sociolinguistique.
Publié le 09/12/2013
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sociolinguistique. n.f., approche spécifique des faits de langage, consistant à les décrire dans leurs relations avec les phénomènes sociaux au sein desquels ils se manifestent. Alors que les autres disciplines linguistiques se distinguent entre elles par l'objet spécifique qu'elles se donnent parmi les phénomènes linguistiques - le lexique pour la lexicologie, la phrase pour la syntaxe, etc. -, la sociolinguistique s'intéresse à tous les aspects du langage : la réalisation spécifique d'une liaison (absente de façon insolite ou, inversement, marquée devant une consonne : le fait s'observe couramment) ; l'emploi de lexiques spécifiques par tel groupe social (le verlan, le javanais, etc.) ; l'usage de formes ou de constructions réputées « fautives » par la grammaire normative ou « inacceptables » par la grammaire formelle, etc. Elle peut également donner l'impression de s'éloigner des phénomènes linguistiques dans leur spécificité quand elle s'intéresse au statut des langues régionales en France, aux conflits linguistiques en Belgique ou dans l'ancienne Yougoslavie, aux phénomènes de bilinguisme et de diglossie au Luxembourg ou dans tel État africain. Il peut même arriver - situation exceptionnelle pour un linguiste - que le sociolinguiste soit appelé à donner des conseils au pouvoir politique en matière de planification linguistique. La sociolinguistique, ancienne ou récente ? Le nom de sociolinguistique est récent : il ne semble pas attesté avant 1968. Pourtant, certains des problèmes envisagés par la sociolinguistique ont été posés, par les linguistes, bien avant cette époque. Si Ferdinand de Saussure insiste fortement sur le caractère « systématique » de la langue, il n'en pose pas moins son aspect social, allant jusqu'à attribuer l'évolution des langues moins au temps qu'à « l'effet des forces sociales agissant sur la langue ». Dès le début du siècle, Antoine Meillet mit au centre de sa recherche « les causes sociales des faits linguistiques », et Marcel Cohen publia en 1954 un ouvrage intitulé Pour une sociologie du langage. Inversement, de nombreux linguistes ont, dans des directions diverses, insisté sur l'effet des structures linguistiques sur les univers culturels des locuteurs et, par là même, sur leurs comportements sociaux. Comment s'étonner de cet intérêt quand on réfléchit au fait que le langage est fondamentalement une institution sociale ? Spécificité de la sociolinguistique : l'exemple de la grammaire. Comment s'opère, dans le concret, le partage des intérêts entre le grammairien et le sociolinguiste devant la même catégorie de faits de langue ? À vrai dire, ils s'opposeront sur tous les points. Ainsi sur les énoncés utilisés à titre d'exemples : le grammairien, sous l'effet d'une vieille tradition, privilégiera les sources littéraires, sans s'interdire d'inventer luimême ses propres exemples, alors que le sociolinguiste travaillera uniquement sur des énoncés effectivement observés de la part de sujets parlants réels, dans des conditions spécifiées. Ils s'opposent également sur la norme : sous une forme ou une autre, elle sera toujours présente dans le raisonnement du grammairien, même le moins puriste. Le sociolinguiste, quant à lui, retiendra comme également pertinents tous les énoncés, même « fautifs » : car il y a aussi - c'est même le titre, dès 1929, d'un ouvrage d'Henri Frei - une Grammaire des fautes... Enfin, en ce qui concerne l'énonciation, le grammairien pourra, certes, la prendre en compte, mais sous les espèces d'un sujet désincarné, volontairement séparé du contexte social dans lequel il est engagé. Le sociolinguiste cherchera à décrire les conditions réelles d'énonciation et de communication. La sociolinguistique, linguistique de demain ? La futurologie est ici particulièrement périlleuse. On peut cependant entrevoir comme probables un développement et une spécialisation de la sociolinguistique, qui ne devraient pas faire disparaître les études plus formelles de la linguistique. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats argot diglossie grammaire langue lexicologie Meillet Antoine