Alcools d'Apollinaire (Article - Fiche de lecture)
Publié le 15/10/2018
Extrait du document
«
15 juin 1913, taxe le recueil de « bouti
que de brocanteur
» -et Apollinaire fut
blessé de cette incompréhension
à
l'égard de son œuvre.
Alcools s'ouvre sur un long poème écrit en 1912 et intitulé "Zone".
Le premier vers de ce texte inaugural, riche ·et multiple, ancre d'emblée le recueil dans la modernité : «À la fin tu es las de ce monde ancien ».
Viennent ensuite "le Pont Mirabeau" puis "la Chanson du mal
aimé", longue complainte divisée en six sections.
Les vingt-sept poèmes suivants, de longueur et
d'inspiration variées, se présentent comme une succession d'unités autonomes, mais les titres laissent présager la présence d'images et de thè mes récurrents : "Saltimbanque" et "la Tzigane" se font écho et suggèrent à la fois le voyage et l'errance - de même que "le Voyageur'', "l'Adieu" ou "le Vent nocturne" -, la solitude et la marginalité -tout comme "l'Ermite" ou "le Larron".
Le déclin et la mort sont inscrits dans des titres tels que "Crépuscule", "la Maison des morts" et "Automne", auquel s'associent "les
Colchiques" ; un univers légendaire se dessine à travers "la Blanche Neige", "Salomé" et "Merlin et la Vieille Femme" ; des noms féminins tels que "Annie", "Clotilde", "Marizibill", "Marie",
"Salomé" et "Rosemonde" jalonnent la progres sion du recueil.
Ce dernier comporte ensuite une section inti tulée « Rhénanes » et composée de neuf textes
d'inspiration germanique parmi lesquels figure le célèbre poème consacré à "la Loreley''.
Après
trois poèmes assez brefs- "Signe", "Un soir'' et "la Dame" -, le long poème "les Fiançailles",
divisé en neuf parties dépouNues de titres, évo .
que de façon poignante la fuite du temps, la soli tude et le dénuement.
Le recueil propose de nouveau deux textes
brefs - "Clair de lune" et " 1909" -puis un long poème en six parties, "À la Santé", issu de la triste expérience de la détention effectuée en septembre 191 1 par Apollinaire à la prison de la Santé.
Enfin, "Automne malade", "Hôtels" et "Cors de chasse" précèdent l'ultime poème du recueil, "Vendémiaire", dans lequel le poète éter nise son chant : « Hommes de l'avenir souvenez
vous de moi.»
Apollinaire avait d'abord songe a
intituler son recueil
Eau-de-vie.
Alcools
est toutefois plus net, provocant et moderne,
et rapporte
l'acte poétique,
dans la continuité de Baudelaire
et de
Rimbaud, à
un dérèglement des sens :
« Écoutez mes chants d'universelle
ivrognerie» ("Vendémiaire").
Les réfé
rences explicites à la boisson enivrante
sont fréquentes dans le recueil :
« Et tu
bois cet alcool brûlant comme ta vie 1
Ta vie que tu bois comme une eau-de
vie» ("Zone"), «Nous fumons et
buvons comme autrefois » ("Poème lu
au mariage d'André
Salmon"), «Mon
verre est plein d'un vin trembleur
comme
une flamme » ("Nuit rhé
nane").
De même, l'univers d'Alcools
est jalonné de nombreux lieux pour
voyeurs de boissons : des
« tavernes »
("Zone"),
des auberges -celle du
"Voyageur" est « triste » et celles des
"Saltimbanques" sont « grises » -, des
brasseries -
« Beaucoup entraient dans
les brasseries
» ("la Maison des morts"),
«Elle
[ ...
] buvait lasse des trottoirs 1
Très tard dans les brasseries borgnes » .
("Marizibill").
D'un symbolisme multi
ple, que le pluriel
du titre élargit
encore, l'alcool désigne l'universelle
soif
du poète, le paroxysme de ses
désirs :
«Je buvais à pleins verres les
étoiles» ("les Fiançailles"), «Je suis ivre
d'avoir
bu tout l'univers 1 [ ...
] Écoutez
moi je suis le gosier de
Paris 1 Et je boi
rai encore s'il me plaît l'univers
»
("Vendémiaire").
Extrême et intarissa
ble, cette soif, souvent euphorique,
court toutefois le risque de demeurer
inassouvie :
«Mondes [ ...
] 1 Je vous ai
bus et
ne fus pas désaltéré» ("Vendé
miaire").
L'alcool suggère en outre la
transgression, la possibilité de faire
fi
des tabous et des normes, en somme
les audaces
d'une poésie novatrice et
moderne.
La poésie d'Alcools se déploie en effet
souvent dans la fantaisie
et la rupture
à l'égard des normes, mais elle se plie
également à certaines règles.
C'est ce
mélange de nouveauté et de tradition,
de surprise et de reconnaissance qui.
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