Eléphants et mammouths
Publié le 24/12/2018
Extrait du document
UNE HISTOIRE ANCIENNE
Tout le monde connaît les éléphants, de ceux d'Hannibal à Babar. En Afrique comme en Inde, ils font partie de la mythologie De nombreux pays leur doivent leur nom, comme la Côte-d'Ivoire et le Laos, ancien pays du « million d'éléphants ». Mais les
mammouths nous sont presque aussi familiers, grâce aux nombreux fossiles répandus dans tout l'hémisphère nord, et surtout à ceux qu'on retrouve congelés en Sibérie. Nos ancêtres les ont côtoyés, comme nous côtoyons les éléphants aujourd'hui.
Haut de quatre mètres, il avait des défenses recourbées sous le menton et se nourrissait d'arbrisseaux.
C'est à peu près à cette époque qu'apparaissent les mastodontes (ou mammutidés). Possédant une ou deux paires de défenses et des dents à tubercules, les mastodontes avaient le sommet du crâne plat et le dos horizontal. Mammut americanus, le mastodonte
de sorte qu'il n'y en a qu'une à chaque instant. Leur structure est caractéristique : la couronne, très haute, est formée de coquilles d'émail emplies de dentine et maintenues par un cément. L'émail s'use moins vite que le reste et forme des reliefs en surface. Chez les éléphants d'Afrique, ce sont des losanges, d'où le nom de
pince, alors que celle de l’éléphant d'Asie s'enroule autour des objets ; elle est cependant apte à des tâches plus complexes.
Un autre organe important est la glande temporale des mâles, ou glande à musth (mot hindi
ÉVOLUTION ET CLASSIFICATION
Éléphants et mammouths appartiennent à la famille des éléphantidés, de l'ordre des proboscidiens. Les proboscidiens sont apparus il y a 55 millions d'années et ont connu leur apogée entre 25 et 5 millions d'années. Ils doivent leur nom à leur trompe (du grec proboskis), formée par la fusion de la lèvre supérieure et du nez ; l'ouverture nasale est large, en forme de trou de serrure Deux ou quatre de leurs incisives sont modifiées en défenses, leurs glandes mammaires sont situées entre leurs pattes avant. La pointe de
leur cœur est bifide. Contrairement aux autres mammifères, ils grandissent toute leur vie. L'un des plus anciens proboscidiens est Moeritherium, disparu il y a 35 millions d'années : amphibie, sans trompe, il avait deux petites défenses à la mâchoire supérieure. Sa hauteur au garrot ne dépassait pas 70 cm. Le premier genre à posséder trompe et défenses est Phiomia, éteint il y a 30 millions d'années. Il avait 4 défenses, dont 2 en pelle à la mâchoire inférieure. Il atteignait 1,40 m au garrot.
Chez les espèces suivantes, les défenses se développent, le crâne raccourcit et augmente de volume, tandis que la trompe s'allonge pour saisir la nourriture.
Deinotherium, encore assez primitif, vivait il y a 25 millions d'années.
américain, mesurait trois mètres au garrot pour un poids de 4 à 5 tonnes. Son pelage était sans doute épais. Il disparut en même temps que le mammouth de Colomb, il y a 11000 ans.
Les éléphantidés sont apparus en Afrique il y a plus de six millions d'années, avec Primelephas et Stegotetrabelodon, qui possédaient quatre défenses. Ils se distinguent des autres proboscidiens par deux caractères essentiels : des défenses sans émail et des molaires à crêtes transversales. Tous ont un « doigt » supérieur au bout de la trompe. Il y a environ 5 millions d'années, ils se sont séparés en trois genres : Loxodonta, comprenant les éléphants d'Afrique, Elephas, comprenant les éléphants d'Asie, et Mammuthus, aujourd'hui éteint.
LES ÉLÉPHANTS
Squelette
Leur poids est réparti sur une solide colonne vertébrale et porté par quatre pattes en colonne qui réduisent l'énergie nécessaire pour se tenir debout. Le canal médullaire de leurs os longs ne contient pas de moelle comme les nôtres, mais un réseau osseux dense qui les renforce sans trop les alourdir. De même, ceux du crâne présentent de nombreuses alvéoles.
Dents
Les éléphantidés possèdent un système dentaire très original : ils ont seulement 2 incisives (ou défenses) à la mâchoire supérieure
et 6 molaires par demi-mâchoire. Ces molaires ne poussent pas en même temps mais successivement,
«
115
kg.
pour 1 ma u garrot.
Presque
aveugle, il est très vite capable de se
tenir debout.
li cherche la patte de sa
mère et la remonte jusqu'aux
mamelles.
À sa première tétée, il
absorbe le
colostrum riche
en anticorps qui
le protégera des
infections.
Le lait
d'éléphante contient peu de
matières grasses
(pas plus de
6%) et lui
assure une croissance record : entre 10
et 20 kilos par mois.
À partir de trois
mois, les éléphanteaux essaient de se
nourrir eux-mêmes.
Pour cela, ils
doivent consommer des crottes fraîches
de leurs congénères, afin de constituer
leur flore stomacale, et surtout,
apprendre à se servir de leur trompe.
Ce n'est qu'à six mois qu'ils sauront
l'utiliser pour boire.
Trois mois plus
tard, ils passent déjà 40 % de leur
temps à consommer des végétaux (les
adultes y consacrent 16 h par jour).
lis
sont sevrés à 4 ou 5 ans, à l'occasion
d'une nouvelle grossesse de leur mère.
Le rôle des jeunes femelles, entre 2 et
12 ans, est très important dans
l'éducation des nouveaux-nés : ces
« allomères » les suivent, les surveillent,
et globalement augmentent leurs
chances de survie.
ENNEMIS
Les éléphants adultes n'ont pas
d'ennemis, sinon l'homme, mais les
jeunes craignent les gros félins et les
crocodiles.
lis ont beaucoup de
parasites : 21 espèces de tiques, 30
espèces d'ascarides, des œstres, des
sangsues vivent à leurs dépens, ainsi
que le pou de l'éléphant
Haematomyzus e/ephanus, seul
représentant de sa famille.
lis sont aussi
victimes de maladies fort semblables
aux nôtres : artériosclérose, arthrite,
tuberculose, infections diverses, etc.
Él.tPHANTS D'AfRIQUE
lis ont de grandes oreilles, le dos
concave et le front plat.
Ce sont les plus
gros animaux terrestres existants, avec
une hauteur de 3 à 4 m et une
longueur de 7 à 8,80 m pour un poids
de 4 à 7 tonnes.
Leur trompe annelée
présente deux « doigts » et les deux
sexes ont de grandes défenses.
Ils
peuvent avoir jusqu'à 21 paires de
côtes.
lis se nourrissent surtout de
feuilles, d'écorces et de fruits.
li y a deux espèces : l'éléphant de
savane Loxodonta africana et
l'éléphant de forêt Loxodonto cydous.
Celui-ci est plus petit, avec seulement
3 m au garrot pour 4,5 tonnes, plus
velu, avec des oreilles plus petites, des
défenses plus droites et une peau plus
foncée.
Des tests ADN effectués en 2001
ont prouvé qu'il ne s'agissait pas d'une
simple sous-espèce.
Vivant dans un
milieu moins ouvert de forêts, de forêts-galeries
et de lisières de prairies,
cet éléphant forme des groupes
familiaux de taille plus réduite : 3 à 6
individus, contre une douzaine chez
son cousin de savane.
Il mange
proportionnellement plus de feuillages
et parfois des racines.
Él.tPHANTS D'AsiE
On les distingue aisément par leurs
petites oreilles,
leur dos convexe
ou droit et les
deux bosses de
leur front.
Ils sont
aussi plus petits,
avec une hauteur
de 2 à 3,50 m et
une longueur de
6,50 à 8 m pour
un poids de 3 à
5 tonnes.
Leur trompe lisse ne présente
qu'un " doigt » et les femelles n'ont
parfois pas de défenses.
Ils n'ont pas
plus de 20 paires de côtes.
Assez velus,
ils possèdent souvent des zones
dépigmentées sur la face, les oreilles et
le ventre.
Les albinos, rares, sont les
« éléphants blancs » vénérés dans de
nombreux pays.
Ils consomment
surtout de l'herbe.
Il existe deux espèces distinctes :
Elephas maximus, jadis répandu de
l'Irak à la Chine, avec ses sous-espèces
d'Inde, du Sri Lanka, de Malaisie et de
Sumatra, et l'éléphant pygmée de
Bornéo.
À l'issue de tests ADN, celui-ci
a été identifié en 2003 comme une
espèce distincte, isolée depuis 300 ooo
ans.
Il appartient au genre Elephas,
mais n'a pas encore de nom d'espèce.
Il
est plus petit, avec des oreilles un peu
plus grandes, une queue plus longue et
des défenses plus droites.
Environ 2 000
individus vivent dans le nord-est de
Bornéo.
PERSPECTIVES
Les éléphants d'Afrique ont échappé
deux fois à l'extinction :au début du XX"
siècle et dans les années ao, où l'on en
tuait entre 70 000 et lOO 000 par an.
lis
ont été sauvés par l'interdiction du
commerce de t'ivoire en 1989.
Malheureusement, commerce illégal et
braconnage se poursuivent, et il en
resterait moins de 500 ooo aujourd'hui.
Sans volonté politique forte, leur avenir
semble compromis.
La situation des éléphants d'Asie n'est
guère meilleure : l'expansion humaine
grignote leurs refuges et les conflits se
multiplient.
Chaque année des
centaines d'individus en font les frais de
part et d'autre.
En Inde, les éléphants
tueraient 300 personnes par an.
Autant
d'entre eux sont tués par des agriculteurs, des braconniers
ou dans
des accidents de la route.
Les éléphants
d'Asie ne seraient donc plus qu'entre
28 000 et 35 000 en liberté, répartis par
petits groupes sur un immense
territoire morcelé.
À terme, seuls ceux
qui sont domestiqués risquent de
subsister.
IBJM,i%\[,jjjjjtJ Leur évolution, comme celle des
éléphants, s'accompagne d'une
augmentation du nombre de crêtes des
molaires.
Le plus ancien mammouth
connu, Mammuthus subp/anifrons,
PREMIERS MAMMOUTHS
Apparu en Afrique il y a 5 millions
d'années, Mommuthus subplanifrons
s'est répandu en Eurasie il y a environ
3 millions d'années.
Son successeur, le « mammouth
ancien », Mommuthus meridionolis, est
l'ancêtre de tous les autres.
C'est aussi
le premier à posséder le crâne en dôme
et les défenses en spirale typiques du
genre.
Il mesurait 4 m au garrot pour
un poids de 10 tonnes et vivait dans les
forêts ouvertes de l'Eurasie, dont le
climat était alors plus chaud que celui
d'aujourd'hui.
Apparu il y a 2,6 millions
d'années, il atteignit l'Amérique grâce
à la fermeture du détroit de Béring.
il y a environ 1,5 million d'années.
Il y a un million d'années, un
changement climatique permit
l'essor du mammouth des steppes
Mammuthus trogontherii.
Apparu en
Sibérie, celui-ci était très grand fjusqu'à
4,30 m).
Il se répandit en Europe, d'où
il disparut à son tour il y a 150000 ans,
supplanté par le mammouth laineux.
LES MAMMOUTHS AMtRICAINS
Ils descendent du mammouth ancien.
Le mammouth de Colomb
(Mommuthus columbl), lui ressemblait
beaucoup.
li était répandu dans toute
l'Amérique du Nord, jusqu'au Mexique.
Il pouvait peut-être vivre 80 ans.
Un
groupe de mammouths de Colomb
isolés voici 30 ooo ans dans les îles de
Californie évolua pour former une
espèce distincte, Mommuthus exilis, de
taille réduite : hauteur de 1,20 à 1,80 m,
poids d'environ une tonne.
lis disparurent, comme les autres
proboscidiens américains, entre 12 000
et Il ooo ans.
À cette époque, la forêt
ouverte du Pléistocène était remplacée,
soit par une forêt dense, soit par la
grande prairie, soit par des zones
arides, milieux plus propices à d'autres
herbivores.
Cette évolution coïncide
avec une importante expansion
humaine, en particulier celle de la
culture dite de Clovis, qui aurait pu
jouer un rôle dans leur disparition.
LE MAMMOUTH LAINEUX
Dernier apparu, il y a 600 000 ans dans
l'est de la Sibérie, il s'est répandu en Europe
entre 190000 et 150000 ans,
jusqu'en Angleterre et au Portugal, ainsi
que dans le nord de l'Amérique à partir
de 130000 ans.
Anatomiquement
proche des éléphants d'Asie, il était
génétiquement plus proche des
éléphants d'Afrique.
C'était le mammouth adapté au climat
le plus froid : les oreilles étaient petites
(un cinquième de celles de l'éléphant
d'Asie), la queue courte, avec
seulement 21 vertèbres, contre 28 à 33
pour les éléphants.
Le clapet anal
couvrait entièrement l'anus.
La peau
comportait une couche de graisse de
10 cm et trois types de poils : une
bourre duveteuse de 5-6 cm, des crins
de 15-30 cm et des jarres creux
atteignant 90 cm.
Six fois plus épais que
les poils humains, ceux-ci formaient
sous le menton et le long des flancs une
frange un peu comparable à celle des
bœufs musqués.
Avec le crâne bombé, la bosse au
garrot et le dos fuyan� cette frange
donnait au mammouth laineux une
silhouette caradéristique, bien
observée par l'homme préhistorique
(par exemple en Dordogne, dans les
grottes de Rouffignac).
Bien qu'il grandît toute sa vie comme
les éléphants, ce n'était pas le
mammouth le plus grand : seulement
trois mètres au garrot et cinq tonnes
pour les mâles (maximum connu de
3,65 m), 2,70 met 3 tonnes pour les
femelles.
Les petits ne devaient pas
dépasser 70 cm et 70 kg à la naissance.
Les défenses il double courbure
étaient propor
tionnellement
très grandes,
avec une
longueur moyenne de
2,50 m.
Chez les
mâles, les plus
grandes
atteignaient 4 m,
avec un diamètre de 20 cm à la base.
Celles des femelles étaient plus fines,
n'excédant pas 9 cm de diamètre.
Ils vivaient dans un milieu spécifique, la
« steppe à mammouths », un peu
comparable à une steppe africaine,
mais glacée.
En dépit du sous-sol gelé
(permafrost), il y poussait une
végétation variée, constituée surtout de
graminées et d'arbustes.
Des arbres
subsistaient localement, en Europe
occidentale et le long des cours d'eau.
Les mammouths consommaient IBO kg
de végétaux par jour, dont 90 %d e
graminées, mais aussi des carex, des
bourgeons, des feuilles, même des
mousses et quelques écorces : au total
une centaine d'espèces différentes,
accompagnées de 80 litres d'eau.
Ce milieu était aussi fréquenté par le
rhinocéros laineux, le bœuf musqué,
le renne, ainsi que le lion des cavernes,
le loup, le renard, etc.
Le comportement des mammouths
est extrapolé à partir de celui des
éléphants : ils devaient vivre en groupes
familiaux, voire en troupeaux, et effectuaient
peut-être des migrations
saisonnières en fonction de la
végétation.
LE MAMMOUTH ET L'HOMME
La " civilisation du mammouth »
s'épanouit en Europe orientale entre
28 000 et 22 000 ans.
Elle nous a laissé
environ 70 grandes huttes à base
d'ossements de mam mouths et
de
nombreux objets : ou tils, sculptures,
etc.
Le premier boomerang.
découvert
en Pologne, est une lame d'ivoire de
70 cm.
Ces hommes chassaient-ils le
mammouth ou se contentaient-ils de
ramasser ses restes? La question n'est
pas absolument tranchée : vivant en
groupe, avec un cuir et un pelage épais,
le mammouth devait être une proie
malaisée -quand le renne, abondan�
était bien plus facile à tuer.
Et le piéger
dans des fosses aurait nécessité de
creuser le sol gelé.
Il s'agissait donc tout
au plus d'une chasse épisodique, peut
être de jeunes mâles isolés ou
d'individus affaiblis.
Mais si un
mammouth mourait à proximité, il était
certainement exploité.
Dans ce milieu
sans arbres, il représentait une source
de matières premières appréciable :
viande, graisse, peau, tendons, boyaux,
os et ivoire surtout, plus solide que l'os
de renne et presque inaltérable.
LA FIN DES MAMMOUTHS
Les mammouths congelés découverts
en Sibérie remontent à deux périodes :
avant 30 000 ans et entre 13 000 et
10000 ans.
Dans l'intervalle, il n'y avait
pas assez d'eau liquide pour recouvrir
les cadavres, et l'on ne trouve donc que
des os nettoyés par les charognards et
les intempéries.
C'était le moment de la
dernière glaciation (celle du Würm)
dont le maximum date de 21 000 ans.
Le réchauffement subséquent
s'accompagne d'une profonde
modification du clima t : de froid et sec,
il devient tempéré et humide.
La steppe
à mammouths est remplacée au sud
par des forêts et, dans le nord par la
toundra, à la végétation pauvre, surtout
constituée de mousses et de lichens.
Commence alors la lente extinction des
mammouths : ils disparaissent de Chine
il y a 20000 ans, d'Angleterre il y a
12 000 ans et du reste de l'Europe deux
millénaires plus tard.
Les dernières
populations se maintiennent sur Ille de
Wrangel, au nord-est de la Sibérie,
entre 7 000 et 4 000 ans.
Aujourd'hui
encore, cette île possède une végétation
plus variée que celle du continent.
Dans
ce milieu aux ressources limitées, les
mammouths connaissent la même
évolution que dans les iles de
Californie.
Leur stature et leur poids
diminuent : 2 m au garrot pour
seulement 2 tonnes.
li n'est pas exclu que l'homme leur ait
donné le coup de grâce : des
populations isolées, réduites, un peu
comme celles des éléphants d'Asie
aujourd'hui, sont victimes de la
consanguinité et toujours menacées
d'extinction..
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