ADEN ARABIE de Paul Nizan (fiche de lecture)
Publié le 15/10/2018
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ADEN ARABIE. Essai de Paul Nizan (1905-1940), publié à Paris aux Éditions Rieder en 1931. De très larges extraits en avaient été auparavant publiés dans la revue de Jean. Guéhenno, Europe.
De septembre 1926 à avril 1927, Nizan interrompt sa scolarité à l'École normale supérieure pour occuper un poste de précepteur à Aden. Romantique, la résolution du normalien ? Non pas, il se rend vite compte que «ce n'est pas en fuyant dans l'espace qu'on se trouvera ». Aussi le séjour d'Aden est moins la découverte des « horizons qui leurrent » que du capitalisme sans fard. La matière du pamphlet est là, dans cette répulsion que lui inspirent pêle-mêle la bourgeoisie, son enseignement et sa culture, l'exploitation de l'homme par l'homme. Au retour, il s'inscrira au parti communiste et rédigera la relation rageuse d'un dé-niaisement, qui est aussi celui d'une génération, Aden Arabie. Première publication, aussitôt remarquée, critiquée, commentée qui assoit d'entrée de jeu une réputation de «jeune homme en colère » avant la lettre à son auteur. Bien plus, vingt ans après la mort tragique de Nizan (tué à l'ennemi en 1940), lors de la republication d'Aden Arabie (1960, avec une magistrale Préface de Sartre), c'est une autre génération, celle de Mai 1968, elle aussi déchirée entre deux cultures, qui se reconnaîtra dans la célèbre phrase liminaire : « J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. »
«
publiés dans la revue de Jean.
Gué
henno, Europe.
, De septembre 1926 à avril 1927,
Nizan interrompt sa scolarité à l'École
normale supérieure
pour occuper un
poste de précepteur à Aden.
Romanti
que, la résolution du normalien ? Non
pas,
il se rend vite compte que « ce
n'est pas
en fuyant dans l'espace qu'on
se trouvera >>.
Aussi le séjour d'Aden est
moins la découverte des
« horizons qui
leurrent
» que du capitalisme sans
fard.
La matière du pamphlet est là,
dl:ms cette répulsion que lui inspirent
pêle-mêle la bourgeoisie, son enseigne
ment et sa culture, l'exploitation de
}!:homme par l'homme.
Au retour, il
s'inscrira au parti communiste et
redigera la relation rageuse d'un dé
niaisement, qui est aussi celui d'une
génération, Aden Arabie.
Première
publication, aussitôt remarquée,
criti
quée, commentée qui assoit d'entrée
de jeu
une réputation de « jeune
homme en colère » avant la lettre à son
auteur.
Bien plus, vingt ans après la
~ort tragique de Nizan (tué à l'ennemi
en 1940), lors de la republication
d'Aden Arabie (1960, avec une magis
trale Préface de Sartre), c'est une autre
génération, celle de Mai 1968, elle
aussi déchirée entre deux cultures, qui
se reconnaîtra dans la célèbre phrase
liminaire :
«]'avais vingt ans.
Je ne lais
serai
personne dire que c'est le plus bel
âge de la vie.
»
· « Adolescent fatigué [ ...
) corrompu par les humanités », à vingt ans en 1926, l'auteur partage le désarroi de sa génération faite, selon lui, d'esclaves désœuvrés grandis dans la peur de leur avenir.
Saisi par le dégoût d'une culture menson gère et bouffonne distillée par l'École normale, il choisit, parmi les échappatoires possibles, le voyage.
Il partira donc pour Aden.
Mais il lui apparaît vite que son séjour relève de l'illusion géographique et que sa prétendue liberté de voyageur n'est que l'alibi de son impuissance.
Par tout les hommes s'ènnuient Aussi, après avoir épuisé « la nouveauté des terres et des figures »,
Nizan comprend qu'Aden est un « comprimé d'Europe ».
Partout la souffrance est la même, partout se lit l'avertissement continu de la mort Bouleversé, il décide de construire sa vie sur l'idée qu'il n'est qu'« une espèce valide de voyage, qui est la marche vers les hommes ».
La conclusion de l'essai, qui coïncide avec le retour; s'ouvre sur une analyse de l'état de la France, « sale encore des excréments et de la crasse de sa guerre », se poursuit avec un portrait de l'Homo economicus, figure de l'esclavagiste capita liste, pour aboutir à une déclaration de guerre à l'adresse de la bourgeoisie qui étouffe l'« homme réel».
Quand on aura affirmé que chaque
génération porte
son « mal du siècle »
en écharpe et qu'Aden Arabie est à celle
de 1925 ce que
*René avait été à celle
de
1800, on n'en aura pas pour autant
expliqué en quoi cette œuvre continue
d'exercer
une indéniable force déran
geante.
Peut-être la tient-elle de cette
grande colère qui la traverse,
une
colère pure, qu'on aura beau jeu de
dire candide et, pourquoi pas,
« adoles
cente».
Comme
celle de Nietzsche, au
prophétisme duquel elle doit sans
doute, la démarche de Nizan dans
Aden
Arabie
tient sa sombre puissance d'une
dialectique de la négativité rageuse : il
faut d'abord nier, briser, ou, comme le
dit Nietzsche précisément, « philoso
pher à coups de marteau».
Nizan entre
donc
en littérature par le pamphlet,
avec
poùr tout bagage beaucoup de
haine
et une solide rhétorique, qui allie
les pyrotechnies dada
et surréalistes à
l'art de la disposition et de l'élocution,
héritage de
ses humanités par ailleurs
honnies.
D'où les registres variés (de
l'ironie
à l'indignation, des images
excentriques à la période classique)
uti
lisés par Nizan pour liquider toutes les
formes de mystifications
et d1aliéna
tions : la culture d'abord, représentée
par l'École normale
et l'oligarchie de
ses penseurs patentés (Alain, Bergson,
Brunschvicg).
Ce sont pour Nizan
autant de
« chiens de garde du vocabu-.
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