Animaux dressés, animaux savants
Publié le 06/01/2019
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ANIMAUX EN APPRENTISSAGE
Debout, donne la patte, va chercher la balle... Les hommes ordonnent et
Médor le fait ! Si notre chien nous
obéit, c'est qu'il est capable d’appréhender un message, de l'intégrer et de trouver la réponse la plus appropriée. Mais comment arrive-t-il à nous « comprendre » ? Comment les hommes parviennent-ils à dresser les animaux, à leur faire accomplir des exercices complexes ?
DES ANIMAUX ET DES HOMMES
Depuis que l'espèce humaine est sur la Terre, elle a rencontré de nombreux êtres vivants. Parmi eux : les animaux. Pendant des lustres, ils ne furent considérés que comme des garde-mangers ambulants et/ou de dangereux adversaires mais
rapidement, de nouveaux rapports hommes/animaux s'instaurèrent Les scientifiques estiment que la
domestication du loup remonterait à près de 15000 ans. C'est à cette époque, en Asie orientale, que des hommes ont commencé à vivre et à élever ceux qui sont devenus nos chiens. Avec le développement de l'agriculture, d'autres animaux furent dressés pour faciliter le travail de la terre Bœufs,
chevaux, yacks tiraient les charrues, servaient de moyen de transport... Êtres utiles, les animaux devinrent également objets de divertissement. Dans les cirques romains, ours et éléphants se tenaient sur deux pattes ou se battaient violemment entre eux. Ces « animaux savants » et leurs dresseurs ont traversé les siècles, amusant la haute société lors des banquets ou le peuple dans la rue. Dans de nombreux pays, la tradition du dressage animal se perpétua et
se diversifia : sans cesse de nouveaux animaux, de nouveaux tours.
Au xvnie siècle, les chevaux firent leur apparition dans les cirques à piste circulaire. Plus tard, des dompteurs faisaient frissonner la foule en plaçant leur tête dans la gueule de fauves Pas de cirque, sans
numéro d'animaux savants !
Ces spectacles étaient alors souvent violents et cruels pour les animaux. Ce ne fut qu'au début du XXe siècle qu'une réflexion sur les méthodes et les conséquences du dressage débuta. En 1900, Pierre Hachet-Souplet créa un Institut International de Psychologie Zoologique pour étudier les réactions animales face au domptage. Plusieurs éthologues et autres spécialistes du comportement animal tentèrent de proposer un dressage plus respectueux reposant sur des données biologiques et psychologiques.
Ce fut également à cette période que les scientifiques commencèrent à s'intéresser à l'apprentissage animal. Le célèbre chercheur Ivan Pavlov
est connu pour ses travaux de
conditionnement du chien. L'animal, attaché, salive lorsqu'on lui présente un morceau de viande et ne salive pas lorsqu'on
enclenche un métronome. Puis, le
chercheur lui donne à manger tout en enclenchant le son. Au bout de
quelques temps, le chien réagit au son du métronome seul. L'animal a associé les deux événements à l'obtention de nourriture. Par la
suite, d'autres scientifiques étudièrent la manière dont les
animaux apprennent pour comprendre leurs comportements mais aussi pour tenter d'approfondir les connaissances sur l'apprentissage humain. Ainsi, rat, chien, singe mais aussi ver de terre investirent les
laboratoires !
Aujourd'hui, les « animaux savants » amusent toujours autant les hommes. Ils sont même de plus en plus présents dans les films ou les publicités.
Le dressage animal est donc une longue histoire. À des fins pratiques,
divertissantes ou scientifiques, les hommes ont toujours voulu affirmer leur supériorité sur les « bêtes ».
POUR UN DRESSAGE EFFICACE
Mais comment un dresseur parvient-il à se faire obéir des animaux ? Il n'y a pas de recette unique. Les techniques les plus anciennes sont malheureusement les plus cruelles. C’est en contraignant les animaux à l'aide de fouets et autres martinets que les premiers dompteurs parvenaient à leurs fins. Aujourd'hui, le travail de dressage s'appuie plus sur une relation harmonieuse entre l'homme et
«
Levier
----...
Distributeur
de nourriture Boîte
de Skinner -------- ---- ,-- ������������ --,��� ���
Rat l'apprentissage
les animaux instables,
peureux, agressifs ou mous ...
QUELQUES HISTOIRES
DE DRESSAGE
DES YEUX À QUATRE PATTES !
C'est en 1929 qu'a été ouverte la
première école de chiens guides pour
aveugles.
Faire traverser la rue, suivre
un itinéraire, trouver une boite aux
lettres ...
Les actions réalisées par ces couleurs
et cinq formes, et de compter
jusqu'à six ! ça vous semble déjà
incroyable? Et bien ce n'est rien ! Alex a
aussi appréhendé des concepts
abstraits tel que « sem blable » ou
«différent».
Ainsi, il peut dire combien
d'objets bleus et en bois sont sur la
table devant lui.
Dernièrement, Alex a encore fait parler
de lui.
le mot « rien » lui avait été
appris pour parler d'une absence
d'information.
Début 2005, en pleine
crise de colère, Alex a utilisé ce mot en
tant que chiffre, pour désigner une
quantité nulle! Cela démontre que ce
perroquet a compris la notion de zéro !
Alex semble aussi intelligent qu'un
enfant de quatre ans.
1-------------...,.-------------r------------__, chiens sont une aide précieuse pour Irène
Pepperberg est la chercheuse en
psychologie du laboratoire de
recherche biomédicale de l'université
Brandeis du Massachusetts responsable
des exploits d'Alex.
Depuis 1977, elle
utilise une forme de dressage appelé
aucun intérêt pour la pédale.
Puis, il va
l'actionner par hasard, déclenchant le
mécanisme de distribution des
croquettes.
Très vite, il va comprendre
que le fait d'appuyer sur la pédale est
une bonne chose car elle lui permet
d'assouvir sa gourmandise.
La
fréquence d'appui augmente alors très
fortement.
C'est un renforcement positif
d'un geste.
• le détour.
Cet apprentissage désigne
la capacité d'un animal de s'éloigner
temporairement d'un objectif (comme
de la nourriture) pour pouvoir
l'atteindre.
Par exemple, un chien devra
faire le tour d'une vitre derrière laquelle
est placée une gamelle.
Le détour est
une forme d'apprentissage complexe.
En effet, il suppose la mise en mémoire
d'un espace et une prévision de
déplacement.
L'animal doit se
construire une« carte cognitive » de
l'environnement (une simulation de
l'espace dans son cerveau) pour
parvenir à son but.
• la réversion.
Dans ce cas, un premier
apprentissage est effectué puis le
dresseur demande à l'animal de
modifier à nouveau ce comportement
acquis.
Par exemple, un animal va être
conditionné pour choisir le côté droit
d'un labyrinthe en forme de T: c'est la
tâche directe.
Puis, la consigne est
inversée, il doit tourner à gauche :c'est
la tâche de réversion.
Certains animaux
auront besoin de peu d'essais avant de
comprendre la nouvelle règle.
Cette
forme d'apprentissage est encore plus
évoluée que celle du détour.
Elle
implique que l'animal ait compris le
« principe » de l'apprentissage.
Bien évidemment, il existe également
un apprentissage latent.
Un animal
placé dans un environnement inconnu
va apprendre seul comment s'y repérer
et y vivre.
Apprendre un tour à un animal
implique de comprendre ses aptitudes
naturelles pour les détourner.
La recette
d'un dressage efficace est donc un
apprenant doté d'intelligence, d'une
motivation, d'un objectif et d'une
technique adaptée d'apprentissage.
On
peut alors obtenir une modification
durable et systématique d'un
comportement.
À CHACUN SES CAPACITÉS !
Quasiment toutes les espèces animales
sont capables d'apprentissage.
Parmi effet,
pour apprendre, un animal va
activer ou créer des connexions
nerveuses : il doit appréhender
l'information extérieure (un stimulus
sonore, odorant, lumineux ...
) et
stocker dans sa mémoire l'association
stimulus-réponse.
Ainsi, les différences des modes de
perception de l'environnement vont
influencer l'apprentissage.
Impossible d'apprendre à un taureau à
distinguer une cnpe rouge d'une bleue
car il ne voit le monde qu'en noir et
blanc ! les exercices à effectuer doivent
correspondre aux aptitudes sensorielles
de l'animal.
Une fois le signal perçu, l'apprenant
doit être capable de mémoriser et de
traiter l'information.
Pour cela, plus les
capacités cérébrales seront
importantes, plus l'animal sera efficace
pour réaliser des travaux complexes.
Attention ! Ce n'est pas une question de
volume mais de constitution du
cerveau.
Sur l'arbre généalogique du
règne animal, on peut suivre l'évolution
du système nerveux : de seulement
quelques cellules nerveuses chez la
méduse à un complexe système de
connexions chez les grands singes.
Au
cours de l'évolution, deux groupes se
sont distingués : les animaux à système
nerveux dorsal (les vertébrés) et ceux à
système nerveux ventral (telles
insectes).
les animaux les plus « simples » sont
capables des tâches d'apprentissage les
moins évoluées telle que l'alternance et
l'habituation.
Les conditionnements
classique et opérant sont possibles à
partir du ver de terre.
En progressant
dans l'arbre du monde animal, on s'aperçoit
que les animaux des deux
types de position du système nerveux
ont amélioré leurs capacités de
conditionnement.
Les insectes ont de
grandes aptitudes ; par exemple, des
abeilles ont été éduquées à se poser
uniquement sur les objets ayant une
odeur particulière.
Ces animaux ont
ainsi pu servir à détecter des produits
explosifs !
En revanche, l'apprentissage de détour
est réservé aux vertébrés.
À une
exception près : les céphalopodes.
la
pieuvre possède des organes sensoriels
particulièrement développés ainsi que
d'importantes capacités de mémoire ;
les chercheurs se sont aperçu qu'elle
est capable d'apprentissage complexe :
par exemple, ouvrir un bocal fermé
dans lequel se trouve un crabe vivant.
Enfin, la tâche de réversion a été
observée uniquement chez les
vertébrés à sang chaud.
Au cours de l'évolution, les modes
d'apprentissage complexes tels que le
conditionnement n'ont pas remplacé
les apprentissages plus simples mais les
ont complétés.
Tout dresseur doit connaître les
capacités de son animal pour adapter
les exercices et les modes
d'apprentissage.
Par exemple, pour des
mygales, l'habituation est une méthode
appropriée pour « enseigner » à ces
arachnides à ne pas attaquer l'être
humain.
À force de manipulations, les
myg ales finissent par comprendre
qu'une main n'est pas forcément un
danger.
En revanche, les singes seront
entraînés à des exercices plus
complexes grâce à leurs capacités
d'imitation, de communication et
même d'abstraction.
la complexité
atteinte lors des numéros avec des
animaux est donc proportionnelle aux
aptitudes de l'animal.
De plus, les associations stimulus
réponse doivent être au plus proche de
la logique de l'animal.
Certaines
associations sont plus aisées que
d'autres.
Le pigeon peut par exemple
apprendre à associer des sons avec un
danger et des couleurs avec de la
nourriture.
Et pas l'inverse! En effet, le
pigeon se souvient plus de la couleur
d'une graine que du son qu'elle
produirait.
Il se pose également la question du
caractère ! Au sein d'une même espèce,
les individus ne réagissent pas tous de
la même manière à un stimulus.
Les
dresseurs écartent donc de leur
propriétaire.
Il faut six mois
d'études intensives pour devenir les
yeux de son maitre.
La première phase
est l'initiation :il s'agit d'évaluer les
capacités naturelles du chien,
d'accentuer sa concentration (ne pas
renifler son congénère !), d'avoir une
marche régulière ou encore de
répondre aux ordres directionnels.
Puis,
les éducateurs effectuent un
conditionnement durant lequel l'animal
apprend à éviter les obstacles et
s'habitue au travail en harnais.
Enfin,
les acquis sont vérifiés par l'éducateur
en plaçant le chien dans des situations
complexes, à choix.
C'est la
responsabilisation.
Par exemple, il faut
voir si l'animal est capable d'une
désobéissance intelligente pour
éloigner son maitre d'un danger.
Ces chiens sont sélectionnés depuis
leur naissance pour leur qualité de
sociabilité et d'obéissance.
Certaines
races sont particulièrement efficaces
pour ce travail : les labradors et les
goldens retrievers.
Depuis une vingtaine d'années, les
exemples de chiens d'assistance se
multiplient : chiens pour hnndicnpés
visuels ou moteurs, chiens d'avalanches
ou encore de sauvetage en mer ou
encore plus récemment chiens
thérapeutes, pour accompagner des
personnes malades !
UN PERROQUET ÉTONNANT
Il s'appelle Alex, c'est un gris du
Gabon, il a 28 ans et il ne cesse de faire
tomber les a priori en matière
d'intelligence animale.
En effet, ce
perroquet est capable de reconnaître et
d'épeler les noms de cinquante objets
différents comme« banane»,
« camion » ou « clé », de distinguer sept «
modèle-rival ».
Cette méthode
implique deux personnes : le dresseur
qui pose les questions et un autre
humain qui joue le rôle d'un
concurrent.
Alex observe les
interactions entre son instructeur et
l'autre personne.
Lorsqu'une question
est posée, le perroquet est en
compétition pour donner en premier la
bonne réponse.
Doté d'un véritable langage et de
capacités d'abstraction, le perroquet a
peut-être un cerveau de la taille d'une
noisette mais il semble aussi intelligent
qu'un dauphin ou un grand singe ! Et il
n'a certainement pas fini de nous
surprendre !
DES RATS TÉUGUIDÉS
En matière de dressage animal, les
recherches viennent de franchir un
nouveau cap avec le « robot-rat » !
Début 2005, des cherc
heurs
de
l'université de New York sont parvenus
à commander des rats par des ondes
radio, grâce à des électrodes
implantées dans leur cerveau.
Chaque animal porte un sac à dos
contenant un microprocesseur,
véritable système de stimulation
commandé à distance.
Les électrodes
envoient des signaux électriques à
différentes région du cerveau, signaux
que le rat interprète comme des
« ordres » ou encore comme une
récompense.
Ainsi, en stimulant
directement certaines parties du
cerveau, on peut diriger l'animal vers la
droite, lui faire monter un escalier puis
lui offrir une friandise virtuelle
récompensant son travail.
Plus
précisément, pour faire tourner ces rats
bioniques, les chercheurs leur ont
envoyé des stimuli électriques
simulant un obstacle détecté par les
moustaches ! Pour tourner à gauche,
une illusion de contact est ressentie par
les moustaches de dro ite.
Quel usage
pour ces rats bioniques? Ils pourraient
devenir des démineurs ou détecteurs
intelligents, car ils ont un avantage par
rapport aux robots classiques : un
véritable nez ultra-sensible !
La relation homme-dresseur/animal
apprenant n'a pas fini son histoire.
les
capacités d'apprentiss age de nos amis à
plumes, à écailles ou à poils nous
fascinent depuis toujours.
Mais, elles
nous posent surtout la délicate question
de notre regard, de notre relation aux
(pas si) bêtes..
»
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