Mallarmé Stéphane, 1842-1898, né à Paris, poète français. Il est parfois des oeuvres de dimension modeste qui sont des révolutions. L'oeuvre de Mallarmé fut de celles-là. La modestie caractérisa aussi sa vie : professeur d'anglais en province, puis à Paris, il prit une retraite anticipée pour se consacrer à l'écriture ; peu connu avant la fin des années 1880 (encore le dut-il à Verlaine et à Huysmans), il vit plusieurs de ses pièces refusées par les éditeurs. À peine peut-on entrevoir certaines dramatiques disparitions (sa mère mourut lorsqu'il avait 7 ans, sa soeur pendant son adolescence, son fils Anatole avant qu'il ait eu 9 ans), certaines joies familières (l'amour pour sa femme) ou certaines épreuves pénibles (la vie mesquine de province, les ennuis d'argent). Tout paraît s'effacer devant une autre préoccupation à la fois joyeuse et perturbatrice : l'écriture. L'épreuve de la langue. En cette fin de XIXe siècle, le langage apparaissait de plus en plus comme un simple code, exonéré de l'illusoire adéquation aux choses (« Je dis : une fleur ! et [...] musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tous bouquets », Crise de vers, 1886). Mais cela signifia pour Mallarmé que le propos de la poésie ne consistait plus en la recherche d'une expression d'un message (intime, social ou métaphysique), mais en la constitution même d'une expression : non plus le sens, mais la façon dont on produit du sens. Et si les langues étaient multiples, elles permettaient aussi des échanges de sens et de sons, la recréation de vocables nouveaux, d'où ce travail « mallarméen » sur la syntaxe de la phrase, qui la brise et la heurte afin de donner plus de relief à des mots brusquement musicaux. Dans ses travaux alimentaires sur les Mots anglais (1877), il est frappant de voir Mallarmé développer les valeurs sonores des lettres autant que leurs significations. C'est qu'il s'agissait bien de valeur : relevant non seulement d'une esthétique mais aussi d'une « économie politique » (la Musique et les Lettres, 1894). En cela on ne saurait voir en Mallarmé le type du poète éloigné du monde. Voyant il l'était, non pour donner à voir l'invisible ou l'inconnu, mais pour « rendre le visible enfin visible » (Toast funèbre à Villiers de L'Isle-Adam, 1889), car nous sommes souvent aveugles à nos manières de faire, d'être ou de connaître. Tout son travail sur la langue (dans la désarticulation de la syntaxe et le goût de l'équivoque) était une manière de mettre à l'épreuve le langage et de se mettre, soi-même, entier, dans cette épreuve (difficulté dont Artaud plus encore que Valéry reçut l'héritage). Le sens des lettres. La préoccupation du sens suivit, pour Mallarmé, celle des sens : rien de moins froid que sa poésie. Ce qui nous touche en elle ne relève plus d'une expressivité, mais de la façon dont il imprime à la langue toutes les variations de nos sens : poésie sensuelle parce qu'elle réclame l'union du tact, de la vue (combien de références à la danse qui culminèrent dans cet étonnant ballet des lettres et des astres : Un coup de dés jamais n'abolira le hasard, 1897), du goût (impossible de ne pas sentir en sa gorge, sur sa langue les glissements et les explosions savoureuses des sons), et de l'ouïe (la musique est le bien que doit reprendre le poète au compositeur). C'est à cette condition que la poésie peut devenir drame et théâtre. Mallarmé en fit l'explicite essai avec Hérodiade (1864-1868), puis Igitur (1869), avant que tous ses poèmes s'y destinassent. D'une façon plus radicale que Wagner, qui entendait encore soumettre la technique musicale au message de la légende, Mallarmé retrouva l'intuition médiévale : la Musique ne se réduisit plus à une instrumentation, elle fut profond savoir des Nombres et surtout sagesse de l'Harmonie. Cette Musique (avec majuscule) devait aboutir, pour Mallarmé, à la conception du Livre (là aussi avec majuscule) : oeuvre à laquelle il assigna toute sa vie, « instrument spirituel » dont il n'écrivit que des fragments avant de mourir. Ce n'est cependant pas un échec, au sens où le Livre ne devait pas être une « somme », mais la pratique même d'écrire. Mallarmé est le parfait représentant de cette nouvelle idée de l'écrivain pour lequel écrire devient intransitif : on n'écrit pas tant quelque chose à quelqu'un, ce qui importe désormais est : « Écrire » (Quant au Livre, 1895). 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