La faune des abysses
Publié le 10/01/2019
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LE MONDE DES PROFONDEURS
Si les mers et les océans représentent près de 70 % de la surface du globe, les abysses en représentent près de la moitié. Le monde des abysses est donc, et de très loin, le biotope le plus vaste sur notre planète. C'est aussi l'un des plus méconnus.
LES ABYSSES
La conquête
L'exploration des grands fonds commence sérieusement avec l'expédition de la frégate britannique Challenger, entre 1872 et 1876.
À cette époque, personne n'imagine que la vie existe sous la mer au-delà d'une profondeur de quelques dizaines de mètres. Pourtant, les scientifiques rapportent dans leurs filets, plongés à 5500 m, une multitude d'espèces (poissons ou invertébrés) inconnues jusqu'alors ! En 1934, l'Américain William Beebe réalise les premières observations
directes à bord de sa bathysphère descendue par un câble à
908 mètres. Entre 1950 et 1952, les scientifiques danois embarqués à bord du navire Galathea capturent plus d'une centaine d'espèces vivant au-delà de 6000 m ! Ils réalisent même un chalutage dans la fosse des Mariannes à plus de 11000 m et remontent des invertébrés et des bactéries. Dès lors, tout le monde est convaincu que la vie existe au plus profond des mers.
Dans les années 1970, on découvre, entre 2 000 et 3 000 mètres sous la mer, des zones de peuplements extrêmement riches qui contrastent avec la pauvreté habituelle des abysses. Ces regroupements d'êtres vivants sont organisés autour des cheminées des sources hydrothermales (que l'on qualifie de fumeurs noirs, gris ou blancs selon
leur nature). Ces sources sont situées sur les rifts médio-océaniques au niveau desquels les
plaques de l'écorce terrestre s'écartent les unes des autres. Des centaines de nouvelles espèces ont été découvertes sur ces sites. Jusqu'à présent, une dizaine de kilomètres carrés seulement du monde des abysses a été explorée. Il en reste donc près de 300 millions à découvrir et il serait étonnant qu'ils ne réservent pas encore quelques surprises aux scientifiques.
Caractéristiques
GÉOGRAPHIQUES ET PHYSIQUES
Le monde des profondeurs commence avec la zone bathyale qui s'étend de - 200 à - 2000 mètres. À partir de - 200 mètres, seule la lumière bleue parvient à traverser
la couche d'eau et son intensité baisse régulièrement avec la profondeur. Vers - 300 mètres, elle est insuffisante pour permettre aux algues pratiquant la photosynthèse de survivre. Au-delà de - 1000 mètres, il n'y a plus du tout de lumière.
La pression augmente régulièrement avec la profondeur, à - 10000 mètres, elle atteint 1 tonne par centimètre carré (l'équivalent d'une voiture posée sur un ongle I). La température de l'eau chute également très rapidement. Elle se stabilise à 2°C en dessous de 2000 mètres.
ÉCOLOGIE DES ABYSSES
Contrairement à ce que l'on a longtemps pensé, les abysses ne constituent pas un monde désertique. La vie se développe dans ce monde extrême. Certes la biomasse demeure extrêmement faible, mais cela ne se fait nullement au détriment de la biodiversité. De plus, les espèces abyssales sont remarquables et souvent uniques par les adaptations qu'elles ont développées.
Généralités
Une nourriture rare
Dans les abysses, les ressources en nourriture sont assez faibles et ne permettent pas la survie de populations importantes. La biomasse benthique abyssale est ainsi comprise entre quelques grammes et quelques milligrammes de matière organique par mètre carré. Toutefois, dans certaines régions, au niveau des sources hydrothermales, celle-ci peut
«
sensibles
à la pression.
En dessous de 1 000 rn, on observe un
phénomène de bioluminescence chez
la grande majorité des espèces
vivantes.
Ces signaux lumineux très
spécifiques permettent aux individus de
sexe opposé de se retrouver pendant la
période de reproduction.
Ainsi, chez les
poissons-lanternes, chaque espèce (il
en existe plus de 200) présente sur ses
flancs une disposition particulière
d'organes lumineux.
La bioluminescence sert également
d'appât chez de nombreux prédateurs.
Certains poissons des abysses
possèdent des yeux très petits et sont
parfois même totalement aveugles.
Mais dans la plupart des cas, ces
poissons ont de grands yeux
parfaitement fonctionnels et même
très sensibles.
Cette adaptation permet
aux prédateurs de repérer la moindre
bioluminescence émise par une proie
et de pouvoir la capturer dès qu'elle
s'approche.
Les poissons des abysses ont également
un odorat et une sensibilité aux
vibrations très développés.
D'importantes adaptations
physiologiques sont liées à la rareté de
la nourriture.
La croissance des êtres
vivants des abysses est beaucoup plus
lente (10 fois environ) que dans
n'importe quel autre milieu.
De même,
les individus parviennent à maturité
sexuelle bien plus tôt pour économiser
l'énergie nécessaire à la croissance.
Enfin, les prédateurs sont souvent dotés
d'une gueule de taille imposante et
d'une dentition exceptionnelle pour
éviter que les rares proies leur
échappent.
POISSONS
DES GRANDS FONDS
Ces poissons ont souvent une allure
assez terrifiante, mais celle-ci n'est que
le reflet de leur adaptation à un milieu
extrême, où les conditions de vie sont
difficiles et la nourriture généralement
peu abondante.
POISSONS-VIPÈRES
Ces poissons, dont on connaît plusieurs
espèces ( Chau/iodus macouni ou
Chauliodus sloani, par exemple)
mesurent entre 10 et 30 cm.
Ils
appartiennent au sous-ordre des
Stomiatoïdes.
Leur colonne vertébrale
modifiée permet une large ouverture
de la bouche.
Comme nombre de
prédateurs des abysses, ils possèdent
une forte dentition.
Le long du corps, ils
portent plusieurs rangées de points
luminescents.
BAUDROIES
ABYSSALES
Ces baudroies (Linophryne polypogon,
Linophryne arduri, Linophryne lucifer,
Gigantactis vanhoeffeni ...
)
appartiennent au sous-ordre des
Cératoïdes.
Elles possèdent une
antenne terminée par une glande
contenant des bactéries lumineuses
servant d'appât pour capturer les
proies.
La glande elle-même comprend
un ensemble d'appendices destinés à
répartir la lumière.
!:antenne, appelée
illicium, est fixée au-dessus de la
bouche et sa longueur est variable
selon les espèces.
Elle peut être à peine
plus longue que le photophore ou au
contraire mesurer plus de 3 fois la
longueur du poisson
Ces poissons présentent également un
dimorphisme sexuel extrêmement
prononcé : le mâle est au moins dix fois
plus petit que la femelle.
Si la femelle
peut dépasser 1 rn de long et peser plus
de 7 kg, son compagnon ne mesure
que 15 mm (pour 15 mg) à 45 mm.
On
observe également une autre
particularité étonnante.
Le mâle vit en
véritable parasite et ne peut plus se
nourrir lui-même.
Fixé par la bouche
près de l'œil ou sur le ventre, il survit
en puisant ses ressources dans le
système circulatoire de la femelle.
GRANDGOUSIER
Ce poisson (Eurypharynx
pe/econoides), qui appartient à la
famille des Eurypharyngidés, est
caractérisé par une grosse tête (25 %
de la taille) et un corps très effilé.
Sa bouche peut s'ouvrir de manière
démesurée.
Associée à un estomac
extrêmement dilatable, elle lui permet
des proies de taille très importante
par rapport à la sienne.
Il chasse en
nageant la gueule ouverte et capture
ainsi une grande diversité de proies.
Il
vit dans les océans Atlantique, Pacifique
et Indien à une profondeur comprise
entre 1 500 et 2 800 m.
Sa taille varie
de 75 cm à 1,8 m.
Saccopharynx
/avenbergi, appartenant à la famille des
Saccopharyngidés (une dizaine
d'espèces connues), présente des
caractéristiques assez voisines.
POISSON5-LANTIRNES OU POISSONS-PÉCHEURS
Ces espèces (Melanocetus johnsoni,
par exemple) sont dotées d'une
antenne à l'extrémité de laquelle se
trouve un appât luminescent,
l'ensemble ressemblant à une canne à
pêche.
Cet appendice est destiné à
attirer les proies près de la gueule où
elles sont rapidement capturées.
Comme chez tous les Ceratoïdes, le
dimorphisme sexuel est important.
Les
mâles parasites deviennent de simples
sacs producteurs de spermatozoïdes.
Les femelles mesurent entre 3 à 20 cm
de long.
POISSONS-DRAGONS
On connaît plusieurs espèces
(ldiacanthus antrostomus, ldiacanthus
atlanticus, ldiacanthus fascia/a, Phycodurus
eques ...
).
Elles sont en
général caractérisées par leur couleur
5 cm seulement alors que la femelle
peut atteindre 40 cm.
Les mâles ne
possèdent ni dents, ni illicium et leur
tube digestif est atrophié.
Les poissons-dragons vivent entre 500 à
1 ooo rn de profondeur, dans
l'Atlantique nord, l'océan Pacifique et
l'océan Indien.
plusieurs espèces réparties en plusieurs
genres (Sternoptyx sp., Argyropelecus
sp.).
Ils sont de petite taille, entre 3 et
5 cm.
Leur corps est aplati, recouvert de
plaquettes aux reflets argentés qui
réfléchissent la lumière.
Son œil, bien
développé, présente la particularité de
posséder un cristallin jaune qui
concentre la lumière produite par les
autres animaux et qui filtre celle du
soleil lorsque le poisson remonte en
surface.
Les poissons-hachettes vivent
dans l'océan Atlantique nord, l'océan
Pacifique et l'océan Indien.
INVERTÉBRÉS DES GRANDS FONDS
Les abysses hébergent une très grande
variété d'Invertébrés : des crustacés
(crabes, galathées, crevettes ...
), des
vers, des échinodermes (holothuries,
étoiles de mer ..
), des mollusques
(bivalves ...
).
CRUSTACÉS Crabes
Cyanograea praedator est un
prédateur que l'on rencontre
fréquemment sur les parois des
cheminées formées par les sources hydrothermales.
Il se nourrit de
cadavres et très certainement de vers
de Pompéi (Alvine/la pompeiana).
Ces crustacés ressemblent un peu à des
homards ou des écrevisses plus ronds
que longs, mais ils n'ont que 4 paires
de pattes au lieu de 5, la cinquième
étant atrophiée ou repliée sur le dos.
Les ga/athées ont un abdomen réduit,
replié sous le corps.
Elles appartiennent
trouve en bord de littoral mais
également dans les abysses où elles
peuvent former des colonies
abondantes, en particulier à proximité
des fumeurs.
Crevettes
À l'âge adulte, Rimicaris exoculata n'a
plus les yeux classiques d'une crevette.
Par contre, elle possède sous la cuticule
de son dos une zone tapissée de blanc
sensible à la lumière et au
rayonnement infrarouge.
On suppose
que cet œil très particulier lui sert à
détecter les sources hydrothermales et
à rester dans leur voisinage immédiat
pour y trouver sa nourriture.
Elle
héberge également une population de
bactéries symbiotiques dans sa cavité
branchiale hypertrophiée.
Rimicaris
exoculata vit en banc important et est
l'espèce de crevette la plus représenté
a u niveau des sources hydrothermales.
Chorocaris fortunata est une autre
espèce de crevette présente dans ce
biotope.
Ces vers (de l'embranchement des
annélides el de la classe des
polychètes) sont caractérisés par la
présence de soies sur le corps.
On en
compte près de 10 ooo espèces dont la
plupart sont marines.
Le ver Alvine/la pompeiana (le ver de
Pompéi) vit sur les parois des
cheminées hydrothermales, en général
près de la sortie des liquides à haute
température.
Ils synthétisent un tube et
sont parfois considérés comme les plus
thermophiles des invertébrés.
Des
bactéries, avec lesquelles ils vivent en
symbiose, sont présentes dans leur
cuticule épidermique et contribuent à
leur alimentation.
Ces dernières libèrent,
dans le tube, des substances
organiques produites à partir
d'éléments minéraux.
Certains vers ne pratiquent pas la
symbiose bactérienne et se nourrissent
uniquement de matière organique.
Ainsi, Para/vine/la sulfinco/a se nourrit
de particules en suspension tandis que
Para/vine/la palmiformis préfère celles
déposées sur le fond.
Vestimentifères Ces vers (de l'embranchement des
annélides et de la classe des
pogonophores) vivent à proximité des
fumeurs, dissimulés dans un tube de
chitine qu'ils synthétisent eux-mêmes.
Totalement dépourvus de système
digestif, de bouche et d'anus, ils
survivent grâce à une symbiose parfaite
avec des bactéries chimiotrophes.
Ces
bactéries se développent dans une
sorte de sac, le trophosome.
Les
branchies du ver absorbent des
molécules énergétiques et ces dernières
parviennent aux bactéries grâce au
système sanguin.
En retour, les
bactéries libèrent des composés
organiques (par exemple des sucres),
assimilables par le ver.
Riftia pachyptila est un ver
vestimentifère très étudié qui peut
mesurer plus de deux mètres de long.
Il
vit habituellement entre 2 000 et
3 000 mètres de fond.
MOLLUSQUES BIVALVES
Calyptogena magnifica ressemble à
une grande palourde qui peut atteindre
jusqu'à 50 cm de diamètre.
Ce
gigantisme pourrait être associé à
l'abondance de nourriture.
Ne
possédant pas de tube digestif
fonctionnel, elle puise des éléments
minéraux (sulfures et oxygène) pour
des bactéries situées dans des cellules
de ses branchies.
Ces dernières les
convertissent ensuite en matières
organiques assimilables.
On la trouve
près des sources hydrothermales mais
également sur les zones sédimentaires
des fosses de subduction dégageant de
l'hydrogène sulfuré.
Bathymodiolus thermophi/us est une
espèce de moule qui se nourrit, comme
une moule commune, en filtrant l'eau
de mer mais également grâce à deux
espèces de bactéries symbiotiques.
Un
ver disposant d'une hémoglobine
extrêmement performante et logé dans
sa coquille, lui sert de réserve
d'oxygène.
Cette moule est présente sur
tous les sites hydrothermaux et les
scientifiques se demandent comment
une telle chose est possible puisque cet
animal ne se déplace pas !
LE NAUTILE : L'EXPLORATION DES
GRANDS FONDS
Lancé en 1984, le Nautile est le dernier
né des submersibles de l'lfremer
(Institut français de recherche et
d'exploration de la mer).
Capable de
plonger à des profondeurs allant
jusqu'à 6 000 mètres, il a effectué plus
de 1 500 plongées depuis sa mise en
service..
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