ADOLPHE de Benjamin Constant de Rebecque (fiche de lecture)
Publié le 15/10/2018
Extrait du document
«
avec Ellénore (7).
Celle-ci accorde à plusieurs jeunes gens de longs tête-à-tête pour exciter la jalousie d'Adolphe qui lui demande bientôt de ne plus recevoir ces adorateurs.
Nouveau sacrifice d'EIIénore qui charge Adolphe de « nouvelles chaînes » (8}.
En présence de M.
de T***, le jeune homme s'engage à quitter Ellénore; mais il retarde sans cesse l'« instant fatal ».
Il écrit au baron qu'il souhaite toujours rompre (9).
Quel ques jours plus tard, M.
de T*** envoie la lettre
d'Adolphe à Ellénore : plongée dans un ab'lme de désespoir, elle tombe malade.
Ne cessant de s'affaiblir et de dépérir, elle meurt.
Adolphe.
loin de retrouver la liberté, est condamné à la soli tude et au remords, existence terne prophétisée par une lettre d'Eilénore, qu'il découvre après sa mort (10).
En épilogue, un correspondant anonyme adresse une « Lettre à l'éditeur» : il l'incite à publier le manuscrit et excuse la conduite d'Adolphe.
Le roman s'achève sur une «Réponse de l'éditeur», dans laquelle il accepte de publier le récit et condamne l'attitude du héros.
Fascinant édifice, Adolphe, marqué
structurellement par
un encadrement
du récit, ordonne autour de la confes
sion trois textes annexes qui appartien
nent à la fiction romanesque : l'« Avis
de l'éditeur» donne au récit le cachet
de l'authenticité et, telle une épigra
phe, révèle la tonalité du roman,
convie d'emblée le lecteur à pénétrer
dans ce sombre univers ; la
« Lettre à
l'éditeur » et la « Réponse » proposent
des jugements diamétralement
oppo
sés sur la conduite du héros et ren
voient donc au caractère hiéroglyphi
que d'Adolphe, roman où la contiguïté
des sentiments distincts (égoïsme et
abnégation) enténèbre la notion de
respm.i.sabilité,
et fait du problème de
l'interprétation la quintessence
du
récit.
Ce n'est point hasard si les lettres
rythment la liaison des deux amants :
captieuses, elles
sont souvent un ins
trument de simulation -pour conqué
rir Bllénore, Adolphe jette dans sa let
tre « une agitation qui ressemble fort à
l'amour » (chap.
2) -ou de dissimu- lation
:
« langage embarrassé que je
gémissais de voir
si obscur, et que je
tremblais de rendre plus clair !
»
(chap.
5).
Les paroles, redoutables,
accentuent cette communication
néga
tive et aggravent les conflits : condui
sant à une destruction irrévocable
(«Nous avions prononcé tous deux des
mots
irréparables», chap.
4), elles bles
sent et tuent.
Aussi bien le silence
constitue-t-il le seul refuge : Adolphe
ne répond que par monosyllabes aux
questions d'Ellénore (chap.
8),
et celle
ci « ftxe sur lui ses yeux en silence »
(chap.
10).
Loin de ponctuer des
moments extatiques, ces suspensions
de
la parole figurent la pernicieuse
incommunicabilité dans laquelle
s'abî
ment les deux amants.
Médiocrité des
relations épistolaires,
mots blessants,
conversations
en lambeaux, gouffres
du silence et, comme dans *Bérénice,
vérité indicible : tous ces orbes infer
naux donnent au comportement ver 4
bal une dimension circulaire qui, à la
manière
du logos racinien, enferme les
protagonistes.
Langage-piège plaçant
l'amour sous le signe
du tragique, et
qui symbolise ce huis clos sentimental.
èette kyrielle de souffrances qui a
nom amour, Constant la suggère à tra·
vers la situation d'Adolphe.
La pré
sence d'Ellénore a tôt fait de l'empri
sonner, d'envahir l'espace et le temps
du héros : elle accapare son présent, le
coupe de son passé
et entrave son ave
nir.
Dans ce monde dos, la spontanéité
n'a pas place : réflexions, débats inté
rieurs, hésitations, approches calculées
de l'autre annihilent l'authenticité des
relations
; tout se passe comme si les
élans sentimentaux se figeaient.
Est
symptomatique, de
ce point de vue, le
rythme de l'œuvre :
au romanesque
fugitif
- la conquête d'Ellénore,
commencée au chapitre 2, s'achève au
chapitre 3
-, succède une séquence
type (décision de passer
à l'acte, peur
de faire souffrir) qui, faisant alterner les.
»
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