Mimétisme & camouflage
Publié le 10/01/2019
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QUAND ANIMAUX ET PLANTES SE DEGUISENT
Outre le combat, la menace ou la fuite, les animaux disposent de deux stratégies supplémentaires dans leurs relations avec leurs prédateurs : la dissimulation (passer inaperçu) et la duperie (se faire passer pour ce qu'on n'est pas). C'est à ces deux stratégies, qui s'observent aussi dans le monde végétal, que se rapportent le camouflage et le mimétisme. Le mimétisme est la stratégie adaptative d’imitation : l'organisme ressemble - superficiellement mais souvent très fidèlement - à une autre espèce vivante, éventuellement très éloignée. Dans la plupart des cas, les espèces imitatrices cherchent ainsi à échapper à leurs prédateurs, par exemple en se parant des attributs d’espèces non comestibles, voire dangereuses. Toutefois, le mimétisme peut répondre à d'autres contraintes, telles que la reproduction (cas du coucou ou de certaines orchidées) ou la prédation (cas de la blennie dévoreuse).
Le camouflage désigne le fait de se confondre avec le milieu, afin de passer inaperçu ; il peut rejoindre le mimétisme dans le cas où le milieu est constitué d'espèces vivantes (cas des phasmes et des phyllies) mais la plupart du temps il ne s’agit que d'en imiter la couleur ou l'aspect global. Ici aussi, le but peut être aussi bien d’échapper à ses prédateurs que de tenter, à l'inverse, d’approcher sa proie le plus discrètement possible.
Il existe une différence majeure entre le mimétisme et le camouflage du point de vue de l'évolution : si l'aptitude au camouflage, notamment par la couleur, peut apparaître et se développer très rapidement au sein d'une espèce par le jeu des mutations et de la sélection (comme le montre l’exemple de la phalène du bouleau), le mimétisme au contraire implique un mécanisme complexe de coévolution mettant en jeu trois espèces : le mime, l'espèce imitée et l'espèce dupée.
LE MIMÉTISME
Le mimétisme est sans doute la forme la plus spectaculaire d'adaptation issue de l'évolution des espèces. Pourtant, il n'a jamais inspiré de travaux à Darwin et c'est à
Henry Walter Bâtes (1825-1892) que l'on doit les premières études et la naissance du mot « mimétisme ».
Ce naturaliste et explorateur britannique passa onze ans en Amazonie, où il étudia les papillons. À son retour, en 1863, il publia The Naturalist on the River Amazon, où il décrit les tactiques mises en œuvre par certains papillons pour échapper à leurs prédateurs. Pour les définir, il crée en anglais le mot mimicrY, un néologisme façonné sur le grec et qui signifie « capacité à mimer ».
LE MODELE, SON MIME ET LE DURE
Le mimétisme implique par définition un « système mimétique », ou triade mimétique, composé de trois agents :
• le modèle, émetteur de stimuli ou de signaux perceptibles par les sens ;
• le mime (imitateur), animal ou végétal, qui tire avantage de sa ressemblance avec le modèle ;
• le dupe, dont les sens perçoivent de la même manière les stimuli émis par le modèle et par le mime. On l'appelle aussi « opérateur » car la pression sélective s'exerce à travers lui : c’est l'acteur de l'évolution du mimétisme.
«
mouche
(Ophrys
insedifera), ou encore l'orchidée
araignée (Ophrys sphegodes) miment
grossièrement l'apparence d'une
femelle de l'espèce modèle (insecte ou
arachnide) et, surtout, produisent un
parfum identique aux phéromones
qu'émet celle-ci lorsqu'elle est prête
pour l'accouplement.
Les mâles dupés
s'accouplent avec la fleur et repartent
couverts de pollen.
L'expérience se
répétant, l'insecte pollinise ainsi
beaucoup plus de fleurs.
Une fois
fécondées, elles cessent d'imiter les
phéromones des femelles réceptives
pour celles des femelles prêtes à
pondre, ce qui cette fois éloigne les
mâles.
• Autres cas de mimétisme olfactif
D'autres plantes, tels les arums, et en
particulier Helicodiceros muscivorus,
produisent une odeur de cadavre en
décomposition et attirent ainsi les
mouches.
Les mouches pénètrent par la
partie femelle de la fleur.
Son
ouverture, hérissée de poils courbes,
en permet l'entrée mais pas la sortie,
et l'insecte reste pris au piège.
Après La
p#HIIènr d11 bo11IN11 (Bistan
betularia) est un papillon nocturne.
Le jour, il doit se dissimuler à ses
prédateurs (oiseaux) :sa couleur gris
clair et des rayures irrégulières le
rendent indécelable sur l'écorce claire
des bouleaux.
À partir du XVIII' siècle, la révolution
industrielle en Grande-Bretagne a
engendré une forte augmentation de
la consommation de charbon.
Les
arbres et les monuments eurent
tendance à s'assombrir du fait de la
fumée des usines, et les phalènes gris
clair devinrent de plus en plus visibles
sur les bouleaux noircis, tandis que la
disparition des lichens rendait les
rayures inutiles.
Une nouvelle forme
de phalènes du bouleau apparut,
sombre et sans rayures, qui passait
inaperçue, alors que la forme
classique attirait de plus en plus
l'attention des prédateurs.
Cette mutation « sombre " est en fait
courante : à chaque génération il naît
des individus sombres parmi ceux qui
sont clairs.
Dans les conditions
habituelles, les individus sombres
sont rapidement éliminés par les
prédateurs.
La tendance s'inverse
dans les zones polluées où la forme
sombre est nettement avantagée et
devient donc dominante.
Ce mécanisme a été baptisé
" mélanisme industriel ».
des
coqs de
bruyère,
arbore un plumage de la couleur des
roches en été et entièrement blanc en
hiver.
L'hermine et le renard polaire
(isatis), ses prédateurs, ont la même
capacité d'homochromie.
Leur mue est
d'autant plus rapide que le poil blanc
est présent dès l'automne sous le
pelage d'été.
Certaines espèces (ici un gecko, lézard
d'Asie du Sud-Est) sont capables de
changer de couleur en fonction de leur
environnement.
On rencontre cette
adaptation chez les espèces les plus
diverses, qu'il s'agisse de crustacés
(c'est le cas de nombreuses espèces de
crevettes), d'amphibiens (en particulier
les rainettes arboricoles, mais
également le crapaud commun), de
reptiles (caméléon, cas le plus connu),
de mollusques (seiches et calmars), ou
encore de tous les poissons plats (sole,
limande, turbot.
..
).
24
heures, la fleur s'ouvre et libère
l'insecte qui doit alors passer par la
partie mâle de la plante et se
badigeonner de pollen.
La fécondation
intervient lorsqu'une mouche enduite
de pollen est à nouveau prise au piège.
Enfin les champignons de la famille des
phallacés, à laquelle appartient en
particulier le satyre puant (Phallus
impudicus), émettent eux aussi une
odeur forte et nauséabonde qui attire
les mouche, qui en disséminent les
spores.
Tous
ont en commun des cellules
1-------------� particulières de la peau, les
le camouflage est la stratégie
consistant pour une espèce à devenir
indiscernable.
Cela peut passer par une
imitation de l'aspect global du milieu
(couleur, notamment) ou d'éléments
particulièrement fréquents (cailloux ...
).
Dans ce dernier cas, les éléments
peuvent appartenir à un être vivant
(branches d'arbres ...
); la différence
avec le mimétisme réside alors dans
l'absence d'interaction entre l'espèce
dupe et le modèle.
HoMOCHROMIE
L'homochromie est la capacité à
reproduire ou à imiter la couleur du
milieu.
Homochromie simple des
taches ou des rayures.
Certaines
espèces présentent des variantes en
fonction du milieu qu'elles habitent: les
panthères vivant dans les zones de
savane sont tachetées, tandis que dans
la forêt tropicale épaisse domine la
variante noire.
Ombre inversée
Certains animaux présentent une forte
différence de couleur entre leur face
ventrale et dorsale : leur dos est
sombre et leur ventre blanc.
La lumière
venant du haut, l'aspect sombre du dos
compense l'exposition, et celui clair du
ventre annule les ombres.
De cette
manière, l'animal perd son relief : il
semble plus petit qu'il n'est, et surtout,
dans la mesure où il se détache moins
de l'arrière-plan, la distance exacte à
laquelle il se trouve devient difficile à
évaluer.
Les antilopes d'Afrique en sont
un exemple typique.
De nombreux poissons ont le ventre
clair et le dos sombre : vus de dessous,
ils se confondent avec la clarté du ciel
On parle
et, vus de la surface, avec le fond.
d'homo- Homochromie
variable
chromie On distingue deux types
simple pour le d'homochromie variable : celle des
cas des
espèces dont la couleur change avec les
animaux dont saisons, et celle, instantanée, des
la couleur est espèces
capables de changer
uniforme et volontairement de couleur.
correspond au
milieu qu'ils
fréquentent.
Les criquets verts ou la robe couleur de
terre du lièvre en sont des exemples.
L'homochromie peut être renforcée par •
Variations saisonnières
Elles sont le fait des espèces vivant dans
les régions froides ou en haute
montagne, qui ont un pelage ou un
plumage coloré du printemps à
l'automne et deviennent blanches en chromatophores,
chargées de pigments
colorés.
Les changements de couleur
s'effectuent sous contrôle hormonal
chez les espèces les plus primitives,
comme la lamproie, mais sont régis par
le système nerveux central chez les
amphibiens et les reptiles.
Les chromatophores se rétractent ou se
dilatent sous l'action de l'influx nerveux.
La gamme de couleurs est fonction du
type et du nombre de chromatophores
que l'animal contracte ou dilate.
La
vitesse de cette modification est très
variable d'une espèce à l'autre :très
lente chez la crevette, elle se fait à vue
d'œil chez le crapaud ou le caméléon et
ne prend que deux tiers de seconde
chez la seiche.
Les espèces à chromatophores ne se
contentent pas de copier la couleur du
milieu qui les entoure : elles en imitent
également les dessins, les poissons
plats reproduisant en trompe-l'œil le
fond sur lequel ils reposent, et la seiche
mimant l'ombre portée des vagues.
D'autres espèces, comme les poissons
des récifs ou les caméléons, adaptent
l'éclat de leurs couleurs en fonction de
l'intensité de la luminosité : pâles
quand la lumière est douce, ils
prennent des teintes vives en plein
soleil.
HoMOMORPHIE
On parle d'homomorphie pour les
espèces dont la morphologie imite un
élément caractéristique du milieu afin
d'y passer inaperçu.
Pour les animaux,
1 un rôle essentiel
dans ce type de camouflage.
Phasmes et phyllies
De nombreux insectes ont l'apparence
de feuilles, de pousses, de pierres ou de
fruits.
Les plus impressionnants sont les
phasmes et les phyllies.
• Les phyllies sont des insectes-feuilles
qui vivent dans les forêts d'Asie du Sud
Est.
Leur corps est aplati et leurs ailes
sont larges et colorées à la manières
des feuilles, dont elles reproduisent
également les nervures.
Leurs membres
sont pourvus d'excroissances qui
évoquent, elles aussi, le végétal.
Elles se
déplacent en se balançant, accrochées
par une patte, ressemblant ainsi à des
feuilles dans le vent.
Les phasmes, ou insectes-bâtonnets,
présentent l'aspect de brindilles.
Vivant
dans les régions équatoriales et
tropicales, ils se nourrissent
exclusivement de la plante sur laquelle
ils vivent.
Leurs mouvements sont lents,
ils imitent le balancement des
Les crabes oxyrhynques, ou
araignées de mer, recouvrent leur
carapace avec des algues, des
cailloux, des débris ...
et tout type
d'élément présent dans leur
environnement.
Quand ils muent et
quittent leur ancienne carapace, ils
équipent aussitôt la nouvelle.
Ils enduisent leurs éléments de
camouflage d'un liquide gluant qu'ils
sécrètent et les fixent à des « poils "
recourbés dont est garnie leur
carapace, qui adhèrent aux objets à la
manière de bandes Velcro.
Lorsque l'environnement change ou
qu'ils se déplacent, ils se débarrassent
de l'ancien camouflage pour se
recouvrir avec des éléments du
nouveau milieu.
Poisson-dragon
Le poisson-dragon (Phyl/apteryx
taeniolatus), également appelé
« dragon de mer», est un hippocampe
australien dont les excroissances de la
peau reproduisent les algues marines
au milieu desquelles il vit.
Ses
déplacements sont lents et
contribuent à le faire passer pour une
algue dérivante.
Il est très difficile à
observer dans la nature ou à maintenir
en captivité et son mode de vie reste Plantes-cailloux
Beaucoup moins répandu chez les
végétaux que dans le règne animal, le
camouflage par homomorphie est
néanmoins observable chez certaines
plantes, comme les plantes-cailloux
africaines (Lithops, Pleiospilos..
.),
de la famille des aizoacées.
Elles possèdent des feuilles bombées
à l'aspect de petits galets.
Les
marbrures que certaines présentent
viennent compléter leur ressemblance
avec les pierres lisses au milieu
desquelles elles poussent.
Originaires
de déserts secs, ces plantes sont ainsi
adaptées à un milieu où la végétation
est souvent la seule source d'eau pour
les animaux.
Les fleurs de lithop.J ne sont visibles
qu'en fin de journée, et la floraison
est courte.
Les graines ne s'ouvrent
qu'au moment des pluies.
La
croissance des plantes-cailloux est
lente, leur taille n'excède jamais
quelques centimètres.
DU CAMOUFLAGE
À LA COMMUNICATION
L'aptitude au camouflage n'est pas la
seule vocation de la capacité à
changer de couleur et de motif propre
aux espèces à chromatophores : c'est
aussi un moyen de communication .
Le
caméléon devient noir quand il se sent
agressé, les calmars à maturité
sexuelle deviennent rouge vif en
période de reproduction, et la seiche,
quand elle chasse, passe très
rapidement par une série de teintes
très contrastées, ce qui a pour effet de
déconcerter sa proie et la retient de
fuir ou de contre-attaquer.
Les seicbes sembleraient par ailleurs
disposer d'un véritable code de
communication fondé sur les
variations de couleur.
Deux individus
mis en présence passent en effet par
une série de couleurs dont le rythme
et l'intensité correspondent à un
échange de signaux.
Par ces échanges
colorés, les mâles rivalisent en période
de reproduction, et les jeunes d'une
même ponte fondent la cohésion de
leur groupe..
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