Abraham SACRIFIANT de Théodore de Bèze (fiche de lecture)
Publié le 15/10/2018
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Abraham SACRIFIANT. Tragédie en trois actes et en vers de Théodore de Bèze (1519-1605), publiée à Genève chez Conrad Badius en 1550, et créée sans doute par les étudiants de Lausanne le 1er mai ou le 1er novembre de la même année.
Théodore de Bèze a déjà publié à Paris un recueil latin jugé licencieux, les Poemata, en 1548. Mais, la même année, il se range aux idées de Calvin et rejoint Genève, où il enseigne le grec. Prié par les autorités académiques de la ville de composer une pièce de théâtre, ü écrit l'Abraham sacrifiant.
■ Après un bref Prologue invitant les spectateurs à être tout ouïe, Abraham entre en scène pour chanter les louanges de Dieu et son espérance indéfectible en Lui, en cela suivi par sa femme Sara. Sur 1e théâtre leur succède Satan : il jure de déclarer la guerre à Abraham et entreprend de je désespérer. Survient l’Ange de Dieu qui 'ordonne au patriarche d'offrir son fils Isaac en holocauste. La victime, suivie d’une troupe de bergers, marche sans le savoir vers son destin, sous la conduite d’Abraham, malgré les plaintes de Sara, qui devine le caractère funeste de ce voyage (Acte I).
«
les Poemata, en 1548.
Mais, la même
année,
il se range aux idées de Calvin
et rejoint Genève, où il enseigne le
grec.
Prié par les autorités aca.démiques
de la ville de composer
une pièce de
théâtre,
il écrit l'Abraham sacrifiant.
Après un bref Prologue invitant les spectateurs à être tout oûie, Abraham entre en scène pour ~::hanter les louanges de Dieu et son espérance indéfectible en Lui, en cela suivi par sa femme Sara.
Sur le théâtre leur succède Satan : il jure de déclarer la guerre à Abraham et entreprend de je désespérer.
Survient l'Ange de Dieu qui brdonne au patriarche d'offrir son fils Isaac en holocauste.
La victime, suivie d'une troupe de bergers, marche sans le savoir vers son destin, sous la condurte d'Abraham, malgré les plaintes ,de Sara, qui devine le caractère funeste de ce .voyage (Acte 1).
Trois jours plus tard, parvenus au pied de la montagne, les bergers s'en retour nent non sans avoir chargé Isaac des instruments du sacrifice (Acte 11).
Fortifié par une longue prière où s'expriment ses hésitations, Abraham peut enfin dévoiler à son fils l'ordre divin ; Isaac accepte l'arrêt du Ciel avec une fermeté d'âme exemplaire qui met Satan en furte.
L'Ange du Sei gneur arrête le bras du sacrificateur au moment où il va frapper (Acte Ill).
L'Épilogue invite le spectateur à méditer la confiance en Dieu mani festée par Abraham.
Avec l'Abraham sacrifiant, Bèze inau
gure
tout à la fois le théâtre protestant
et le répertoire de la tragédie française.
«Tragédie», c'est bien ainsi que
'l'auteur a défini son œuvre, même si la
1 structure de la pièce (avec le Prologue
.
et la division en pauses) renvoie à la
conception classique de la comédie.
'Mais l'argument de
l'Abraham sacrifiant
est bien du registre tragique puisque,
fondé sur
une vérité historique, il
représente la fortune des Grands (ici le
patriarche) dans l'adversité
et souligne
la fragilité des choses humaines (chan-
: tée dans le dernier cantique de
la
troupe des bergers, v.
575-642).
Si l'on a cru reconnaître naguère
l'influence des mystères dans
l'Abra
ham sacrifiant (notamment lors de l'apparition
de
Satan puis de l'Ange de
Dieu sur la scène), la seule source
du
nouveau converti, c'est la Bible: le xxne
chapitre de la Genèse, suivi pas à pas,
est médité et adapté pour le théâtre.
Les écarts majeurs par rapport au
modèle biblique
ont pour fonction
d'accentuer le pathétique des situa
tions (Isaac construisant lui-même
l'autel
où il doit être sacrifié), ou la
crise traversée
par le patriarche : les
interrogations d'Abraham sur les des
seins de Dieu,
ses prières et ses plaintes
ne figuraient pas dans le texte de la
Genèse.
Mais précisément, l'intérêt de
cette version renaissante
du drame
biblique repose sur la consistance
du
personnage· exemplaire d'Abraham,
image du fidèle ou, dans l'optique
cal
vinîenne, de .l'homme qui place sa
confiance
en Dieu « nonobstant toutes
raisons
contraires» (v.
991), c'est-à
dire humaines et marquées par consé
quent de malignité fondamentale.
Mais cette inaltérable confiance
n'empêche pas
la crise de conscience
cruelle, moteur de
la tragédie, quand
les ordres de Dieu entrent en conflit
avec la volonté humaine.
Toute la
dynamique de la pièce repose sur le
lent renoncement aux liens de la chair,
fût-ce l'amour paternel, qui retarde la
victoire de la foi, manifestée
par
l'obéissance aux ordres divins.
Théodore de
Bèze a donc voulu faire
œuvre de prosélyte.
Le nouveau
converti, rachetant ainsi les
Poemata
« dont la seu1e souvenance me fait
maintenant rougir» (Avis aux lec
teurs), réconforté par l'Écriture, entend
par
ses vers chanter les louanges de
Dieu
et affermir par un bel exemple le
courage de ses frères de foi.
C'est pour
quoi
il revendique une esthétique de la
simplicité, et
ne veut « user de termes
ni de manières trop éloignés du
commun».
La verve polémique du
militant convaincu trouve à s'exprimer
à travers le personnage grotesque
d'un.
»
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