleurs du mal, lorsqu'il écrivit « Les uns comme cette femme ont l'air de nager » dans son Tournesol.
Baudelaire écrit : « Avec ses vêtements ondoyants et nacrés, / Même quand elle marche on croirait qu'elle danse ».
Pour ce qui est du vers « Et pourtant le grillon qui chantait dans les cheveux de cendres », Breton, dans son exégèse, le rapporte à un passage des Chants de Maldoror de Lautréamont : « N'avez-vous pas remarqué la gracilité d'un joli grillon, aux mouvements alertes, dans les égouts de Paris ? Il n'y a que celui-là : c'était Maldoror ! »
D'autres poètes comme Pierre Reverdy, à qui Tournesol est dédié, Jacques Vaché, l'ami de Breton, auteur des Lettres de guerre, ou encore René Char et Paul Eluard, traversent ce chapitre.
Mais il existe aussi des références implicites qu'il nous faut maintenant mettre à jour.Nous avons tout d'abord considéré deux phrases du récit de La Nuit du tournesol.
Breton écrit : « La vie est lente et l'homme ne sait guère la jouer ».
Puis : « je revois encore à ce moment toute une existence violente s'organiser autour d'elle » (la Tour Saint-Jacques).
Ces phrases apparaissent au moment où l'auteur, ayant depuis quelque temps désespéré de trouver l'amour, hésite à reprendre espoir et à s'engagerdans la nouvelle aventure qui s'offre à lui.
Dans le poème, ce moment si particulier est rendu par le vers : « le désespoir roulait au ciel ses grands arums si beaux ».
Dans son commentaire, Breton reconnaît que Le désespoir était alors «à la mesure même de l'espoir qui vient de se fonder, de fondre si brusquement et qui va renaître ».
On aura reconnu Le souvenir du Pont Mirabeau de Guillaume Apollinaire, texte dans lequel on peut lire : « Comme la vie est lente / Et comme l'Espérance est violente ».
On peut de la même façon s'intéresser au passage du récit qui rend compte de la traversée du marché aux fleurs.
Nous voulons montrer que ce passage contient des réminiscences d'un texteplus ancien : Fleurs, l'une des Illuminations de Rimbaud.
Breton parle du « spectacle des étoffes végétales ».
Déjà Rimbaud accumulait les métaphores ayant trait aux tissus précieux pour décrire les fleurs : « parmi les cordons de soie, les gazes grises, les velours verts ».
Pour Breton, « l'héliotrope penche sur les miroirs ronds et noirs du terreau mouillé ses milliers de crêtes », et « les bégonias recomposent patiemment leur grande rosace de vitrail où domine le rouge solaire ».
Rimbaud évoque « les disques de cristal qui noircissent comme bronze au soleil » ainsi que « des piliers d'acajou supportant des dômes d'émeraudes ».
Il est intéressant de constater que les deux textes font référence à l'Eglise.
Les « dômes » de Rimbaud et le « vitrail » de Breton sont des éléments architecturaux du temple, les « velours verts » du premier et les « étoffes » du second entrant dans la confection des chasubles.
Breton nous indique d'ailleurs qu'il se trouve près de Notre-Dame.
Nous nous attacherons maintenant à l'étude du thème de la ferme.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce thème a un rôle trèsimportant dans ce chapitre.
L'épisode du marché aux fleurs est
d'ailleurs, pour Breton, tout entier contenu dans ce vers du poème Tournesol : « Une ferme prospérait en plein Paris ».
Et, curieusement, de nombreux éléments se rapportent à ce vers.
Ne pouvant donner une explication satisfaisante à leur présence, nous nous bornerons à Lesrelever.
Nous trouvons tout d'abord : « une petite fougère inoubliable rampant au mur extérieur d'un très vieux puits », un « long feu absent d'herbes sèches », puis « le souvenir d'un écureuil tenant une noisette », « le chemin perdu au sortir de l'enfance et qui glissait, embaumant la femme encore inconnue, la femme à venir, entre les prairies ».
L'auteur avoue que le marché aux fleurs, cette nuit-là, avait l'allure d'une « exploitation agricole ».
Mais, cela n'explique pas pourquoi la servante du restaurant qu'il fréquente a « un sourire de jolie chèvre », ni pourquoi Breton évoque Char et Vaché, le premier se transformant en une voiture rurale, le second devenant celui qui mène paître le troupeau..
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