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AMES FORTES (les), roman de Giono

Publié le 13/02/2019

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AMES FORTES (les), roman de Giono (1950). Ce récit appartient aux « Chroniques » qui, après 1944, modifient l'inspiration de Giono. De cette histoire d'une servante, Thérèse, et de deux bourgeois de Châtillon-en-Diois, sont données des versions qui diffèrent, selon qu'elle est contée par Thérèse ou une voisine. Mme Numance est-elle responsable de la ruine de son ménage ou victime des machinations de Firmin, le mari de Thérèse ? Celle-ci adore-t-elle Mme Numance ou cherche-t-elle à la perdre ? La richesse du livre tient au jeu de ces interprétations contradictoires : renouvelant le relativisme d'un Pirandello ou d'un Faulkner, Giono contribue à faire entrer le roman français dans l' « ère du soupçon ».

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« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)Thérèse fait un portrait de sa protectrice, Mme Numance — et raconte les débuts de sa faillite financière.

(Aumoment où se passait l'événement — vers 1880 —, Thérèse était servante à l'auberge du pays.) Elle, comment vous dire ? Pas laide.

A cette époque, elle pouvait avoir vingt-huit à trente ans.

Mais maigre.

Desyeux de loup.

Elle te dévisageait.

C'était une demoiselle Rodolphe, des marchands de drap d'Avignon.

Élevée aucouvent.

Assez grande.

Toujours habillée avec des amazones (*).

Petit chapeau avec des plumes.

Ce que j'ai puavoir envie de ces plumes.

C'était joli ! Maigre mais avec ses palatines à brandebourgs (2) elle réussissait à se faireun buste.

Elle trottait.

Non, pas laide du tout.

Mais alors, elle, jamais un mot à personne.

Pas plus à moi qu'au pape.Dans les maisons bourgeoises, quand elle y allait avec son mari, c'était bonjour, bonsoir, un mot ou deux, c'est tout.Il n'y a qu'une chose qu'elle faisait : elle dévisageait tout le monde comme si elle allait vous manger.

D y avait desfois, moi, où ses yeux me faisaient peur.

Elle vous fixait.

Pas méchamment.

Même souvent avec un petit air, pasprécisément de moquerie, mais un peu.

Ce n'était pas de toi qu'elle se moquait.

A mon avis, elle ne te voyait mêmepas.

Or, un beau jour, qu'est-ce qu'on apprend ? Elle avait fait des dettes à son mari.

C'est un homme de Valencequi vient : « M.

Numance? — Oui, monsieur.

» Alors, il lui dit : « Voilà : votre femme me doit vingt mille francs.

—Mais ce n'est pas possible ! Mais comment ? Mais vous devez vous tromper ! — Non, voilà les papiers, c'est sasignature, c'est...

» alors, là, les bras lui en sont tombés.

Vingt mille francs ! Qu'est-ce qu'elle a pu faire de tout ça! Enfin, ici à Châtillon (3) où, si tu dépenses un sou tout le monde le sait.

Ses toilettes? Non.

Il les payait.

Non, il l'adit : les toilettes, c'est moi, c'est l'argent de la maison.

Alors quoi? Je vous dis : sa taille, tu l'aurais tenue dans lesdeux mains : ce n'est pas pour de la nourriture ou de la gourmandise.

Alors, où était passé tout cet argent? Jean Giono, Les Ames fortes, 1950. Vous ferez de ce texte un commentaire composé.

Vous pourrez étudier, notamment, comment la narratrice passe duregistre de la relation d'une expérience qu'elle a vécue à une autre forme de récit.. »

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