N ée en même temps que la démocratie, la presse écrite moderne a un rôle politique important à jouer. Concurrencée par la télévision, elle a su s'adapter sur le plan technique et préserver sa spécificité. Plus que le pouvoir politique, les contraintes commerciales et la concentration des sources d'information réduisent désormais sa marge de manoeuvre. Souvent salarié, spécialisé dans un travail d'équipe, le journaliste contemporain est rarement l'investigateur ou le grand reporter exalté par la légende. L'utilisation de papier imprimé pour diffuser des informations est ancienne. Mais la naissance de la presse, sous forme de journaux quotidiens massivement diffusés, date du XIXe siècle. Les contraintes techniques et juridiques ont façonné la presse quotidienne française, plus que la loi du marché. Aux côtés de la presse quotidienne, en proie à une difficile mutation économique et technique, la presse périodique forme un ensemble diversifié, parfois extrêmement prospère. Journaux et journalistes La diffusion de l'information par voie de feuilles imprimées commença à la fin du XVe siècle, quarante ans après la mise au point de l'imprimerie. La diffusion régulière, hebdomadaire, puis quotidienne remonte au XVIIe siècle. En France, le titre le plus souvent retenu pour signaler ce changement est la Gazette, de Théophraste Renaudot (1631). Consacrée surtout aux nouvelles politiques, celle-ci bénéficia de la protection de Richelieu pour paraître. Les premiers journaux consacraient une grande place aux nouvelles littéraires et scientifiques, comme le Mercure galant (1672), devenu en 1734 le Mercure de France. Le premier journal quotidien serait le Journal de Paris (1777). La Révolution, époque de débats d'idées et d'actualité sans cesse bouleversée, fut à l'origine d'une extraordinaire floraison de journaux. Au cours de l'année 1790, plus de trois cent cinquante journaux furent édités : chiffre record jamais atteint auparavant. Les périodes de liberté et de censure de la presse alternèrent ensuite, puis la presse fut strictement contrôlée sous l'Empire. Elle s'épanouit après la Révolution de 1830. En 1836, Émile de Girardin avec la Presse, Dutacq avec le Siècle lancèrent les premiers journaux à 10 centimes, financés principalement par la publicité. Au milieu du XIX e siècle, la presse avait une forte influence, tout particulièrement dans le domaine politique, et une mauvaise réputation. C'est dans la seconde moitié du XIX e siècle que se développa la presse de masse, symbolisée en France par le Petit Journal. Ce premier journal à un sou, premier utilisateur des presses rotatives (1865), tirait à 350 000 exemplaires en 1869. Le Petit Parisien de Jean Dupuy, « le plus fort tirage des journaux du monde entier », pour reprendre son slogan adopté en 1904, tirait à plus d'un million d'exemplaires en 1900. Après la censure de la Première Guerre mondiale, la presse française de l'entre-deux-guerres fut compromise dans une série de scandales, et la gauche dénonça l'influence des puissances d'argent. Les journalistes gagnèrent la reconnaissance professionnelle avec la loi du 29 mars 1935 réglementant leur profession de façon libérale et protectrice. Une carte de presse fut ainsi créée et le journaliste professionnel fut défini comme « celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une publication quotidienne ou périodique éditée en France ou dans une agence française d'information, et qui en tire le principal des ressources nécessaires à son existence ». Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Action française (l') Constitutionnel (le) Débat (le) Gazette de France (la) Girardin (Émile de) Hozier (Pierre de la Garde d') imprimerie - La typographie - Les progrès techniques du XIXe siècle Lanterne (la) média Mercure (le) National (le) Petit Parisien (le) Presse (La) Renaudot Théophraste revue Septembre 1835 (lois de) Temps (le) Les livres presse - les journalistes, page 4110, volume 8 Tokyo - une salle de rédaction de l'Asashi Shimbun (« Journal du Soleil levant »), page 5216, volume 10 Les lois sur la presse À la Libération, un système d'aide et d'encadrement publics de la presse quotidienne fut mis en place. Les scandales de l'avant-guerre comme les compromissions de la guerre furent attribués à l'influence néfaste de la gestion privée. Une série de textes, de 1944 à 1957, institua l'obligation de transparence, et les limitations de concentrations. C'est à la Société professionnelle des papiers de presse (SPPP) que revint le contrôle de la distribution de papier (depuis, son rôle a été réduit à celui d'une centrale d'achat dominante). Contrôlées à 49 % par Hachette, les Messageries de la presse française, devenues Nouvelles Messageries de la presse parisienne (NMPP), dominent la diffusiondistribution. D'autre part, l'État a accordé à la presse quotidienne quantité d'aides directes et indirectes, fiscales, postales, juridiques, sans compter les mesures de soutien exceptionnel. Enfin, l'Agence France-Presse, créée en 1944, héritière de l'agence Havas, dépend étroitement de l'État, malgré un statut relativement libéral voté en 1957. Ce système n'a pas été fondamentalement modifié depuis. Il pose deux problèmes. En premier lieu, il réduit le rôle du marché et contribue à faire de la presse et des journalistes un secteur fort dépendant de l'État. Au total, on estime que les aides à la presse représentent environ 20 % des ressources d'un grand quotidien. En second lieu, les mesures contre la concentration et pour la transparence ont montré leur inefficacité, ce qui pose le problème du pluralisme de l'offre de journaux. En 1984, le gouvernement a fait voter, dans un contexte de violentes polémiques, une loi destinée à les rendre plus efficaces, et dirigée principalement contre la domination du groupe de Robert Hersant. Modifiée depuis, cette loi n'a pas empêché la concentration de se renforcer. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats agence de presse Agence France-Presse censure Hachette Havas (Agence) Hersant Robert réponse (droit de) Septembre 1835 (lois de) Les livres presse - gravure anonyme illustrant la liberté de la presse, page 4108, volume 8 Les métiers de la presse On peut diviser les métiers de la presse en trois groupes : la fabrication (ouvriers), la rédaction (journalistes), l'administration (gestionnaires, administrateurs et cadres). Dans le système français, les deux premiers groupes ont longtemps dominé le troisième. Liée à la technique typographique au plomb, la fabrication a été, dans la plupart des pays, contrôlée par un syndicat unique fédérant une véritable aristocratie ouvrière. En France, la Fédération française des travailleurs du livre (FFTL, dite Livre-CGT), valorisant le savoir-faire des typographes et des correcteurs, a résisté à l'introduction de la photocomposition, qui réduit sensiblement la part des métiers traditionnels. Dans les années soixante-dix, des conflits durs et des licenciements (tel le conflit du Parisien libéré en France, en 1975-1977) ont accompagné l'entrée de la photocomposition dans les grands quotidiens européens. L'administration, la publicité et le marketing sont devenus des fonctions beaucoup plus importantes. En France, les patrons de presse étaient traditionnellement des journalistes ayant gravi tous les échelons et nouant des relations étroites avec les milieux politiques. Ils sont de plus en plus souvent des gestionnaires soucieux d'économie et de prix. La part de la publicité dans les ressources du journal représente, en France, plus de 40 % du chiffre d'affaires des journaux quotidiens (contre 68 % en Allemagne), avec de fortes variations selon les titres. La profession de journaliste a connu une lente mutation. Aux générations très politiques et littéraires de la Libération ont succédé des journalistes mieux formés, souvent par des écoles spécifiques, et plus spécialisés. Si le service politique d'un grand quotidien national reste un lieu d'attraction privilégié, la plupart des journalistes travaillent ailleurs, dans la presse quotidienne régionale, dans la presse magazine ou à la radio et à la télévision. Les pigistes, qui ne collaborent qu'occasionnellement à un journal et ne vivent que difficilement ou rarement de leur métier, sont nombreux. L'ordinateur est désormais l'outil de travail majeur, qu'il s'agisse de la saisie directe du texte (traitement de texte), voire de la PAO, ou de l'accès aux sources d'information. Ces mutations posent des problèmes. L'accès de plus en plus facile à des sources d'information nombreuses risque d'étouffer le travail journalistique, réduisant à la fois la part de l'investigation originale (nécessairement plus coûteuse) et la qualité du travail rédactionnel. Outre l'abonnement aux grandes agences de presse, les banques de données de toutes sortes, les sources documentaires les plus variées, auxquelles s'ajoutent les perspectives ouvertes par le développement du réseau Internet et par les « autoroutes de l'information », s'offrent instantanément au rédacteur. La recherche de rentabilité et le poids de la publicité rendent parfois difficile la distinction entre le texte du rédacteur et la promotion. Dans le même sens, les stratégies de communication des partis politiques, des institutions et des entreprises, de plus en plus subtiles, réduisent souvent le journaliste au rôle de porte-parole, alors même que le public a toujours le sentiment d'avoir affaire à une information originale. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats agence de presse communication (métiers de la) PAO (publication assistée par ordinateur) Parisien libéré (le) photocomposition Les livres presse - imprimerie du journal l'Enseignement, en 1945, page 4109, volume 8 presse - conférence de rédaction du Monde, page 4111, volume 8 presse - rotatives de l'imprimerie du Monde, à Ivry, page 4111, volume 8 presse - salle de rédaction du service étranger de Libération, page 4111, volume 8 Les catégories de journaux La presse quotidienne. La presse s'est constituée autour d'un modèle : le journal quotidien. En France, l'histoire de ce secteur est marquée par la baisse des tirages et la réduction du nombre des titres, après la disparition de titres prestigieux comme Combat (en 1974) ou l'Aurore (en 1984). À la différence de ses voisins européens ou des États-Unis - sans parler des tirages records du Japon -, la France n'a plus de grands quotidiens populaires à diffusion supérieure au million d'exemplaires, comme l'ont été le Petit Parisien au début du XXe siècle ou France-Soir dans les années cinquante. Suivant l'évolution générale de la société française, les grands titres sont en outre moins politisés, moins liés à des partis. Les journaux d'opinion, qui avaient connu leur âge d'or avant la guerre, ont décliné ou disparu dans les années soixante (le Populaire, le Soir) ; fondé en 1974, le Quotidien de Paris, devenu le Quotidien, a lui-même disparu en 1994 ; une expérience comme celle d'Infomatin, lancé en 1994 et destiné à une lecture rapide, a été sans lendemain. Spécifique à la France est la vitalité de la presse quotidienne régionale : Ouest-France est aujourd'hui le premier tirage de la presse quotidienne. Pour répondre à ces difficultés, la presse quotidienne française a réagi en maintenant des prix de vente plus élevés que ceux de ses voisins. Puis elle s'est résolue à la concentration horizontale (en regroupant des titres) et verticale (en intégrant dans un même groupe la fabrication, la distribution, la commercialisation et la publicité). Il existe plusieurs groupes de journaux régionaux, autour des grands titres ( Ouest-France, l a Voix du Nord ). Le premier groupe français de presse quotidienne est le groupe Hersant, qui détient entre autres France-Soir, le Figaro et un nombre impressionnant de quotidiens régionaux, parmi lesquels le Dauphiné libéré, Nord-Éclair , le Courrier de l'Ouest, les Dernières Nouvelles d'Alsace. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Ahram (Al-) Aurore (l') C ombat Corriere della sera (il) Échos (les) Figaro (le) Financial Times (The) France-Soir Frankfurter Allgemeine Zeitung Guardian (The) Hersant Robert Humanité (l') Independent (The) Libération Mainichi Shimbun Monde (le) Ouest-France País (El) Paris-Soir Parisien libéré (le) Petit Parisien (le) Repubblica (la) Soir (le) Spiegel (Der) Sun (The) USA Today Washington Post Les médias presse - les principaux quotidiens du monde Les livres presse - dernier numéro de Combat, en août 1974, page 4110, volume 8 La presse périodique. Aux côtés de la presse quotidienne, la presse périodique est une appellation commode pour un ensemble extraordinairement varié, en plein renouvellement. La presse périodique connut son premier essor avec les grands magazines illustrés, tels Life, lancé aux États-Unis en 1936, puis, en France, Paris-Match de Jean Prouvost (1949). Ce secteur a décliné sous l'effet de la concurrence de l'audiovisuel. Le dernier titre lancé fut, en 1977, VSD (Vendredi Samedi Dimanche). Les magazines d'informations générales modernes sont nés dans les années soixante de la transformation d'hebdomadaires d'opinion. Le premier fut l'Express, dont la nouvelle formule parut en 1964, suivi par le Nouvel Observateur (nouvelle version de France-Observateur), la même année. En 1984, l'Événement du jeudi rencontra un succès inattendu, avant de connaître des difficultés financières. Selon les goûts, les époques, les milieux, de nouveaux types de presse périodique sont apparus, comme la presse dite féminine et de foyer, qui regroupe des mensuels et des hebdomadaires, la presse des jeunes, surtout musicale, la presse sportive. La presse de télévision, qui a profité de la croissance du petit écran, a rapidement atteint les plus hauts tirages de la presse française. Ne bénéficiant pas de la protection de l'État, le secteur de presse périodique est nettement plus commercial que celui de la presse quotidienne. La concentration (qui va de pair avec une certaine internationalisation) y est plus prononcée, autour de groupes comme Hachette (Télé 7 Jours , Elle, France Dimanche , le Journal du Dimanche, Parents...), les Éditions Mondiales ( Télé-Poche, Modes et Travaux , Nous Deux , Grands Reportages), le groupe allemand Bertelsmann, par l'intermédiaire de Prisma Presse (Géo, Ça m'intéresse , Prima, Femme actuelle , Télé-Loisirs, Voici, Capital, Gala), ou CEP Communication, premier groupe de presse professionnelle français. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Bertelsmann Canard enchaîné (le) CEP Communication Crapouillot (le) Équipe (l') Événement du jeudi (l') Expansion (l') Express (l') Fortune Hachette Hearst William Randolph Lazareff Pierre Life magazine Nouvel Observateur (le) Paris-Match Reader's Digest Servan-Schreiber Jean-Jacques Les livres femme - une image raffinée de la femme, page 1882, volume 4 Entreprise (L'), page 1676, volume 3 Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats journal Les médias presse - la diffusion de la presse en France Les livres presse - première page du Petit Parisien, page 4109, volume 8 Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats publicité Les livres presse - vendeur du Petit Journal en uniforme, en 1917, page 4108, volume 8 presse - kiosque à journaux parisien en 1899, page 4109, volume 8 presse - Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud en 1953, page 4110, volume 8 Les indications bibliographiques P. Albert, la Presse française, la Documentation française, Paris, 1990. J.-M. Charon, la Presse en France de 1945 à nos jours, Seuil, Paris, 1991 ; la Presse quotidienne, La Découverte, Paris, 1996. J.-L. Lepigeon et D. Wolton, l'Information demain. De la presse écrite aux nouveaux médias, la Documentation française, Paris, 1983.