MICHAUX (Henri)
Publié le 26/01/2019
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MICHAUX (Henri), peintre et poète français d'origine belge (Namur 1899-Paris 1984). Il débute sous le signe de la solitude et du refus : une adolescence difficile, une anorexie qui traduit l'angoisse que provoque en lui le monde qui l'entoure ; un espoir, cependant, qu'il existe quelque part un « secret » qu'il cherche à localiser à travers Ruusbroec, Tolstoï, Dostoïevski. D'où l'appel de l'« ailleurs » : matelot (1920), il découvre Lautréamont et commence à écrire (il sera encouragé par Fr. Hellens et J. Paulhan), s'installe à Paris (1925), où
il est accueilli par Supervielle, et entreprend un voyage en Équateur (1927). Ces premières errances laissent une double trace : un livre, Qui je fus (1927), et une autre « écriture », les « trajets pictogra-phiés » de Narration et d'Alphabet, qui préfigurent les recherches graphiques des années 50. Ses nouvelles pérégrinations (Amérique du Sud, Chine, Inde) ne feront que confirmer la fidélité de ses « larves et fantômes » {Ecuador, 1929 ; Mes propriétés, 1929 ; Un certain Plume, 1930 ; Un Barbare en Asie, 1933 ; La nuit remue, 1935 ; Voyage en Grande Garabagne, 1936) : une poésie qui se veut rythme pur jusqu'à n'être plus qu'épellations ; un lexique parfois de toutes pièces inventé ; une peinture qui se déroule comme un langage. Deux modes d'expression pour un seul but : « donner à voir la phrase intérieure, la phrase sans mots » — « l'espace du dedans » {Entre centre et absence, 1936 ; Peintures, 1939). C'est en préface à ses Peintures et Dessins (1946) qu'il formule sa théorie esthétique : « Volonté, la mort de l'art ». Plus encore qu'avec Ailleurs (1948), Meidosems (1948), la Vie dans les plis (1949) ou Passages (1950), c'est dans les séries de dessins à l'encre de Chine {Mouvements, 1951) qu'il saisit les « gestes intérieurs, ceux pour lesquels nous n'avons pas de membres, mais des envies de membres » et auxquels l'expérience des hallucinogènes, notamment de la mescaline, va donner une dimension nouvelle {Misérable Miracle, 1956 ; l'infini turbulent, 1957 ; Paix dans les brisements, 1959) : « tourner le dos au verbal », « s'exprimer loin des mots des autres » — pour y parvenir, Michaux aura dû triompher de deux illusions, celle du réel, celle de la drogue (« il existe une banalité du monde visionnaire »). Les aquarelles, lavis et gouaches des années 1957-1965 montrent, à travers la germination diffuse de têtes ou de visages esquissés, des êtres réduits à leurs seules connexions nerveuses, pensée pure. Le regard, que le voyageur portait naguère sur les lointains des steppes d'Asie, s'enfonce maintenant dans ces plis, fissures et ramifications {Connaissance par les gouffres, 1961 ; Vents et Poussières, 1962 ; les Grandes Épreuves de l'esprit, 1966). Désormais les visions se « réagrègent » sous l'unique pouvoir de l'« attention » : en témoignent les
combinaisons de styles et de techniques (encre de Chine et acrylique) et le bilan de l'expérience du rêve [Façons d'éveillé, 1969 ; Émergences/Résurgences, 1972 ; Moments, 1973) qui fait du geste tachiste, du diagramme neurologique et du texte poétique, un seul et même tracé — celui d'une écriture qui a phagocyté le monde [Idéogrammes en Chine, 1975 ; Poteaux d'angle, 1981). La plus grande lucidité rejoint l'imagination la plus folle. Qu'on plonge au cœur de l'être ou qu'on le retourne comme un doigt de gant, il n'est de sens que dans le signe, vibrion un moment figé sous le regard du dedans [Chemins cherchés, chemins perdus, transgressions, 1982 ; Déplacements, Dégagements, 1985).
« par René Bertelé. »
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