Devoir de Philosophie

A LA LUMIÈRE d'Hiver de Philippe Jaccottet, Poèmes, 1977 (résumé)

Publié le 18/09/2018

Extrait du document

Cette suite de poèmes répond au désir de retrouver un contact immé-diat avec la nuit, avec un certain mystère de la présence du monde. La nuit se présente sous les traits d’une femme dont l’apparition a valeur libératrice. Le réel se donne alors à nouveau à l’homme, comme dans une renaissance. Il se révèle dans le passage qui relie le monde céleste au monde terrestre, que symbolise le nom de Car l’ensemble est placé sous le signe de la mort, et le monde ne peut être redécouvert que par l’acceptation de la finitude. 

« A LA LUMIÈRE D'HIVER de Philippe Jaccottet A la différence des deux précédents, les poèmes de ce recueil, presque tous inédits, nʼont pas fait l ʼobjet d ʼune publication autonome : écrits entre janvier 1974, etjanvier 1976, ils sont publiés en 1977, sous le titre de A la lumière d ʼhiver, précédés de Leçons et Chants d ʼen bas.

A la lumière d ʼhiver I- Le titre : Ce titre est à lafois celui du recueil et celui de la deuxième partie du recueil.

1) Il semble indiquer un accord avec les mots, les sonorités, chaque mot semblant susciter le suivant.

2)Un titre polysémique qui désigne a- un temps, diurne et hivernal : - on verra , en réalité, que les textes proposent une alternance du jour et de la nuit, (lumière dujour--> nuit ; rêve --> jour trop tôt revenu II2 ; II1 aube II, 2, 4, 5) l ʼhiver, le soir (II7, «manteau rêche de la nuit» (II8), jour («tout le long du jour», «soleil» II9 -L ʼhiver est le paysage : nuages de novembre (II, 3) hiver (II4, II7) la neige (II8, et 9) fraîcheur (I, 1), air froid (I, 3), air noir et frais (II, 1), trace glacée (II10)L ʼhiver découpe une épure du paysage, dans des journées glacées et limpides où la lumière af fine les lignes.

Les troncs se dénudent, la terre sombre af fleure.L ʼhiver décante un quasi poème.

(Jean-Claude Mathieu, Philippe Jaccottet, l ʼévidence du simple et l ʼéclat de l ʼobscur, Corti, 2003) Glace, limpidité, soleil.

De raresnuages, petits, accrochés aux montagnes.

Tout est purifié, les ornements sont tombés, rien ne reste que les formes essentielles[…] Rêve d'écrire un poème qui seraitaussi cristallin et aussi vivant qu'une œuvre musicale, enchantement pur, mais non froid.» (La Semaison, p.

17) L ʼhiver épure le paysage 1, le débarrasse du poidsdes choses, réduit le monde à quatre éléments, terre (I, 1,v.27 ; II, 4 ; II,8, ; terre de plus en plus visible, II3 ; ou invisible terre II6) ou sol (II5) ; eau, invisible (I3 ;I5, solidi fiée en neige, ou brumisée (II7) ou encore vaporisée en lumière, feu (II7)affaibli ramené lui aussi à la lumière, air, l ʼélément premier, celui qui favorise lacirculation des autres, de la lumière, médium pour le poète, qui l ʼinterpelle dans la deuxième section d ʼ»A la lumière d ʼhiver».

Les feuilles du premier poèmedisparaissent dans les suivants.

L ʼhiver entraîne aussi le silence : alors qu ʼun instant tout se tait (II, 8)1 Mallarmé parle d ʼ»hiver lucide». la neige- elle qui parle toujours à voix basse» --> L ʼhiver instaure d ʼemblée cette épure que recherche le poète, il rapprpche aussi de l ʼinvisible.

L ʼhiver est aussisymboliquement la saison de la vieillesse («Déjà le jour baisse, le jour de mes yeux» I4) et de la mort : cruche d ʼos bientôt bonne à jeter (II5), frêle manche d ʼosimage du laboureur (qui rappelle la fable de La Fontaine) et de Lazare (II, 8) Mais paradoxalement l ʼhiver est aussi le temps de la germination, de l ʼélévation, de lacommunion amoureuse avec la femme aux yeux impatiemment fidèles, aux fidèles yeux, femme d ʼabord étrangère («femme de soie noire»), puis vénusiaque, en finfemme proche aux yeux baignés de larmes.

b- un moyen : la préposition à aurait le sens de par le truchement de c- un lieu (passer de l ʼombre à la lumière) : or ladeuxième section bascule du noir («air noir et frais» (II1) à la blancheur de la neige qui tombe ou qui est désirée (II8 et 9), II- L'ORGANISATION DU RECUEIL 1)Le texte s ʼorganise en deux parties très déséquilibrées : Dis encore cela, composée d ʼun seul poème.

Et la deuxième composée de 14 poèmes ! Dans Dis encorecela, le poète est aux marges du silence : l ʼurgence de la parole, manifestée par la répétition de dis cela, ou de patiemment, n ʼa d ʼégal que la menace de la perte deparole.

2) Continuité C ʼest sur cette perte de parole que reviennent les quatre poèmes de la première section : - le premier interroge la possibilité de l ʼécriture :comment écrire, sans sujet, sans inspiration, et alors que les choses une fois métamorphosées en mots ont perdu toute leur substance.

- le poème 2 explique lesraisons de ce désespoir : l ʼexpérience du temps qui nous détruit, et celle de la douleur devant la mort de l ʼautre.

Pourtant, il subsiste un noyau irréductible : qqchd ʼinentamé et qui retrouve son intégrité comme le souligne l ʼimage de l ʼeau derrière la barque - En fin, Jaccottet énonce les raisons de poursuivre la quête poétique :qq chose a disparu du monde, le merveilleux, le sacré, pourtant il subsiste de minces espaces d ʼenchantement : dans la réalité sensible, dans les entre-deux, c ʼest ce«simple pas risqué dehors» qui le permettra.

Les trois premiers poèmes comprennent des passages entre guillemets, citations de l ʼauteur, ce qui le rend à la fois plusproche et plus distant.

Le quatrième forme une boucle avec le premier : réflexion sur le langage sur le vieillissement fin sur la lumière et sur la maladresse de l ʼhomme à la canne, de celui qui perd la vue, réduits l ʼun comme l ʼautre à des tâtonnements ou despiétinements éperdus.

Le premier détruit ce qu ʼil cherche ; le second le poursuit en vain.

On remarque au total une organisation en - poème long - poème court -poème court - poème long La fragmentation du recueil est donc très marquée avant que les textes ne se déploient à nouveau.

En effet, «A la lumière d ʼhiver», qui se divise en deux sections de4 puis 10 poèmes, les premiers étant une nouvelle suite méta-poétique, dans le prolongement de Dis encore cela et des Chants d ʼen bas.

Cette suite méta-poétique estd ʼailleurs contemporaine des Chants d ʼen bas.

Le premier poème qui reprend la thématique du parler, du dire, semble un ajout, un complément à ce qui précède.Cette proximité thématique ne soit cependant pas nous leurrer : Si Jaccottet oppose autrefois et maintenant, comme il le faisait dans le premier poème de Leçon,désormais, au contraire, c ʼest autrefois qui est valorisé au détriment de l ʼimpuissance présente : Autrefois, la lumière nourrissait sa bouche, maintenant il raisonne etse contraint (Lu, I4) Ce n ʼest plus la prétention du poète qui est problématique, c ʼest son vieillissement, thème déjà abordé dans les poèmes I1 et II1 des Chants d ʼenbas, qui devient un leit-motiv ici2. 3) Unité a- Progression Car, malgré cette disparité, on observe une grande unité dans tout le recueil 1- Du début précipité, exprimant l ʼurgence à parler, à la finmarquée par un apaisement, un ralentissement, de la panique, de la fuite éperdue devant la mort à un accord avec le monde, à l ʼacceptation de cette mort ; de lavictime traquée à une vision cosmologique du monde.

2- De la parole vitale, à l ʼéloge qui parvient à s ʼélever 3- Du premier poème à l ʼavant-dernier s ʼécrivent deséchos : impatiemment rappelant patiemment ; le mot graine apparaissant dans les deux textes.

Le mot encore, si fréquent dans les autres recueils, semble servir de fildirecteur aux poèmes, du premier à l ʼavant-dernier, le quintil final faisant fonction de clausule.b- complémentarité Les deux sections d ʼA la lumière d ʼhiver se complètent de façon dialectique : l ʼaction faisant place à la ré flexion, le poète s ʼarrachant à sesratiocinations pour faire «ce simple pas risqué dehors» (I3) («je sors en fin, je passe» II,1, 30), quittant le mot écran pour entrer dans le monde, et finir par retrouver laneige-écran qui voile, cache sans dérober,2 Non plus porté par la course du sans (I1) Le temps aussi (I2) Les pierres du temps (I3) couvre pour protéger, abandonnant le visible, le monde diurne («Fleurs, oiseaux, fruits») qui se donne dans son trop-plein, pour le monde hivernal de la perte, dumanque, de l ʼopacité éclairante, abandonnant le matériel pour l ʼimmatériel, préférant la marche à la fuite désespérée.

Il s ʼagit aussi d ʼune solution : puisque Jaccottetfait le constat du poids il se tourne vers des choses changées en mots, il se tourne vers un monde où le poids des choses n ʼa plus cours, un univers désenchantéaussi, hors de tout enchantement, trahi par tous les magiciens et tous les dieux depuis longtemps fui par les nymphes (I, 1) Quelle grâce demander aux dieuxlointains aux dieux muets, aveugles, détournés, à ces fuyards (II8) Jaccottet regrette aussi que ces pierres du temps aient détruit les dieux et les fées (I, 3) mais à la fin du recueil, le haut et le bas sʼéchangent, une lumière s'élève par vagues comme un Lazare : une résurrection, et une résurrection du spirituel défaillant semblepossible.

L ʼinvisible et le visible se rejoignent, alors que l ʼinvisible se dérobait dans le début du recueil.

Ce que la voix ne parvenait pas à nommer se crée de soi, àpartir d ʼun simple souhait : le visage de la femme aimée paraît comme par transparence à travers le rideau de neige Quelle image de la femme apparaît dans A la lumière d'hiver ? Dans le dernier recueil la figure féminine, absente du premier, rare dans le second, devient un fildirecteur du texte.

Jaccottet y réunit deux images contrastées.

I- La femme allégorique, la femme noire 1- Une épiphanie nocturne - une «étrangère», qui envahitlʼ imaginaire, qui «s ʼest glissée dans les paroles» - mystérieuse, dont «on ne sait pas le nom» - qui est associée à la nuit : révélée par la lumière du jour, qui la laisseapparaître «en se retirant, comme un voile», dont les regards sont semblables à la lumière des étoiles dont les regards brillent encore pour moi de tous ses yeuxpeut-être éteints depuis longtemps Elle est la Vénus noire, double nocturne, de celle qui aura paru parfois entre les boues et les buées de l ʼaube, ou de ces «nymphesqui ont fui».

La femme allégorique est la seule projection imaginaire possible en l ʼabsence des dieux, qui ont fui.

2- Belle et sensuelle - «belle», «beau masque» -faite de matières précieuses, «femme d ʼébène et de cristal», elle est la nuit transparente, «soie noire» (II1 et 2), qui ef fleure le poète, couverte de «fermoirs d ʼor» -elle est nue : ses fermoirs «n ʼagrafent plus nulle robe» (II1) - elle est sensuelle : il est question de sa peau, de sa chevelure, de ses parfums : «on boit son parfum3,son haleine»(II2) --> Elle est à la fois dense et éclatante, elle rappelle --> Elle est la femme qui se promet un monde de sensualité mais qui se dérobe sans cesse,reste «à jamais inapprochée» (II2) 3- Mais elle n ʼest qu ʼune illusion, qui fascine - beau masque de dentelle, née de la poésie (Jaccottet assimilant son travail à celuid ʼune dentellière dans les Chants d ʼen bas), ou de la maison des rêves, qui disparaîtra avec le «jour trop tôt revenu» - qu ʼil n ʼaurait pas dû laisser apparaître dans. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles