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Les animaux cavernicoles

Publié le 06/01/2019

Extrait du document

UNE FAUNE DISCRÈTE

L'intérêt pour la faune des cavernes remonte à 1689, lors de la découverte d'une espèce d'amphibien : le Protée anguillard. On prit soudain conscience que les entrailles de la terre constituaient un milieu particulier, abritant des animaux spécifiques. Non pas les dinosaures de Jules Vernes, mais certaines espèces de surface et leurs parentes étrangement modifiées. Leur étude prit le nom de biospéléologie (ou biospéologie). Les grottes sont relativement fréquentes, surtout dans les régions calcaires, quelquefois volcaniques. À titre d'exemple, on évalue leur nombre en France à environ 30000. Leur taille est très variable. Elle peut atteindre plusieurs dizaines de kilomètres (exceptionnellement plus de 500 km pour « Mammoth Cave» dans le Kentucky). On considère leur faune comme appartenant à trois populations ani

 

males distinctes, selon leur degré d’adaptation : les trogloxènes, cavernicoles occasionnels, les troglophiles, cavernicoles réguliers capables encore de vivre à l'extérieur, les troglobies, cavernicoles permanents qui n'en sont plus capables.

LA VIE DANS LES CROTTES

Des CONDITIONS PARTICULIERES

 

Les milieux souterrains sont caractérisés par leur très grande stabilité thermique, hydrique et physique. Leur température, assez froide, varie peu au cours de l'année, par exemple entre 4 et 8 °C dans les Alpes et les Pyrénées, 10 et

 

Classifications des animaux cavernicoles

Animaux trogloxènes (cavernicoles occasionnels) Animaux troglophiles  (cavernivoles réguliers) Animaux troglobies  (cavernicoles permanents)

Exemples :  - des moustiques du genre Culex  - des papillons du genre Triphosa  - des coléoptères du genre Choleva  - des rongeurs comme la fouine ou le putois Exemples :  - chauve-souris  - hydromantes  - oiseaux (salanganes, Guacharos du Venezuela)  - blattes  - araignées (méta des cavernes) Exemples :  - coléoptères (genre Speonomus, genre Royerella)  - vers (planaires)  - protée anguillard

 

chaudes. En Europe, c'est aussi le cas des phryganes ou des coléoptères du genre Choleva. Ces derniers construisent à la fin

13 °C dans les grottes de Provence. Elle se situe entre la température extérieure et celle du sous-sol « plein », qui est de 11 °C sur la Terre entière. L'hygrométrie est habituellement forte, proche de la saturation. L'obscurité, bien sûr, est totale.

 

Ces conditions ne permettent pas l'existence d'une biomasse importante : sans lumière, pas de synthèse chlorophyllienne, donc pas de plantes. Il existe bien des algues microscopiques rouges ou bleues

(cyanophycées), mais elles vivent sur des déchets organiques comme des champignons et ne constituent en aucun cas des « producteurs primaires » de matière carbonée. Les seuls producteurs primaires sont des bactéries autotrophes, capables d’utiliser le gaz carbonique, souvent très abondant dans l'air des grottes, en tirant leur énergie de plusieurs réactions chimiques : certaines convertissent l'ammoniaque en acide nitreux, d'autres l'acide nitreux en acide nitrique, etc. Bien que les bactéries soient les organismes cavernicoles les plus nombreux et que plusieurs animaux s'en nourrissent, leur contribution à la biomasse totale reste faible. Les écosystèmes souterrains sont en fait étroitement dépendants des apports extérieurs : les eaux d'infiltration et les rivières souterraines apportent

 

 

régulièrement des débris végétaux et de petits organismes qui s'y trouvent piégés. Des trogloxènes « non-consommateurs » comme certains insectes ou les chauves-souris enrichissent le milieu de leurs

« HYDROMANTES Les hydromontes appartiennent à la famille des Pléthodontidés, salamandres sans poumons, à respiration cutanée, qui ne peuvent vivre qu'en milieu humide.

Cinq espèces sont connues, deux en Méditerranée, trois en Californie.

L'hydromante italien, ou spélerpès brun (Hydromantes italicus) vit dans le sud­ est de la France et dans le nord de l'Italie.

Il mesure entre 10 et 12 cm.

d'araignées, d'insectes, qu'il capture grâce à sa langue de 5 cm.

Elle sort en moins d'un dixième de seconde, comme celle d'un caméléon ou d'un crapaud.

Ses larves se développent dans des œufs riches en vitellus, qui n'éclosent qu'à 12 •c, après une incubation particulièrement longue.

Bien adapté aux grottes, il lui faut 4 à 5 semaines pour reprendre une activité normale s'il en est expulsé.

CHAUVE-SOURIS Bien que beaucoup ne le soient pas, les chauve- souris sont les troglophiles les plus connus : seuls les microchiroptères fréquentent les grottes, et certains seulement pour leur hibernation, comme le petit vespertilion.

Parmi eux, seule une minorité y passe beaucoup de temps.

En France, le grand murin, le minioptère, le rhinolophe euryale et le grand rhinolophe, soit quatre espèces en tout et pour tout.

Les minioptères (Miniopteris schreiberst) sont les chauves-souris les plus troglophiles : elles hibernent dans les grottes, s'y reposent de jour et s'y reproduisent.

Elles peuvent constituer des colonies de plusieurs milliers d'individus (plus de lOO ooo individus dans les régions tropicales de l'Inde) associés à une« grotte-mère» : ils en fréquentent d'autres, mais se regroupent souvent dans celle-là.

Dans les régions froides, les grottes leur fournissent un lieu d'hibernation idéal : les prédateurs y sont rares (à plus forte raison sous les voûtes), l'hygrométrie forte empêche toute déshydratation, la température hivernale basse et stable (entre o et 5 •q favorise le sommeil et permet aux chauves-souris, qui se réveillent dès qu'elle est trop chaude ou trop froide, de faire de grosses économies thermiques.

Sous les Tropiques, les chauve-souris n'hibernent pas mais elles peuvent se réfugier durant la journée dans des cavernes et y élever leurs jeunes.

OISEAUX Particulièrement remarquables à ce point de vue, les grottes du nord de Bornéo (Niah, Gomatong) abritent à la fois d'importantes colonies de chauves­ souris et trois espèces de solongones.

Ces proches parents des martinets ont un rythme de vie inverse de celui des chauves-souris : les salanganes chassent de jour et se reposent la nuit.

Mais pour se déplacer dans l'obscurité, ces animaux disposent d'un même système d'écholocation :les chauves­ souris principalement grâce à des ultrasons, les salanganes par des bruits secs d'une fréquence de 1 500 à 5 500 hertz (donc parfaitement audibles pour l'oreille humaine).

C'est aussi le cas du Guacharo du Venezuela (Steatornis coripensis), un cousin des engoulevents également troglophile : les échos de ses cris suraigus le renseignent aussi bien sur les parois des grottes où il se réfugie durant la journée que sur les obstacles au cours de ses activités nocturnes.

Ces rares oiseaux cavernicoles sont protégés des rapaces et des intempéries, mais victimes d'invertébrés : une larve de lépidoptère ronge les nids de salanganes (les fameux« nids d'hirondelle»), tandis que divers insectes maraudeurs, dont un grillon de 5 cm, s'attaquent à ses œufs et à ses nouveaux-nés.

Dans une colonie de salanganes, le taux d'éclosion varie entre 20 et 76 % seulement.

CiUANOBIES On appelle ainsi les animaux vivant dans le guano produit par cette multitude de chiroptères et d'oiseaux.

Beaucoup d'entre eux n'existent plus à l'extérieur, ce qui les rapproche des troglobies, ou cavernicoles permanents.

Ils sont à la base d'une chaine alimentaire complète.

On y trouve des collemboles, parfois si nombreux qu'on leur a donné le surnom de « plancton terrestre », des blattes ousqu'à 2 000 ou 3 000 au m'), des perce-ore illes, puis leurs prédateurs, myriapodes, crabes, scorpions, serpents, rats (une partie d'entre eux plus trogloxènes que troglophiles).

AUTRES ARTHROPODES Il existe de nombreuses araignées troglophiles.

En France, la méta des terriers (Meta merianae) tend sa toile à l'entrée des grottes, mais aussi bien dans les trous des vieux arbres et dans les serres : elle est indifférente à la chaleur, mais a besoin d'un air humide et immobile.

La méta des cavernes seulement les parties les plus obscures des grottes.

Plus grosse, avec de très longues pattes, un développement plus lent, faute de proies, elle est sensible aux variations de température.

Ses jeunes hivernent dans leur cocon de ponte et quittent au printemps la grotte surpeuplée d'araignées pour en chercher une autre.

ANIMAUX TROGLOBIES À force de «vivre dans les grottes », certains troglophiles ont évolué en troglobies ou cavernicoles permanents.

Ils ont subi des modifications importantes, dont le trait essentiel est la diminution des capacités de régulation.

il leur est désormais impossible de vivre à l'extérieur.

De ce fait, leur aire de répartition est réduite.

Chez les coléoptères, par exemple, le genre Speonomus ne vit que dans les Pyrénées, le genre Royerella dans le Jura et les massifs subalpins, le genre Diaprysius dans la partie calcaire des Cévennes.

En contrepartie, protégés des changements extérieurs, ils peuvent se maintenir très longtemps : on estime que certaines espèces sont sous terre depuis 80 millions d'années.

Ces troglobies « reliques », qui n'ont plus aucune espèce parente à l'extérieur, sont les plus importants en proportion.

ADAPTATIONS RÉGRESSIVES Chez les troglobies, l'adaptation au milieu souterrain se produit sous forme de régressions.

En termes darwiniens, un organe inutilisé ne participe plus à la sélection naturelle.

Il peut dégénérer sans aucune conséquence sur la survie des individus, ni de l'espèce.

Vivant dans un milieu sans lumière, les troglobies sont souvent dépigmentés et oveugles.

C'est le cas des planaires du genre Dendrocoelum, du protée, de la trentaine d'espèces de poissons troglobies.

Les insectes ont les ailes atrophiées, un tégument mince, des cycles reproducteurs modifiés : au lieu de pondre une seule fois beaucoup d'œufs, comme les espèces de surface soumises au rythme des saisons, ils pondent à de grands intervalles des œufs peu nombreux, riches en vitellus, quelquefois un par un.

Certaines adaptations sont aussi en rapport avec la pauvreté des ressources disponibles.

BeaucouJ> d'espèces sont adaptées au jeûne et connaissent un développement lent.

Leur activité métabolique est souvent faible : certains insectes respirent 10 à 15 fois moins que leurs cousins de l'extérieur.

Leurs stades larvaires sont moins nombreux : deux au lieu de quatre chez les coléoJ>tères du genre Bathyscinae, un seul chez Leptodirus ou chez Speonomus longicornis, dont la larve ne se nourrit pas.

Cette vie au ralenti augmente la longévité de sorte que les crustacés gammaridés cavernicoles du genre Niphargus vivent 5 à 6 fois plus longtemps que ceux du genre Gammarus, qui vivent à l'extérieur.

En contrepartie, ils meurent à la lumière et résistent mal aux variations thermiques rapides.

AUTRES ADAPTATIONS Les animaux troglobies ont souvent le corps grêle et des appendices plus longs qu'en surface.

La sauterelle Dolichopoda de Corse et des Alpes­ Maritimes, qui pourtant s'aventure de nuit pour chasser à l'extérieur, a des pattes immenses et ses antennes sont cinq fois plus longues que son corps.

De manière générale, leurs adaptations sensorielles sont remarquables : leurs récepteurs, plus sensibles, alimentent des centres nerveux J>lus développés, dont la structure permet une meilleure perception du signal.

Les J>Oissons cavernicoles possèdent sur la tête et dans les canaux de leur ligne latérale des cellules ciliées appelées « neuromastes », qui leur permettent de repérer les objets solides à distance.

Aux États- Unis, Typhlichthys subterroneus et Amblyopsis rosae, qui sont aveugles, ont plus de neuromastes que Chologaster agassizi, dont les mœurs sont moins troglobies.

Leur nage plus souple et plus lente réduit les turbulences et les interférences avec les vibrations de leurs proies.

Au Mexique, Anoptichthys jordani a plus de neuromastes que l'espèce de surface dont il dérive, Astyanax mexico nus, mais seulement au-dessus de l'orbite, car son adaptation au milieu cavernicole est récente (ils sont d'ailleurs encore interféconds).

Chez les coléoptères, beaucoup de soies olfactives sont transformées en J>alettes, ce qui augmente la surface réceptrice des antennes.

Celles-ci permettent aussi d'évaluer le taux hydrique.

Enfin leurs soies tactiles, ou trichobothries, sont plus longues et J>lus fines que celles des espèces de surface.

Celles des élytres du carabe Aphaenops cerberus des Pyrénées, comme celles des Trechiama du Mont Fuji, sont sensibles au moindre souffle d'air : l'animal s'installe dans une fissure où circule un courant d'air lent et humide et guette ses proies attirées par les eaux suintantes, riches en matières organiques.

Quand l'air devient vif et sec, en hiver, il se réfugie dans une fissure plus abritée.

Dans les grottes de Cuba, les crustacés du genre Antromysis, qui ressemblent à de petites crevettes, trouvent leur nourriture grâce aux soies SJ>inulées de leurs antennes.

Lorsqu'un excrément de chauve-souris tombe dans l'eau, leur déformation leur indique précisément le point d'impact et le trajet de descente : le crustacé plonge derrière le guano, dont il évalue la qualité avec ses chémoréceJ>teurs (récepteurs chimiques) antennaires et ses poils gustatifs.

Le protée anguillard est non seulement sensible aux vibrations des gammaridés, mais aussi aux substances chimiques qu'ils émettent, grâce à son sac nasal (beaucoup plus que les espèces de surface).

L'olm, ou J>rotée anguillard (Proteus onguinus) est le premier troglobie découvert.

Avec ses 20 à 30 cm, c'est aussi le plus gros, et le seul amphibien troglobie d'Europe.

ll vit dans le sud de l'Autriche, la Slovénie, la côte Dalmate et le nord-est de l'Italie, dans des eaux souterraines à 10 •c, à 300 rn de profondeur.

Aveugle, dépigmenté, c'est un exemple de néoténie : sa larve devient adulte sans métamorphose et en gardant ses branchies (il n'utilise ses J>Oumons que lorsque l'eau manque d'oxygène).

Cette larve, qui fait 2 cm à l'éclosion, a déjà des doigts aux membres antérieurs ; elle est légèrement pigmentée et, si on l'élève à la lumière, l'adulte devient gris et non pas rose.

Peu actif, le protée nage cependant bien et vite, ce qui lui permet de caJ>turer les petits J>Oissons et les crustacés dont il se nourrit, bien qu'il ne le fasse que très rarement.

À Londres, un spécimen a passé cinq ans sans manger.

Son cycle vital se déroule au ralenti : il n'est sexuellement mature qu'à dix ans, la ponte s'étale sur 3 ou 4 semaines, l'incubation dure entre 13 et 20 semaines.

Sa longévité est supérieure à vingt ans.

LA NAISSANCE DE LA BIOSPÉLÉOLOCiiE C'est la découverte du premier vertébré troglobie, Proteus anguineus, en 1689 dans une grotte de la Carniole en Yougoslavie, qui est à l'origine de la biospéléologie.

Dès lors, bien que le terme de biospéléologie ne se soit pas encore imJ>osé, cette discipline rencontre un intérêt grandissant, notamment grâce à des scientifiques comme Martel et son disciple, Viré, qui visitent un grand nombre de cavités au cours du xiX' siècle.

C'est Viré qui, le premier, proposa le terme biospéléologie.

Néanmoins, les véritables pères de cette discipline sont Racovitza et Jeanne!.

Océanographe de formation, Racovitza découvre en 1905, dans les grottes de Drach, sur 171e de Majorque, un insecte qui retient toute son attention.

Deux années plus tard, il publiera son Essai sur les problèmes biospéléologiques.

En 1920, il fonde avec Jeannel le premier institut de spéléologie à Cluj, en Roumanie.

Ils en seront respectivement directeur et sous-directeur.

Racovitza est en outre à l'origine du terme biospéologie.. »

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