Située à la jonction des Balkans et du Moyen-Orient, entre chrétienté et isl?m, la Turquie contrôle les détroits, de grande importance stratégique, donnant accès à la mer Noire. Enraciné en Asie occidentale, terre de brillante civilisation, depuis le XIe siècle, le peuple turc a fondé l'Empire ottoman, qui connut son apogée du XV e au XVII e siècle. Mais la rivalité avec les puissances européennes entraîna son démembrement en 1918. La République turque, nationaliste et laïque, passée dans le camp de l'OTAN en 1952, déstabilisée par ses difficultés économiques et ses minorités, se tourne vers l'Union européenne. La Turquie, en turc Türkiye Cumhuriyeti, est une République qui appartient à la fois à l'Asie occidentale et à l'Europe orientale. Elle est bordée au nord-ouest par la Bulgarie et la Grèce et, à l'ouest, par la mer Égée ; au sud, par la Méditerranée et la Syrie ; au sudest, par l'Irak ; à l'est, par l'Iran et l'Arménie ; au nord-est, par la Géorgie et, au nord, par la mer Noire. Selon la Constitution de 1982, amendée en 1995, le pouvoir législatif appartient à une Assemblée nationale de 450 membres, élus pour cinq ans au suffrage universel direct. Le pouvoir exécutif appartient au président de la République, qui est élu pour sept ans par l'Assemblée, et au Premier ministre. Le président peut dissoudre l'Assemblée en cas d'urgence. Les libertés publiques sont contrôlées. Un article de la Constitution de 1982 avait prévu que le premier président de la République serait le président du Conseil national de sécurité. Depuis 1989, le poste est occupé par un civil. Il existe plusieurs partis politiques. Géographie Les conditions naturelles. De ses territoires européens, la Turquie, qui a dominé les Balkans pendant plusieurs siècles, ne conserve plus, depuis 1913, que la Thrace orientale, formée par un bassin qu'encadrent la chaîne de l'Istranca au nord et des collines au sud. Cette région de 24 000 km 2 (3 % du territoire) présente un intérêt stratégique majeur, car elle permet le contrôle des détroits du Bosphore et des Dardanelles qui donnent accès à la mer Noire. Le reste du territoire turc se trouve en Asie : c'est l'Anatolie, plateau massif bordé de chaînes montagneuses élevées, d'orientation prédominante est-ouest. Le long des côtes de la mer Noire, les chaînes Pontiques, dont l'altitude s'élève d'ouest en est (près de 4 000 m à l'est), surplombent par des falaises une côte dépourvue d'abris portuaires. Au sud, les chaînes du Taurus (3 085 m à l'ouest ; 3 734 m à l'est, à l'AladagU) dominent, le long de la côte méditerranéenne, quelques plaines littorales, celles d'Adana et d'Antalya étant les plus fertiles. À l'ouest, le long de la mer Égée, la disposition des reliefs, plus découpés, permet la pénétration plus facile des voies de communication et des influences méditerranéennes. Le plateau intérieur de l'Anatolie, d'une altitude moyenne supérieure à 1 000 m, est creusé par des dépressions endoréiques, comme le vaste Tuz Gölü (lac Salé) de 1 300 km 2, et porte des formations volcaniques élevées (Erciyas, 3 916 m). Il est bordé à l'est par les chaînes parallèles de l'Anti-Taurus et du Taurus oriental, qui rejoignent, dans l'extrême est, les chaînes Pontiques. Cette zone montagneuse en partie volcanique, la plus élevée du pays, culmine au mont Ararat, à 5 165 m d'altitude. Les conditions climatiques sont très contrastées, opposant l'Anatolie intérieure aux chaînes périphériques et aux régions côtières. Le climat des côtes égéenne et méditerranéenne est de type méditerranéen chaud, avec une sécheresse estivale très marquée. Il est favorable aux cultures fruitières et, grâce à l'irrigation, permet des cultures tropicales comme celle du coton. Les côtes de la mer Noire bénéficient de températures douces et de pluies réparties sur l'année, de plus en plus abondantes vers l'est (plus de 2 000 mm à Rize), ces atouts permettant des cultures comme celle du thé. Le plateau anatolien, en revanche, est soumis à un climat de type continental sec, avec des précipitations annuelles de 250 à 500 mm, des températures froides en hiver et chaudes en été (Ankara : - 1 o C en janvier ; + 23 o C en juillet). Dans les hautes montagnes de l'est, les conditions climatiques sont encore plus rigoureuses, avec, par exemple, une moyenne de - 13 o C à Kars en janvier. Les cours d'eau sont, en général, peu abondants avec des régimes irréguliers. Seuls deux grands fleuves naissent en Turquie, le Tigre et l'Euphrate, qui ont leur source dans l'est du pays. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Anatolie Ararat (mont) Bosphore Dardanelles (les) Égée (mer) Euphrate Marmara (mer de) Taurus Tigre Les livres lac - le Tuz Gölü, page 2771, volume 5 Turquie - la chaîne du Taurus, page 5316, volume 10 Turquie - colonnes sculptées par l'érosion près de Göreme, en Cappadoce, page 5317, volume 10 Les aspects humains. La population est majoritairement turque. Depuis les massacres et les déportations de 1915, les Arméniens ont presque disparu. Quant à la minorité grecque, très réduite depuis les échanges de populations provoqués par le traité de Lausanne (1923), elle ne compte plus guère que 25 000 représentants, installés pour la plupart à Istanbul. Les Kurdes, en revanche, sont plusieurs millions (de 10 à 20 % de la population, selon les estimations), présents surtout dans le sud-est du pays. Leurs revendications culturelles et politiques sont une source d'affrontements avec l'État turc, affrontements qui n'ont le plus souvent trouvé d'autre issue que violente. L'unité religieuse du pays est très forte, avec environ 80 % de musulmans sunnites. Cependant, depuis la révolution kémaliste, l'État est demeuré laïc. Avec un taux d'accroissement naturel encore proche de 2 % par an, la Turquie est soumise à une pression démographique forte qui nourrit l'expansion urbaine et l'émigration. Le taux d'urbanisation a en effet dépassé 65 %, Istanbul restant la première ville du pays, loin devant Ankara et Izmir. Quant à l'émigration, dirigée surtout vers l'Allemagne, elle concerne plus d'un million de personnes. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Ankara Arménie Arménie - Génocide et diaspora Istanbul Istanbul - Géographie Izmir Kurdes Lausanne Les livres Turquie - Van, dans le Kurdistan, page 5318, volume 10 Turquie - Ankara : la vieille ville, page 5318, volume 10 Turquie - vue générale d'Izmir, page 5318, volume 10 La vie économique. La Turquie est un des grands pays agricoles du bassin méditerranéen, mais la productivité du secteur demeure faible. L'agriculture occupe encore près de la moitié des actifs, sur une surface agricole utile représentant à peine plus d'un tiers du territoire en raison de l'importance des montagnes et des régions trop sèches. Les cultures annuelles l'emportent, au premier rang desquelles les céréales, et surtout le blé, dont la Turquie est le 7e producteur mondial. L'orge vient ensuite. Parmi les cultures industrielles, de développement récent, figurent la betterave à sucre, le tabac, le coton et les oléagineux. Enfin, les régions côtières sont le domaine des fruits et légumes méditerranéens, ainsi que du thé, cultivé sur les bords orientaux de la mer Noire. L'élevage est numériquement important avec un cheptel bovin de près de 12 millions de têtes et le sixième cheptel ovin du monde. Au premier rang des ressources minières figure le lignite, dont la production augmente. Celle de houille, notamment dans la région de Zonguldak-Ereeli, tend, elle, à diminuer et l'extraction pétrolière reste modeste. Cependant, le port d'Iskenderun, près de la frontière syrienne, exporte du pétrole brut irakien transporté par oléoduc (trafic interrompu durant l'embargo). Bauxite et chrome sont assez abondants, mais demeurent loin derrière la production de fer. Celle-ci a permis, dans les années trente, la création d'une industrie sidérurgique établie d'abord à Karabük, près de Zonguldak sur la mer Noire, puis à Ereeli et, enfin, à Iskenderun. La dépendance énergétique du pays a conduit à une exploitation croissante des ressources hydroélectriques, mises en valeur par des réalisations spectaculaires. Ainsi, en 1992, a eu lieu l'inauguration du barrage Atatürk sur l'Euphrate, dans le cadre du gigantesque « projet de l'Anatolie du Sud-Est » ; l'eau, amenée par canal souterrain, sert aussi à l'irrigation de la plaine de Harran. Les industries manufacturières sont représentées essentiellement par le textile et l'agroalimentaire, qui fournissent une part importante des exportations. Les entreprises de travaux publics sont également très actives, et le tourisme a un effet positif sur la balance des paiements. Mais l'ensemble du secteur industriel souffre d'un manque d'infrastructures, à la fois routières et aéroportuaires. En revanche, les investissements étrangers sont de plus en plus nombreux ; la France y occupe la première place en raison du montant de son aide publique et du nombre d'entreprises présentes en Turquie. L'Union européenne absorbe 45 % du commerce extérieur du pays et, avec cette dernière, un accord d'union douanière est entré en vigueur en 1996. De nouveaux courants d'échanges s'intensifient aussi avec les pays riverains de la mer Noire (Bulgarie, Roumanie, Ukraine...). Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Iskenderun Les livres gaz - réservoirs de butane et de propane à Izmir, en Turquie, page 2124, volume 4 organisation de l'espace, page 3622, volume 7 Europe - l'entrée du Bosphore à Istanbul, en Turquie, page 1803, volume 4 Turquie - récolte du coton, près de la côte égéenne, page 5318, volume 10 Turquie - chantier du barrage Atatürk, sur l'Euphrate, page 5318, volume 10 Turquie - Istanbul : le port sur le Bosphore, page 5319, volume 10 L'organisation de l'espace. L'essentiel de l'activité économique se concentre à Istanbul, à Izmir et, plus généralement, dans l'ouest du pays, alors que la Turquie orientale, d'accès difficile, est beaucoup moins développée. Ce déséquilibre profond et ancien, que l'on a pu comparer à celui qui affecte l'Italie, concerne l'économie, mais aussi le développement social et culturel. Peut-être sera-t-il quelque peu réduit par l'établissement de liens avec les pays turcophones de l'Asie centrale (Azerbaïdjan, Turkménistan, Ouzbékistan, Kazakhstan) et par la réalisation du « projet de l'Anatolie du Sud-Est », qui constitue une grande entreprise d'aménagement du territoire. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Istanbul Istanbul - Géographie Izmir Les livres Europe - l'entrée du Bosphore à Istanbul, en Turquie, page 1803, volume 4 Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Adana Antioche Brousse Erzurum Eskisehir Gallipoli Ipsos Iskenderun Issos Izmit Kayseri Marmara (mer de) Samsun Sinop Sivas Tarsus Tigre Trébizonde Üsküdar Varna Histoire L'histoire de la Turquie dans ses limites actuelles renvoie d'abord à celle des grandes civilisations de l'Antiquité et du Moyen Âge, hittite, grecque, perse et byzantine. Mais l'histoire proprement turque commence avec l'arrivée des tribus qui peuplèrent le pays à partir du XIe siècle. Les Turcs avant la Turquie. L'origine du peuple turc est assez obscure, et les spécialistes n'ont pu délimiter avec précision son aire ethnique. Il semble toutefois qu'au IIe millénaire avant J.-C. des Turcs - sans doute déjà très métissés avec les Mongols - étaient installés sur le territoire de l'actuelle Mongolie. Pasteurs et chasseurs nomades, ils étaient organisés en tribus s'alliant en confédérations plus ou moins éphémères. La plus célèbre est celle des Hiongnou, ou Xiongnu (qui ne furent probablement pas tous des Turcs), mentionnés dans des sources chinoises dès le Ier millénaire et qui fondèrent, au IIIe siècle avant J.-C., un grand empire. Vaincus par les Chinois en 44 après J.-C., ils se seraient alors scindés en deux groupes, dont l'un aurait donné naissance aux Huns qui ébranlèrent l'Empire romain aux IVe et Ve siècles. Sont également reconnus comme turcs les Tabghatchs, qui fondèrent en Chine le royaume des Wei (IVe -VIe siècle). Quant au terme turc, il apparaît comme tel pour désigner un peuple originaire de l'Altaï, les Türküt, que les Chinois appelaient Tou-Kiu. Au VIe siècle, les Türküt, emmenés par leur chef Boumin, enlevèrent la Mongolie aux Avares, ou Jouan-Jouan (tribu mongole que certains classent aussi parmi les Turcs), et se trouvèrent à la tête d'un empire des steppes. Boumin prit le titre de Kagan (souverain). Son empire, divisé après sa mort entre kh?nat des Turcs orientaux, en Mongolie, et kh?nat des Turcs occidentaux, dans le Turkestan occidental, fut supplanté au VIIe siècle par la Chine des Tang, mais retrouva sa puissance dès le règne de Qoutlouq (ou Kutlug, 682/691), puis celui de Bak-tchor. De cette période date l'éclosion de la première « civilisation » turque (les premières inscriptions turques, dans un alphabet inspiré du syriaque, remontent à 732-735 environ). Après la chute, en 744, de l'empire Tou-Kiu, à la suite d'une révolte des tribus, l'hégémonie passa aux Turcs Ouïgours, de religion manichéenne. Leur empire fut détruit à son tour par les Kirghizes, d'origine turco-mongole ; les Ouïgours se réfugièrent alors dans le Kan-Sou, en Chine, et, surtout, dans l'actuel Turkestan chinois, où ils fondèrent un puissant royaume qui devait durer jusqu'au XIIIe s iècle. Au X e siècle, les Kirghizes eux-mêmes furent évincés de Mongolie, ce qui arrêta définitivement l'expansion turque vers l'est. Parmi les peuplades turques infiltrées vers l'ouest (Khazars aux VIIe et VIIIe siècles, Bulgares au VIII e siècle, Petchenègues au X e siècle), certaines entrèrent à cette époque en contact avec les Iraniens islamisés, notamment les S?m ?nides de Transoxiane. Elles les « turquisèrent », mais, en retour, se convertirent progressivement à l'isl?m. Ainsi, en 962, un mercenaire au service des S?m ?nides fonda en Afgh?nist?n un Empire turc musulman, celui des Ghaznavides. Ceux-ci vainquirent ensuite les S?m ?nides avec l'aide d'autres Turcs musulmans, les Karakh?nides, qui dominaient alors la partie occidentale du bassin du Tarim. Le Ghaznavide Mahmoud (999-1030) se fit alors reconnaître sultan par le calife 'abb?sside et entreprit la conquête du nord-ouest de l'Inde. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Avars Ghaznévides Huns Khazars Mahmoud de Ghazni Mongolie Mongols Ouïgours Petchenègues Xiongnus Les livres Turquie - l'Hiérothésion, sanctuaire funéraire du roi de Commagène, Antiochus Ier, page 5320, volume 10 Les Seldjoukides. En 1040, les Ghaznavides furent vaincus à leur tour par les Turcs Seldjoukides (venus du fleuve Syr-Daria par la Transoxiane), auxquels ils concédèrent le Khor?s?n. Les Seldjoukides, convertis à l'isl?m sunnite, passèrent en Iran et firent d'Ispahan leur capitale. En 1055, le calife 'abb?sside, menacé par les ch? 'ites de Bagdad, fit appel au chef seldjoukide Toghrul Beg, qui entra dans Bagdad et devint protecteur du calife avec le titre de sultan. Alp Arsl?n, neveu et successeur de Toghrul (1063/1072), entreprit de s'attaquer à l'Empire byzantin. Il conquit l'Arménie, puis, en 1071, fut vainqueur des Byzantins à Mantzikert. Cette victoire permit l'irruption en Anatolie de Turcs nomades et la colonisation d'une grande partie de l'Anatolie centrale. À la mort du fils d'Alp Arsl?n, Malik Sh?h (1072/1092), l'Empire seldjoukide s'étendait de la mer Égée au Turkestan, mais il fut vite affaibli par sa division en de nombreux sultanats. Sandjar (1118/1157) soumit ainsi toute la Perse, mais, dès 1194, son sultanat disparut sous les coups des sh?hs turcs du Kh?rezm. Le peuplement turc s'intensifia cependant au Proche-Orient, où de nombreuses tribus turques s'étaient installées dans le sillage des Seldjoukides après la victoire de Mantzikert : Saltoukides, D?nichmendites, Mengudjékides. C'est aux Seldjoukides de Roum, en Anatolie, que revint de fonder, à la fin du XIe siècle, un État qui s'épanouit en Asie Mineure, sur d'anciens territoires byzantins. Ce sultanat de Roum, qui laissa un héritage important pour la Turquie future, parvint, malgré des défaites initiales (prise d'Antioche par les croisés en 1098), à faire reculer les croisés et les Byzantins. Mais, affaibli depuis la seconde moitié du XIII e siècle par des querelles intestines, il s'inclina finalement en 1303 devant les Mongols, qui avaient déjà soumis de nombreuses tribus turques en Orient. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Alp Arslan Mohamed ibn Daoud Iran - Histoire - La Perse islamique islam - Religion - L'expansion de l'islam - Le temps des Empires Ispahan Mantzikert Roum Seldjoukides Toghrul Beg Mohammed L'émergence des Ottomans. La disparition du sultanat seldjoukide ne porta pas atteinte à la solidité de l'implantation turque en Asie Mineure, les Mongols ne s'intéressant qu'à la partie orientale de la région. De petites principautés turques indépendantes purent donc se développer au sud (Karaman, Dhoulkadir, Ramazan), au nord (Isfendyar, Pervanè, Ertena) et à l'ouest (Ottomans, Karasi, Saroukhan, Mentéché, Sahib Ata, Hamid, Guermiyan). Profitant du climat d'anarchie qui régnait, en raison des affrontements entre tribus turques et de l'effondrement rapide de l'Empire byzantin, les Ottomans étendirent progressivement leur contrôle vers l'ouest. Les grands artisans de l'émergence de la puissance ottomane furent Osman Ier (1281/1326), qui fonda la dynastie et affirma son indépendance totale à l'égard des Seldjoukides, et son fils Orham (1326/1359). Ce dernier s'empara en 1353 de Gallipoli, fondant ainsi le premier établissement turc sur les rives européennes du détroit des Dardanelles. Vint alors, sous Mourad Ier (1359/1389), la conquête des Balkans (Macédoine, Thrace, Bulgarie, Serbie). La capitale de l'Empire fut même transférée en terre européenne, à Andrinople (1365). Le fils de Mourad Ier , Bayazid, prit le pouvoir après avoir fait assassiner son frère, inaugurant une pratique qui fut presque systématiquement utilisée par ses successeurs. Il étendit la puissance ottomane en Anatolie et poursuivit les conquêtes de son père dans les Balkans en utilisant le corps d'élite des janissaires (qui venait d'être créé). Il dominait la quasi-totalité des Balkans à la fin du XIVe siècle ; mais sa défaite contre les troupes mongoles de Tamerlan en 1402, à la bataille d'Ankara, interrompit un moment la progression des Ottomans : si ces derniers conservèrent la plupart des possessions balkaniques, les conquêtes anatoliennes furent presque toutes perdues. L'unité de l'État ottoman fut également compromise par une longue lutte de succession entre les fils de Bayazid. L'un d'entre eux, Mehmed Ier , évinça finalement ses frères en 1413 et rétablit l'unité ottomane. Son successeur Mourad II (1421/1451) reprit l'expansion européenne, après avoir enlevé Salonique aux Vénitiens (1430). L'Empire byzantin était alors aux abois, et la croisade lancée contre les Turcs se solda par la défaite des armées chrétiennes (Varna, 1444). Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Bajazet - Bajazet Ier Gallipoli islam - Religion - L'expansion de l'islam - Le temps des Empires janissaires Mehmed - Mehmed I Ccedil;elebi Mourad - Mourad Ier Mourad - Mourad II Osmanli ottoman (Empire) Tamerlan Varna Les livres Turquie - vue de Constantinople vers 1449, page 5321, volume 10 Turquie - l'expansion ottomane du XIVe au XVIIe siècle, page 5321, volume 10 L'apogée de l'Empire ottoman. En 1453, le fils de Mourad II, Mehmed II (1451/1481), dit le Conquérant, s'empara de Constantinople, dont il fit sa capitale. Il s'avança ensuite jusqu'à la côte albanaise, où il détruisit les comptoirs vénitiens, et s'empara de la Bosnie et du Péloponnèse. La Valachie, la Moldavie, le kh?nat de Crimée reconnurent sa suzeraineté. L'Anatolie fut pacifiée (conquête du dernier État byzantin, l'empire de Trébizonde, en 1461) et les Karamanides furent réincorporés à l'Empire. Mehmed II renforça l'Empire ottoman autant par ses conquêtes que par l'institution du premier kanounamè (règlement organique) ottoman. Son fils, Bayazid II (1481/1512), accéda au trône en évinçant son frère grâce à l'appui des janissaires, dont le rôle politique ne cessa dès lors de croître. Battu par les Mamelouks d'Égypte, puis par le roi de Hongrie Mathias Corvin à Belgrade, il s'empara toutefois des comptoirs vénitiens du sud du Péloponnèse. Mais la paix qu'il conclut en 1502 avec les puissances européennes mécontenta les janissaires, qui le forcèrent à abdiquer en faveur de son fils Selim en 1512. Ce dernier se retourna vers l'Orient et s'attaqua aux Perses séfévides, auxquels il prit Tabriz (1514), avant de conquérir le sud-est de l'Anatolie (1515). Il détruisit ensuite le sultanat mamelouk, auquel il enleva la Syrie, Jérusalem (1516), puis l'Égypte (1517). Reconnu comme protecteur des lieux saints de La Mecque et de Médine, il emprisonna le dernier calife 'abb?sside et reprit le titre califal. Sous le règne de son héritier Soliman (1520/1566), dit « le Législateur » en Orient et « le Magnifique » en Occident, l'Empire ottoman atteignit sa plus grande extension : Soliman conquit en effet l'Algérie (1520), Rhodes (1522), la Hongrie (1526), l'Azerbaïdjan et Bagdad (1534), ainsi que la Mésopotamie, le sud-est de l'Arabie, la Tripolitaine et, provisoirement, la Tunisie. Sa progression en Europe fut favorisée par la rivalité franco-autrichienne et par son alliance avec François I er , auquel il accorda un régime commercial de faveur, les « capitulations ». Cependant, en 1529, il échoua devant Vienne. L'Empire ottoman affirmait aussi sa puissance maritime, dominant toute la Méditerranée orientale et menaçant sans cesse la Méditerranée occidentale. Soliman perfectionna la législation et les institutions de l'Empire. Le sultan était à l'époque assisté par un divan, sorte de gouvernement dirigé par le grand vizir, et l'empire était divisé en sandjaks dirigés par des beys, et parfois regroupés en vilayets. Les pays conquis conservèrent souvent une certaine autonomie et fournirent des alliés aux Turcs, voire des fonctionnaires ou des officiers. Ces deux corps furent également pourvus par nombre de chrétiens enlevés dans leur enfance, élevés dans l'isl?m et destinés à de hautes responsabilités. L'armée constituait alors un pilier de l'Empire, et était, sous le règne de Soliman, plus considérable que toutes les armées européennes. Cette période de puissance et de faste fut marquée également par un épanouissement littéraire et artistique, dont témoignent les mosquées Chezad? et Süleymaniye de Constantinople, ou bien l'oeuvre du poète Baki, auteur de l'oraison funèbre de Soliman. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Bajazet - Bajazet II Baki (Mahmoud Abdülbaki, dit) François - FRANCE - François Ier Grèce - Histoire - De l'Empire byzantin à l'Empire ottoman Irak - Histoire - La domination ottomane islam - Religion - L'expansion de l'islam - Le temps des Empires janissaires mamelouk Mathias Ier Corvin Mehmed - Mehmed II Mehmed - Mehmed III ottoman (Empire) Roumanie - Histoire - Les principautés danubiennes Selim - Selim Ier Soliman - Soliman Ier le Magnifique Syrie - Histoire - De la domination ottomane au mandat français Trébizonde - Histoire Les livres Turquie - le couronnement de Selim Ier, page 5316, volume 10 Turquie - histoire de la conquête du Yémen, page 5322, volume 10 Le déclin de l'Empire ottoman. Les successeurs de Soliman, souvent sous la coupe des janissaires, ne purent empêcher l'immense Empire de tomber peu à peu en décadence. Après une première grande défaite contre les Occidentaux à Lépante (1571), et malgré quelques victoires (conquête de Chypre en 1570, prise définitive de Tunis en 1574), les conquêtes s'espacèrent et la rareté du butin provoqua une crise financière dans un Empire qui, de plus, se trouvait à l'écart des nouvelles routes commerciales (route du Cap) et se laissait distancer par un Occident en pleine évolution scientifique et technique. Au XVIIe siècle, les administrateurs de provinces, souvent corrompus, se montrèrent de plus en plus inefficaces, et le sultan perdit le contrôle de certaines parties de l'Empire, notamment en Afrique du Nord. En outre, la Perse ne cessait de disputer aux Ottomans la Géorgie, l'Azerbaïdjan et la Mésopotamie. Et, lorsque le sultan Osman II (1618/1622) voulut tenter une réforme de l'État, il fut déposé et exécuté par les janissaires, qui imposaient aussi un remplacement rapide des grands vizirs. Cependant, la dynastie des grands vizirs Köprülü, appelée au pouvoir par la sultane mère de Mehmed IV en 1656, réussit à s'y maintenir pendant près de cinquante ans. Compensant la médiocrité des sultans, ils purent enrayer momentanément le déclin de l'Empire, parvenant à conquérir la Crète (1669) et la Podolie (1672). Ils échouèrent cependant une dernière fois devant Vienne en 1683, puis, par la paix de Karlowitz (1699), ils perdirent la Hongrie, la Podolie et la Morée face à la Sainte-Ligue constituée par l'Autriche, la Pologne et Venise. Malgré le maintien du statu quo territorial pendant presque tout le XVIIIe siècle, la tentative ottomane de conquête de l'Europe avait définitivement échoué. En outre, l'Empire ottoman devait compter désormais avec les ambitions de la Russie, qu'il crut pouvoir contrer par une guerre déclenchée en 1768. Mais en 1774, par le traité de KutchukKaïnardji, l'Empire perdit définitivement la Crimée et Azov, et reconnut à la Russie la succession de Byzance comme protectrice des orthodoxes. L'Empire ottoman souffrait par ailleurs d'une emprise économique croissante des puissances occidentales : les capitulations accordées à la France, puis à la GrandeBretagne et aux Pays-Bas permirent aux Européens d'intensifier leurs exportations vers le Levant, et les Ottomans devinrent plus dépendants de la technique et des produits manufacturés européens. Le sultan Selim III (1789/1807), face aux menaces des puissances occidentales (nouvelle guerre avec la Russie et l'Autriche, 1787-1792 ; expédition de Bonaparte en Égypte en 1798) et aux troubles qui se multipliaient dans l'Empire (Syrie, Hedjaz, Bulgarie, Serbie), tenta d'introduire des réformes et notamment de réorganiser l'armée. Mais il rencontra l'opposition des oulémas et des janissaires, qui le déposèrent. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Ahmed Ahmed - Ahmed Ier Ahmed - Ahmed II Ahmed - Ahmed III Grèce - Histoire - De l'Empire byzantin à l'Empire ottoman Hongrie - Histoire - La Hongrie des Habsbourg Irak - Histoire - La domination ottomane janissaires Karlowitz (traités de) Kutchuk-Kaïnardji Lépante Levant Mahmoud - Mahmoud Ier Mehmed - Mehmed IV Mourad - Mourad III Mourad - Mourad IV Mustafa - Mustafa III Mustafa - Mustafa IV ottoman (Empire) ouléma Russie - Histoire - La Russie impériale (XVIIIe siècle) Selim - Selim II Selim - Selim III Soliman - Soliman II Syrie - Histoire - De la domination ottomane au mandat français Les livres Turquie - la bataille de Lépante (1571), page 5322, volume 10 Turquie - le sultan Selim III (1789/1807), page 5323, volume 10 Réformes et démembrements. En 1826, le sultan Mahmoud II (1808/1839) réussit, après un sanglant massacre, à supprimer le corps des janissaires, principal obstacle aux réformes de l'administration et du système éducatif qu'il entama aussitôt, faisant même adopter le costume européen. Il ne put cependant empêcher le démembrement de l'Empire. La Bessarabie fut cédée à la Russie (1812) à la suite d'un nouveau conflit. Au terme d'une longue guerre (18211829), la Grèce fut érigée en royaume indépendant, protégé par la Russie, l'Angleterre et la France, puissances de plus en plus impliquées dans les affaires ottomanes. En 1841, ce fut au tour de l'Égypte de s'affranchir, au terme de deux guerres qui provoquèrent des dissensions entre puissances occidentales aux intérêts contraires. Pourtant, malgré ce processus de désagrégation, le sultan Abdülmecid Ier ( 1839/1861) introduisit des réformes considérables (Tanzimat) inspirées de l'Occident, avec le hatt-i chérif (charte) de Gül Hané (1839). Cette charte judiciaire, financière, administrative et militaire instituait des tribunaux non religieux, proclamait l'égalité civile de tous les sujets ottomans, quelles que fussent leur nationalité et leur religion (ce qui est contraire à la loi islamique), et s'inscrivait ainsi dans une tradition ancienne de protection par le sultan des populations chrétiennes et juives. Le système de conscription fut également modifié. Or ces réformes ne furent introduites que progressivement et partiellement, en raison des oppositions religieuses qu'elles suscitèrent. Elles furent suivies de nouvelles mesures en 1856, au lendemain de la guerre de Crimée (1854-1855), au cours de laquelle la France et l'Angleterre se portèrent au secours de l'Empire vacillant pour battre la Russie. Désormais protecteurs de l'Empire, Français et Anglais exigèrent de nouvelles garanties au congrès de Paris (1856). Sous la pression de ces puissances, le sultan dut également accorder un statut privilégié d'autonomie au Liban (1861-1864), à la Crète (1868) et à la Bulgarie (1870). En 1876, des révoltes de chrétiens bulgares furent durement réprimées, et une attaque serbe repoussée, ce qui entraîna l'intervention victorieuse de la Russie, « protectrice » des peuples slaves. Aussi, lors du congrès de Berlin (1878), l'Empire dut-il reconnaître l'indépendance totale de la Bulgarie, de la Roumanie (fondée en 1862 par l'union de la Moldavie et de la Valachie), de la Serbie et du Monténégro, et céder la Bosnie-Herzégovine à l'Autriche. Quant à l'Angleterre, elle obtint Chypre comme territoire à bail et, par des accords secrets, partagea l'Afrique du Nord avec l'Italie et la France. L'Empire perdit ainsi la majorité de ses possessions européennes, dont les sujets musulmans - souvent des Slaves convertis - émigrèrent pour la plupart (excepté les Bosniaques) en Asie. Le sultan Abdülhamid II (1876/1909), parvenu au pouvoir à la suite d'une révolution de palais, se posa d'abord en réformateur et octroya la première Constitution turque. Il ajourna cependant le Parlement dès 1878 et écarta son grand vizir libéral Midhat Pacha. Sa volonté de reconstituer l'unité de l'Empire autour des musulmans aboutit à des massacres de minorités, dont les Arméniens furent les grandes victimes (1894-1896). L'agitation se poursuivit dans les Balkans (perte de la Thessalie en 1881, de la Crète en 1897), et la débâcle financière plaça l'Empire ruiné sous la tutelle des Occidentaux, Français et Britanniques notamment, administrateurs de la dette publique ottomane, mais aussi Autrichiens ou Allemands (chemin de fer de Bagdad). Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Abdülaziz Abdülhamid Ier Abdülhamid II Abdülmecid Ier Bagdad (chemin de fer de) Crimée Crimée - La guerre de Crimée Irak - Histoire - La domination ottomane janissaires Mahmoud - Mahmoud II Mourad - Mourad V Roumanie - Histoire - Entre Russie et Turquie Russie - Histoire - L'apogée de l'Empire (XIXe siècle) russo-turque (guerre) San Stefano Des Jeunes-Turcs à la chute de l'Empire. Cette décadence entraîna le réveil, chez des officiers et des intellectuels, d'un courant émancipateur turc laïc, par opposition à l'ottomanisme islamiste encouragé par le sultan. Ainsi apparurent dès 1868 le comité de la Jeune-Turquie, puis, en 1894, le comité Union et Progrès, qui fomenta la révolution pacifique et libérale des « Jeunes-Turcs » en 1908. La Constitution de 1876 fut remise en vigueur, et Abdülhamid remplacé en 1909 par Mehmed V, qui joua un rôle très effacé. Mais le nouveau pouvoir, qui se révéla très vite à la fois autoritaire et nationaliste, ne put empêcher la perte du reste des possessions européennes lors des guerres balkaniques de 1912-1913, et la cession de la Tripolitaine à l'Italie en 1912. Sa politique de turquisation des minorités non turques, qui aboutit au génocide des Arméniens en 1915, provoqua une exaspération du nationalisme arabe. Aussi les provinces arabes prirent-elles le parti des Alliés pendant la Première Guerre mondiale, que la Turquie fit dans le camp de l'Allemagne. La défaite de 1918 acheva le démembrement de l'Empire, que le traité de Sèvres, signé par le faible sultan Mehmed VI (1918/1922), réduisit à l'Anatolie et à Constantinople. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Arménie Arménie - Génocide et diaspora balkaniques (guerres) Enver Pacha Irak - Histoire - La domination ottomane Jeunes-Turcs Mehmed - Mehmed V Mehmed - Mehmed VI Sèvres Sèvres - Le traité de Sèvres Talaat Pacha Mehmed Tevfik Pacha Ahmed Tripolitaine La Turquie kémaliste. Ces concessions provoquèrent une révolte des nationalistes, dirigés depuis mai 1919 par le général Mustafa Kemal. Ceux-ci remportèrent plusieurs victoires contre les Franco-Britanniques et surtout contre les Grecs qui occupaient le pays. Ils obtinrent à Lausanne (1923) l'avalisation de leurs conquêtes (Thrace, Cilicie), la reconnaissance de leur droit de contrôle sur les Détroits, l'abrogation des capitulations et l'échange des Grecs d'Anatolie et des Turcs de Grèce. Kemal, qui avait aboli le sultanat dès novembre 1922, fut élu en 1923 président de la nouvelle République turque, dont la capitale fut transférée à Ankara. Il créa le parti républicain du peuple en 1923 et s'attela à la modernisation de la Turquie sur le modèle occidental : développement industriel, nouveau Code civil abolissant la polygamie et donnant aux femmes des droits égaux à ceux des hommes, nouveaux codes commercial et criminel, laïcisation (abolition du califat en 1924, suppression des tribunaux religieux et de l'enseignement islamique remplacé par l'école laïque obligatoire). Pan-turquiste, Kemal voulut turquiser le pays, ce qui provoqua des transferts de populations (départ des Grecs d'Asie) et des massacres (Kurdes, Arméniens). Il encouragea également le retour à une langue turque « pure », débarrassée de ses emprunts persans et arabes, et fit adopter l'alphabet latin (1928). Doté de pouvoirs quasi dictatoriaux, il favorisa le culte de la personnalité et se choisit comme nom de famille Atatürk, « père de la Turquie ». Succédant à Mustafa Kemal, mort en 1938, Ismet Inönü maintint son pays dans la neutralité durant la Seconde Guerre mondiale, jusqu'en février 1945. À cette date, la Turquie déclara la guerre aux puissances de l'Axe, afin d'être admise à l'ONU. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats balkanique (Entente) Détroits (Convention des) Inönü (Mustafa Ismet, dit Ismet) Kurdistan Lausanne Mustafa Kemal Pacha panturquisme Saradjoglou Sükrü Les livres Turquie - Mustafa Kemal Atatürk et le Premier ministre Ismet Inönü, en 1923, page 5324, volume 10 La Turquie contemporaine. La Turquie rejoignit après la guerre le camp des États-Unis (adhésion à l'OTAN en 1952, au pacte de Bagdad en 1955) et bénéficia de leur aide économique et militaire dans le cadre de la doctrine Truman, qui devait faire échec aux visées soviétiques. La vie politique se démocratisa progressivement à partir de 1946, lorsque le pluripartisme fut autorisé. En 1950, le parti démocrate, créé par les dissidents kémalistes libéraux, remporta les élections législatives et s'installa au pouvoir pour dix ans. Mais, à partir de 1955, les difficultés économiques et l'autoritarisme croissant du Premier ministre Adnan Menderes alimentèrent l'opposition. Le 27 mai 1960, un putsch militaire renversa Menderes et imposa une nouvelle Constitution. L'initiateur du mouvement, le général Gürsel (d'origine kurde), fut élu président de la République et appela l'ancien chef de l'État kémaliste Inönü au gouvernement. Mais les élections de 1961 consacrèrent le déclin du parti républicain du peuple, tandis que deux nouvelles formations (le parti de la Justice et le parti de la Nouvelle-Turquie) se partageaient l'électorat démocrate. Le chef du parti de la Justice, Süleyman Demirel, accéda au pouvoir en 1965, mais, en 1971, il fut remplacé par Nirhat Erim sous la pression de l'armée, inquiète des progrès de la contestation de gauche. La situation politique et économique ne cessa pourtant de se dégrader, aggravée par la crise chypriote de 1974 qui opposa une troisième fois (après les affrontements de 1955-1958 et de 1964) la Turquie à la Grèce et qui aboutit à un débarquement turc à Chypre, prélude à la création en 1975 d'un État turc chypriote. Pendant les années suivantes, les conservateurs de Demirel et le centre-gauche républicain de Bülent Ecevit alternèrent à la tête du gouvernement, sans parvenir à résoudre les immenses difficultés du pays, en proie à une crise économique aiguë et confronté journellement à des attentats terroristes signés par l'extrême droite, puis par l'extrême gauche, par des militants kurdes ou arméniens. Le 12 septembre 1980, un coup d'État porta au pouvoir une junte militaire, sous la direction du général Evren. Un Conseil national de sécurité fit office de gouvernement. La Constitution fut abolie et les partis politiques furent dissous. Arrestations massives et procès expéditifs se multiplièrent, frappant nombre de militants politiques et syndicaux non impliqués dans le terrorisme. Cependant, le régime militaire, qui s'était engagé à restituer le pouvoir aux civils, une fois l'ordre rétabli, fit voter une nouvelle Constitution en 1982 et permit, à partir de 1983, une libéralisation politique sous haute surveillance. Les élections législatives de novembre 1983 amenèrent au pouvoir le parti de la Mère patrie de Turgut Özal, qui demeura Premier ministre de 1983 à 1989, victoire relative de son mouvement, le parti de la Juste Voie, aux élections d'octobre 1991 avant d'accéder à la présidence, à la mort d'Özal en 1993, et de nommer MM e Tansu Ciller au poste de Premier ministre. La politique de Demirel s'est inscrite dans la continuité de celle qu'avait promue Özal : rapprochement avec la CEE, fidélité à l'OTAN (soutien aux États-Unis pendant la guerre contre l'Irak en 1991), reconnaissance de l'identité kurde, malgré une féroce répression du PKK (parti communiste du Kurdistan marxiste-léniniste). À la faveur de l'effondrement du communisme, la Turquie tente également de renouer des relations avec les pays balkaniques et d'exploiter ses liens culturels avec les peuples turcs de l'exURSS (Turkmènes, Ouzbeks, Azéris, Kazakhs, Kirghizes) afin de jouer un rôle croissant en Asie centrale. Concluant une crise qui avait amené la démission de MM e Tansu Ciller, les élections législatives anticipées de décembre 1995 firent prendre un tournant à la Turquie en permettant l'arrivée au pouvoir du parti islamiste de Necmettin Erbakan, nouveau Premier ministre à la tête d'une coalition. Celle-ci apparaissait cependant fragile, du fait de l'aggravation des tensions intérieures, et le gouvernement démissionna en juin 1997. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Azerbaïdjan Bagdad Bagdad - Le pacte de Bagdad Bayar Celal Gürsel Kemal Inönü (Mustafa Ismet, dit Ismet) Özal Turgut Sunay Cevdet Les livres Turquie - meeting étudiant durant l'été 1968, page 5324, volume 10 Turquie - réunion électorale en octobre 1973, page 5324, volume 10 Turquie - le gouvernement Demirel, en 1991, page 5325, volume 10 Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Byzance - Histoire califat Perse Sublime Porte (la) Arts Beaux-arts. Bien avant l'arrivée des Turcs qui allaient donner leur nom au pays, l'Anatolie fut occupée par des peuples qui ont laissé de riches témoignages artistiques. Le site de Çatal Höyük a livré un habitat et une céramique élaborés, ainsi que de remarquables peintures murales datant du néolithique ancien (VIIe -VIe millénaire avant J.-C.). Au IIIe millénaire, le peuple de Hatti, auquel on attribue le plus ancien art anatolien (Alaca Höyük), fut à l'origine d'une importante civilisation. Après le renversement des colonies assyriennes, l'Anatolie connut au IIe millénaire sa première période de grandeur avec l'Empire hittite, dont la puissance apparaît dans une sculpture vigoureuse et une architecture défensive d'aspect massif (Hattusa). Tandis que les royaumes de Phrygie et d'Ourartou se partageaient l'hégémonie, les comptoirs grecs se multiplièrent au Ier millénaire en Ionie (Milet). Interrompu par l'occupation perse, le mouvement d'hellénisation reprit au IVe siècle avant J.-C. et triompha avec les dynasties hellénistiques (temple d'Éphèse, mausolée d'Halicarnasse, théâtre de Pergame). Au Nimrut Dag, Antiochus de Commagène construisit un sanctuaire colossal dans un esprit gréco-perse. Bien enracinée, la civilisation grecque survit à cinq siècles de domination romaine (Aphrodisias, Pergé). Le centre de gravité de l'Empire romain se déplaça vers l'est après la fondation, par l'empereur Constantin, de Constantinople (IVe siècle), qui allait rayonner sur tout l'est de la Méditerranée. Équilibre et raffinement caractérisent l'architecture byzantine et son décor en mosaïque (coupole de l'église Sainte-Sophie, VIe siècle). Après les premières incursions arabo-musulmanes du VIIe siècle, la Cappadoce servit de refuge et devint un haut lieu de la chrétienté orientale et de l'art de la fresque. Au XIe siècle, déjà assailli par les croisés, l'Empire byzantin céda sous la poussée des Turcs Seldjoukides venus d'Asie centrale. Le sultanat seldjoukide de Roum amorça la turquisation et l'islamisation de l'Anatolie : il affirma sa force économique et sa foi religieuse par de nombreux monuments en pierre, dont la riche décoration se concentre sur les portails, sculptés avec exubérance (Ince Minareli) ; il multiplia caravansérails, collèges religieux, mausolées et ouvrages d'art. Après le choc des invasions mongoles, la puissance des Ottomans rayonna sur les Balkans et l'Asie Mineure depuis leur capitale, Brousse (1326), jusqu'à Constantinople (1453), qui prit alors le nom d'Istanbul. La gloire militaire et la richesse financière favorisèrent le développement de tous les arts. Les traditions seldjoukides évoluèrent, et le changement apparut à Brousse dans les mosquées à portique et à salles juxtaposées et dans les revêtements de céramique émaillée. Stimulé par le modèle de Sainte-Sophie de Constantinople, le classicisme ottoman (XVIe -XVIIe siècle) atteignit son apogée avec l'architecte Sinan, qui réalisa son chef-d'oeuvre avec la mosquée d'Edirne et dont l'esprit allait subsister dans la mosquée Bleue d'Istanbul : le jeu des coupoles cantonnées de flèches cherche à élargir l'espace intérieur, tandis que l'extérieur dépouillé contraste avec l'intérieur chatoyant. Tous les édifices obéissent aux mêmes principes (palais de Topkap?, par exemple). Au XVIIIe siècle, qualifié de « siècle à la Tulipe », un certain goût du baroque se développa sous l'influence européenne. Outre les constructions militaires, l'architecture ottomane accorda de l'importance aux bains publics (hammams), marchés (bazars), fontaines à auvent, mausolées, universités et hôpitaux (complexe de la Suleymaniyé à Istanbul). Bien qu'ayant surtout excellé en architecture, les Turcs ne délaissèrent pas les arts décoratifs, marqués par les productions de l'Iran et de la Chine. Leur attachement pour la calligraphie, qui s'illustre par la toughra, ou signature des sultans, s'accompagna d'un vif intérêt pour la miniature de caractère narratif. Caftans en brocart ou en velours, vaisselle de céramique d'Iznik, armes, pièces d'orfèvrerie, tapis issus d'une tradition millénaire composaient un somptueux cadre de vie. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats bazar Brousse Byzance - Beaux-arts calligraphie calligraphie - Dans l'islam Cappadoce Ccedil;atal Höyük Édirne Éphèse Halicarnasse Bodrum Hittites Milet miniature peinture - Les supports - Le papier et le parchemin Sainte-Sophie tapis Les livres Trébizonde, page 5261, volume 10 Turquie - une rue d'Éphèse, page 5325, volume 10 Turquie - le Christ entouré des Apôtres, page 5326, volume 10 Turquie - la mosquée Bleue, à Istanbul, page 5326, volume 10 Turquie - la mosquée de Sokullu Mehmed Pacha, page 5326, volume 10 Littérature. Les plus anciens textes retrouvés sont les inscriptions de l'Orkhon et certains documents sur papier relevant du manichéisme comme un Livre de divination (VIIIe siècle). Avec l'islamisation se développèrent des littératures nommées d'après les dynasties régnantes. Sous les Karakh?nides (Xe -XIIIe siècle), Yusuf Has H?cib, poète et érudit, et Mahmoud al-K?chgarbi, qui écrivit un dictionnaire et une grammaire de la langue turque comprenant maints exemples de proverbes et de poésie populaire, furent parmi les plus importants écrivains. À l'époque des sh?hs du Kh?rezm (XIIIe -XIVe siècle), de nombreux écrits religieux côtoyèrent des oeuvres narratives fort élaborées (Qutb, Rabghuzi) et une poésie subtile (en particulier chez Fuzuli, qui utilisait le dialecte azéri). Sous les Djaghataï (XVe -XVIe siècle), on peut retenir surtout Mir 'Al? Chir Nava'i, aussi fin poète que grand lettré, et les mystiques Haci Bayram Veli et Esrefoglu Rumi. À partir du XVIe siècle, la littérature en dialecte azéri s'imposa, développant la « poésie du divan » avec Baki, Bagdath Ruh? et Fazl? Çelebi, mais les écrivains se contentèrent souvent de suivre le modèle de Fuzuli ou de Mir 'Al? Chir Nava'i, jusqu'au renouveau qui se produisit au XVIIIe siècle grâce à la poésie mystique de Sher Muhammad. Au XIXe siècle, une longue période de réformes, dite ère du Tanzimat, permit à la fois une évolution sociale et littéraire : Chinassi et ses disciples Namik Kemal et Ziya Pasa firent oeuvre de journaliste, de poète et de romancier (Kemal écrivit ainsi les premiers romans et pièces de théâtre turcs). À la fin du siècle, Ahmed Ihsan Tokgöz (18681942) et Halid Ziya Usakligil (1866-1945) réunirent nombre d'écrivains modernistes autour du périodique Servet-i Fühum ( « Trésor des sciences »), tandis que le symbolisme pénétrait peu à peu la littérature du début du XXe siècle (Ahmed Hasim) et que Ziya Gökalp tentait d'imposer le turc parlé comme langue littéraire. Après la révolution de Mustafa Kemal, l'alphabet latin remplaça l'alphabet arabe, et la culture turque se tourna plus résolument vers l'Occident. Les écrivains venaient souvent des classes moyennes ou de la paysannerie, et non plus des élites cultivées, et traitaient de problèmes sociaux et politiques. On rechercha dès lors la simplicité du style (Ohran Seyfi Ohron, Faruk Nafiz Çamlibel, Ohran Veli Kanik, Nazim Hikmet) et des sujets issus du quotidien (Sabahattin 'Al?, Ahmed Naim, Melih Cevdet Anday). Après la Seconde Guerre mondiale, le théâtre connut un remarquable essor (Resat Nuri Güntekin, Hidayet Sayin, Recep Bilginer). Kemal Tahir, Fakir Baykurt, Peride Cel?l restent des romanciers de premier plan. Les changements politiques des années quatre-vingt ont limité les productions littéraires, mais ont aussi confirmé de grands talents, que ce soit en poésie (Yasar Miraç, Edip Cansever, Hilmi Yavuz), en prose (Tarck Bugra, Nedim Gürsel, Tomris Uyar) ou au théâtre (Basar Sabuncu, Aydin Arut). Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Baki (Mahmoud Abdülbaki, dit) Kemal Tahir manichéisme turc Les livres Turquie - Nazim Hikmet, page 5327, volume 10 Musique. Berceau de civilisations et passage obligé pour de nombreux peuples qui l'envahirent jusqu'à la création de l'Empire ottoman, la Turquie possède un art musical authentique, aisément définissable en dépit du brassage de populations qui l'a fécondé. Essentiellement monodique, la musique turque, vocale et instrumentale, se caractérise par une grande richesse modale (plus d'une centaine de modes, ou maq?m ), dans la mélodie comme dans le rythme. Ces deux paramètres sont soumis à des règles de composition strictes, fixées par les théoriciens dans leurs traités : différenciées par leur note finale, leur point d'arrêt intermédiaire, les altérations affectant les degrés ou la place des quartes, les maq?m présentent la particularité d'être descendantes, et imposent une ligne mélodique qui incline vers le grave jusqu'à la note finale. Quant au rythme, dominé par la tradition des modes grecs antiques, il se définit dans la musique turque par la répétition de formules choisies par le compositeur parmi les nombreux oussoul répertoriés dans les traités. Les pièces instrumentales et vocales ainsi formées sont agencées de manière à donner naissance au fasil, sorte de suite encadrée par des pièces instrumentales de forme libre (le taksim et le pechrev initiaux, et le saz sem?'? final), préludes ou postludes aux pièces vocales et airs de danse. Par ailleurs, la division de l'octave en dix-sept intervalles inégaux constitue l'une des particularités de la musique turque, d'origine pentatonique. On peut s'étonner qu'une musique aussi singulière ait pu rester ignorée jusqu'à nos jours, malgré son rayonnement aux XVIIe et XVIII e siècles en Occident : c'est que les fanfares du corps de janissaires qui inspirèrent les compositeurs (Mozart : l'Enlèvement au sérail, la Marche turque ; H aydn : T rio H. 25 ; B eethoven, les Ruines d'Athènes) avaient créé une mode en faveur de la musique turque (style alla turca). La pénétration en Turquie de la musique occidentale au XIXe siècle, due notamment à l'arrivée du frère du compositeur Gaetano Donizetti, nommé directeur de la musique à la cour, allait porter un coup fatal aux formes traditionnelles : la proscription, en 1925, de l'ordre des Mevlevites (derviches tourneurs) fondé au XIII e siècle par Djal?l ad-D?n R?m ?, fut le signe d'un déclin au XX e siècle, malgré la fondation en 1912 du Département de musique turque à Istanbul. Certains compositeurs turcs , tel Ulvi Kemal Erkin (1906-1972), ont essayé, au XXe siècle, de concilier musique traditionnelle et musique occidentale. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Beethoven (Ludwig van) derviche Djalal ad-Din ar-Rumi Haydn - Haydn Franz Joseph maqam - 2.MUSIQUE monodie Mozart Wolfgang Amadeus Cinéma. Le cinéma turc a longtemps été dominé par le théâtre filmé et le folklore. Jusqu'aux années soixante n'émerge guère que le charmant Trois Camarades, de Memduh Ün. La vague de libéralisation a permis l'éclosion d'une tendance plus réaliste, voire subversive, avec l'Été aride (Metin Erksan, 1964) et Ceux qui se réveillent à l'aube (Ertem Göreç, 1965). Mais la personnalité la plus marquante du cinéma turc a été Yilmaz Güney (1937-1984), qui a passé plusieurs années en prison ; on lui doit notamment Espoir (1970) et Yol (1982). Plus récemment, des films comme le Brouillard, de Zulfu Livanelli (1989), ou Prison de femmes, de Halit Rafig (1990), ont retenu l'attention. Complétez votre recherche en consultant : Les livres Turquie - Yol (la Permission, 1982), de Yilmaz Güney, page 5327, volume 10 Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats minbar Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Asie Asie Mineure Balkans (péninsule des) Europe Proche et Moyen-Orient Les médias Turquie - tableau en bref Turquie - carte physique Turquie - tableau en chiffres Asie - carte politique Europe - carte politique Les indications bibliographiques P. Dumont et F. Georgeon, la Turquie au seuil de l'Europe, l'Harmattan, Paris, 1991. B. Lewis, Isl ?m et laïcité : la naissance de la Turquie moderne, Fayard, Paris, 1988. R. Mantran, Histoire de la Turquie, PUF, « Que sais-je ? », Paris, 1993 (1988). S. Yérasimos, les Turcs, Autrement, Paris, 1994.