MERTENS (Pierre)
Publié le 26/01/2019
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MERTENS (Pierre), écrivain belge d'expression française (Bruxelles 1939). La plupart des héros de ses romans et nouvelles se caractérisent par une secrète blessure qui fait d'eux des êtres déracinés, en quête d'un chemin de traverse où se découvrira peut-être une forme insoupçonnée de salut : ainsi en va-t-il de l'enfant de l'Inde ou l'Amérique (1969), du trio familial de la Fête des anciens (1971) ou des protagonistes du Niveau de la mer (1970), de Nécrologies (1977) et 6'Ombres au tableau (1982), recueil où l'humour et la réflexion sur la démarche artistique occupent également une place importante. Contrairement à ces récits de caractère intimiste, les Bons Offices (1974) et Terre d'asile (1978) plongent leurs personnages dans la tourmente du monde contemporain, tandis que Perdre (1984) se veut le roman de l'amour fou. Mertens est aussi l'auteur d'un livret d'opéra, la Passion de Gilles (1982).
«
sonnage
également de la première nouvelle du Niveau de
la mer) devenu adulte, qui assiste, en comp agn ie de son
père, à une représentation théâtrale clôturant l'année sco
laire et dans laquelle le fils de Julien joue le rôle d'un
rêveur par lequel le spectacle est suscité.
Zigzaguant de
l'un à l'autre de ces trois personnages, la narration met
en scène trois solitudes, qui sans cesse coïncident, se
confrontent et se font écho.
Une image, ici aussi, hante
tout le roman, celle d'un «paysage avec la chute
d'Icare».
Cette chute provoque dans le décor figé une
brutale déchirure, marque de la sortie du jeu, du refus du
rôle auquel on est assigné.
Avec les Bons Offices ( 1974), Mertens plonge délibé
rément son personnage dans le bruit et la fureur du
monde contemporain.
Les bribes éparses de l'existence
d e Paul Sanchotte, bribes qu'il s'efforce d'assembler
dans une quête de plus en plus vaine, constituent en effet
le microcosme des profo nd es déchirures et des conflits
qui ensanglantent notre époque.
Médiateur international,
Sanchotte est tout autant dépassé par les évén em ents
de l'Histoire qu'il 1' est par ceux de sa propre histoire,
incapable d'en saisir la synthèse, spectateur impuissant
de la désagrégation de l'une et de 1 'autre.
Cette fresque
ambitieuse et exemplaire, doublée d'une fouille minu
tieuse et illusoire dans l' ar ché olog ie intime du person
nage, hantée par l'image obsédante du corps morcelé, est
régie par les lois d'un savant montage : les ruptures et
les césures, les citations de tout genre et les collages
multiformes, les changements de registre narratif compo
sent un text e rigoureusement désarticulé.
Une puissante
batterie thématique y met en œuvre le foisonnement des
motifs qui ne cessent de se croiser tout au long du livre,
magnifique symphonie dédiée à une époque mise en piè
ces.
Reste que, perdu dans le désert au terme de son
épopée dérisoire, Sanchotte se retrouvera peut-être lui
aussi, et comme malgré lui, au « niveau de la mer».
Les nouvelles de Nécrologies ( 1977) reviennent à un
mode plus intimiste et mettent en scène des personnages
voués à une forme de monologue solitaire, incapables
d'une véritable présence au monde qui les entoure.
Peut
être est-ce dans ces textes que l'ombre de Kafka -qui
constitue certainement pour Mertens la référence litté
raire la plus importante- se fait le plus prégnante : face
au caractère oppressant du monde quotidien, le person
nage ne s'en tire que par une sorte de ruse, par une
rés ista nc e qui consiste à entrer dans un jeu, dans une
dérive intime où il ira jusqu'au bout, quel qu'en soit le
côté apparemment factice ou dérisoire.
Référence kafkaïenne évidente aussi dans Terre
d'asile, odyssée en terre belge d'un Robinson politique
chilien qui a tout à réapprendre de l'existence.
D'une
écrirure volontairement très sobre, en demi-teinte,
construit comme une succession de longs plans fixes,
Terre d'asile constitue une sorte de «roman politique
introverti >>.Car ce sont bien plus les conséquences de la
dépossession intime de Jaime Morales et son exil inté
rieur qui impor tent ici, que le fracas de 1' Histoire et les
multiples discours qui le répercutent.
Monocorde, le récit
se veut essentiellement attentif aux chuchotements et aux
tâtonnements de l'exilé à la découverte de ses chemins
de traverse.
Mais il constitue aussi, par le biais du regard
au ras des choses que promène Morales sur un monde
qui lui est étranger, une description très particulière de
la Belgique.
Les nouvelles de Terreurs ( 1984) se veulent, à leur
manière, des sismographes de la violence qui bouillonne
dans le monde contemporain.
Sur le mode de la confes
sion ou du témoignage y apparaissent des personnages
p o u ssés à l'errance, une fois encore, par le monde «tel
qui est».
Perdre (1984) se joue sur un registre que Mer
tens avait peu abordé jusqu 'ici : celui de 1 'érotisme.
Pour
reconquérir la femme qui est sur le point de le quitter, le narrateur
l'attirera dans un huis clos où il tentera de
sceller leur réconciliation sous le signe du fantasme par
tagé.
De cette joute sensuelle et panique sur laquelle ne
cesse de planer l'ombre d'Achille et de Penthésilée, les
amants sortiront sans avoir pu «reconstruire Carthage>>,
mais brûlés par une épreuve gui les
aura rendus « incura
b le s l'un de l'autre».
Les Eblouisse ment s (1987), prix
Médicis, est la biographie romancée diu poète expres
sionniste allemand Gottfried Benn, récit de «l'erreur
d'une vie, et [de) la vie d'une erreur.>> Enfin, les deux
recueils de nouvelles, les Chutes centrales (1990) et les
Phoques de San Francisco ( 1991 ), s'int err og en t sur « le
sens -et la vanité -de toute biographie».
li convient de souligner l'attention à la Belgique qui
marque l'œuvre de Mertens.
Représentant d'une généra
tion d'écrivains belges plus désireuse que les précéden
tes de se colleter avec la réalité du pays, le romancier
intègre dans plusieurs de ses fictions -c'était le cas,
pa r exem ple , tout au long des Bons Offices- l'évoca
tion critique de la société belge et des points brOiants
de son histoire récente.
Racontant l'exil volontaire d'un
artiste bruxellois..
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