L'orthographe se fait tolérante
Publié le 20/11/2011
Extrait du document
«
départ, est d'abord de régulariser la grammaire et le dictionnaire pour les faire obéir à des lois géné
rales en échappant le plus possible aux exceptions.
Ainsi, choux, genoux, cailloux, etc., qui pourraient
s'écrire avec un s
au lieu d'un x au pluriel ; ainsi,
amour, délice, et orgue qui changent de sexe en
changeant de nombre, etc.
L'Académie française, à
qui revient la décision fmale, n'est pas encore d'hu
meur de se laisser entraîner sur un terrain qu'elle
juge dangereux.
Au fait, cela peut se concevoir et
on imagine mal une langue française, qui, au nom
de la simplification, pour faciliter aussi son accès
aux étrangers, disent certains, deviendrait pure
ment phonétique, ce qui revient à dire qu'elle serait
complètement incompréhensible.
Mais la prudence
des académiciens donne quand même à rêver : ils
veulent bien, en effet, qu'on écrive dorénavant béli
tre, chébec, recéper et sénestre, par exemple, au lieu
de belître, chebec, receper et senestre.
Qui ne se
réjouirait de voir l'orthographe évoluer si vite
?
Le Petit Larousse 1977, dans la continuité d'une
tradition qui vise seulement à refléter la vie du lan
gage dans son évolution quotidienne, à l'exception
de l'argot non littéraire qui fait l'objet d'un travail
à part, s'enrichit cette année d'un certain nombre
de mots à la mode qui seront peut-être délaissés
dans quelques mois, mais sans lesquels la lecture
des journaux
ou l'écoute de la radio ne seraient
peut être pas possible.
L'on y trouve une centaine
de mots nouveaux, presque autant d'acceptions
enrichies ou transformées.
Celui qui
« se défonce » n'est pas seulement un habitué des drogues, il tra
vaille aussi énormément: a-t-il ou non, dans ce
sens, des
« inhibitions » ? C'est dire que les auteurs
du Larousse ne se « culpabilisent » guère à l'égard
des académiciens : ils jouent plus volontiers qu'eux avec les mots, comme leurs lecteurs ont pris l'habi
tude de jouer au « go » ou de pratiquer le « kung fu ».
Il y a des esprits « surdoués », il y a des ali
ments « pré-cuits », on parle de « pétrodollars », on
s'adresse à un « nutritionniste », on « sophistique » une arme et la mode est au « rétro ».
Le christianisme va-t-il mourir 7
C'est le titre du livre que publie Jean Delumeau,
spécialiste de la Renaissance, aux éditions Hachet
te.
La forme interrogative s'impose, et les événe
ments qui secouent l'Eglise depuis Vatican Il, dra
matisés de mois en mois par des prises de position
qui annoncent une rupture entre les différentes
conceptions du christianisme, pour ne rien dire
d'une violence qui risque de tourner au drame, en
sont l'expression la plus quotidienne.
Ce qui surprend aujourd'hui, c'est cette politisa
tion de l'Eglise qui sépare les croyants en groupes
rivaux et agressifs.
On aurait tort en fait de s'éton
ner.
L'Eglise a toujours été politisée, depuis l'Edit de
Milan, depuis la prise en charge du pouvoir par
les princes qui avaient la certitude de réaliser sur
terre la Jérusalem céleste.
Cela a conduit à un cer
tain nombre d'erreurs et de calamités que Jean
Delumeau
n'a pas énumérer, depuis les croisades
jusqu'à la traite des Noirs, des guerres de religion à
toutes
les révolutions qui ont secoué le monde .
Dieu et le Christ appartiennent à ceux qui le s pren
nent en charge et se donnent le bon droit ~n les
annexant.
L'Eglise considérée cornille une forme de pouvoir, c'est le péché de la religion.
Depuis 1789,
l'histoire des nations chrétiennes est marquée d'une
volonté de refus d'un ordre imposé au nom d'une
conception de l'homme et de
la société, de leur des
tin, qui ont pris une autre signification et une autre
valeur.
Il reste, comme le fait remarquer l'auteur du Christianisme va-t-il mourir, que la religion n'est
pas seulement traversée d'autodafés, de massacres,
de conversions forcées ou d'une volonté de puis
sance qui s'est imposée
par la peur de l'éternité
infernale : l'Eglise est aussi faite de saints, ou en
tout cas d'un bon nombre de révoltés qui la vou
laient différente, qui tentaient de l'insérer dans
l'histoire quotidienne des hommes et faire en sorte
qu'elle ne fût pas au service des puissants ou la
seule image de la puissance.
Les exemples ne man
quent pas.
C'est fmalement une Eglise en lutte
contre elle-même que décrit Jean Delumeau, un
peuple de fidèles décidés à transmettre
le message
évangélique et rien d'autre.
Le problème se com
plique quand il s'agit de définir ce message.
On le voit bien aujourd'hui, à la lumière des événements
de l'actualité.
Tout se passe comme si l'Eglise ne
parvenait pas à échapper à son dilemme ancien et à
être en même temps engagée dans
le temps vécu et
dans l'éternité.
A une religion de classe, souvent
dénoncée, succède une religion une fois encore
politisée où s'opposent ceux qui veulent prétendu
ment la messe en latin, mais qui ne veulent pas que
cela et ceux qui essaient d'imaginer une autre
image de la foi, à travers des recherches qui,
comme toute recherche, n'aboutissent pas toujours.
Jean Delumeau propose une sagesse qui n'exclut ni
la tradition, sans quoi rien n'existerait, ni
le renou
vellement : « On éviterait beaucoup de crises dans
la confession catholique, écrit-il, si on recueillait
l'opinion des paroissiens avant de bazarder les crè
ches de Noël et les premières communions, avant
de maintenir la confession auriculaire et
le célibat
des prêtres, avant d'interdire la pilule, le divorce et
toute forme d'avortement
».
C'est poser le débat en termes clairs, et c'est d'ailleurs ainsi qu'il se pose
aujourd'hui.
Il faudra bien qu'au lieu de s'enfermer
dans des citadelles, les chrétiens essaient de se comprendre mutuellement.
Mais encore une fois, la
politisation de l'Eglise mène, comme à la Réforme
en particulier, à des divergences qui pourraient
tourner mal..
»
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