LES FEMMES dans Les Âmes Grises de Philippe Claudel

Problématique: Que représentent les femmes dans ce roman ?    Dans le roman Les Âmes Grises de Philippe Claudel, publié en 2003, l'auteur montre l'importance du rôle des femmes au sein de l'histoire. Il les représentent à travers différentes images.    Tout d'abord les femmes représentent les âmes blanches du roman. On retrouve chez chacune d'elles les symboles suivants : la beauté, les sourires, les fleurs, et la douceur.    Clélis de Vincey est la jeune femme du procureur Destinat. Elle est présentée à travers son grand portrait qui ornait l'entrée du Château, « une pièce somptueuse « ( p. 244 ) à l'image de Clélis, peint lorsqu'elle avait 17 ans. Elle est « joliment « décrite par sa « légèreté «, « son sourire «, « ses joues d'une rose tiédeur «, « son élégance «, et « tout cela donnait à son visage une grâce éblouie « ( p. 32 ; 46 ; 70 ; 271 ). Clélis incarne la beauté.  Lysia Verhareine est une jeune institutrice de 22 ans, venue à V. pour remplacer le Contre et surtout pour se rapprocher de son fiancé qui combat au front. Selon les habitants du village, cette « jeune créature « « était bien trop belle, beaucoup trop belle pour être une institutrice, belle à ne pas avoir de métier « ! « Elle avait un prénom dans lequel sommeillait une fleur «. En effet, la maisonnette dans laquelle elle loge est toute décorée de fleurs, de fleurs que lui offraient ses admirateurs ( comme Martial Maire ). De plus, lors de sa rencontre avec le narrateur sur le coteau, celui-ci l'associe aux fleurs « Elle était assise à même l'herbe drue et piquetée de marguerites «, « la pâture et les fleurs qui l'ornaient semblaient avoir été disposées pour elle seule «. Mais ce qui définit avant tout la jeune femme c'est son sourire. Par exemple la jeune femme « rend [le] salut […] avec un sourire «, « elle passe de longues heures à sourire «, « sourire «, « puis sourire «, « la petite institutrice gardait son sourire «, « ce sourire de 20 ans «, « un beau sourire «, « son joli sourire à ne plus en finir « ( p. 54 ; 57 ; 64 ; 65 ; 69 ; 86 ). C'est « un vrai rayon de soleil «, elle sème le bonheur et apporte joie de vivre autour d'elle. Dans ce roman il n'y a pas beaucoup de sourires mais ces sourires sont tous apportés par les femmes.  Belle de jour est une fillette âgée de 10 ans, c'est la fille de Bourrache le restaurateur du village. Elle travaille avec ses deux sœurs dans le restaurant. Le narrateur la compare à une fleur « si fraîche « qu'il a « essayé de faire fleurir des belles-de-jour dans [son] petit jardin « ( p. 166 ). Effectivement les belles-de-jours sont une variété de fleurs « qui resplendissent de l'aube au crépuscule, épanouissant leurs corolles fines de liseron roses ou parme, et qui la nuit venue se ferment brutalement, comme si une main violente avait serré leurs pétales de velours, à les étouffer « ( p. 165 ), cette description fait allusion à la petite fille. Tout le monde la surnomme « petite fleur «. Belle de jour symbolise donc les fleurs.  Clémence est la femme du narrateur. Elle est décrite par son sourire « elle m'a [ le narrateur ] fait à moi, et à moi seul, un sourire « ( p. 145 ), par son parfum de fleur « Je [ le narrateur ] sentais son parfum d' héliotrope « ( p. 283 ), par sa beauté «  elle était belle  «, «  oui, elle était belle « ( p. 207 ), mais surtout par sa douceur. En effet Clémence, comme le signifie son prénom, incarne la douceur : « elle était si douce «, « elle était douce «, « plus douce «, « cette douceur «, « tout était doux chez elle « ( p.135 ; 163 ; 207 ), elle est même comparée à « une plume « ( p. 175 ).    Cependant, ces quatre âmes blanches meurent de façon tragique, abandonnant derrières elles des âmes grises, et emportant avec elles une jeunesse éternelle.    La première, Clélis meurt 6 mois après ces noces avec Destinat. Elle a attrapé du mal au château familial de son mari. La seconde, Lysia est retrouvée morte pendue dans sa petite maison. Inconsolable de ne plus avoir de nouvelles de son fiancé Bastien Francoeur parti à la guerre, elle s'est en fait suicidée en pressentant la mort de ce dernier. La troisième, Belle de jour est retrouvée étranglée au bord d'un canal.. Plusieurs personnes sont suspectées de son meurtre. La quatrième, Clémence meurt en accouchant de son bébé. Son mari n'était pas à ses côtés pendant qu'elle tentait de mettre au monde son enfant, personne n'était là pour stopper l'hémorragie, elle était seule, à souffrir. A leur mort chacune laisse signe d'une blancheur : « cette pâleur « ( p. 32 ), « son teint pâle « (p. 96 ), « ses lèvres bleuies et [ses] paupières blanches « ( p. 19 ), « un peu plus pâle « (p. 207 ), symbole de pureté. Ces quatre femmes sont ainsi représentées comme des âmes blanches, des âmes pures.  Mais ces âmes blanches abandonnent alors des hommes grisés par la mélancolie. Déjà posté dans une incurable solitude, le Procureur ne se remit jamais de la mort de sa femme. Suite à la mort de la jeune institutrice, le village de V. perd toute joie de vivre, il s'éteint, en quelque sorte, avec elle : «  La nouvelle […] donna un coup à la petite ville. Les rues étaient vides... « ( p. 100 & 101 ). Par ailleurs, la mort de la petite fleur entraîne le chagrin de son père Bourrache, et lui fait perdre la tête, et suscite également la tristesse de nombreuses personnes comme le curé « plein de misère et de blessures « ( p ; 165 ). Le narrateur, lui, ne pouvant tolérer un être lui signifiant la mort de sa femme, tue son bébé en l'étouffant sous un oreiller, puis se suicide afin de rejoindre sa tendre aimée dans le « ventre de la mort «. Le meurtre du bébé de quelque jour est symbolique, il signifie que la mort au visage de fillette ou de jeune femme reprend dans son ventre, qu'à peine né le désir est déjà de retourner dans le ventre, à jamais.  En mourant, ces femmes emportent avec elles la vie. Par exemple quand Lysia est retrouvée morte, le narrateur la présente comme mi-morte mi-vivante : « la mort ne lui avait pas volé sa beauté. Elle demeurait parmi nous, pour ainsi dire, visage de presque vivante «, il n'était pas totalement certain qu'elle soit morte : « je m'attendais à ce qu'elle ouvre les yeux, me regarde, proteste de cette intimité que je me permettais « ( p. 96 ). Le seul et l'unique bénéfice de ces morts précoces est que ces femmes ne vieillirons jamais, elles resterons toujours jeunes, belles et pures, idéalisées dans les mémoires, ou immobilisées sur des tableaux.  « La mort brutale prend les choses mais les garde en l'état. C'est là sa vraie grandeur. « ( p. 46 ). Le Procureur qui avait tout de suite saisi l'étrange ressemblance entre Clélis et Belle de jour est suspecté d'être l'assassin de la petite, comme si, obsédé, il avait voulu unifier sa femme morte et cette fillette pure dans une même éternité afin d'immortaliser leur image. L'auteur est également fasciné par cette mort qui paradoxalement immortalise. Il parle de la mort comme si elle avait embellie sa femme et l'avait protégée des outrages du temps : « Jamais je ne l'aurais connue laide, et vieille, ridée, usée. Je vis depuis toutes ces années avec une femme qui n'a jamais vieilli. Elle demeure, sans fêlure ni disgrâce. La mort m'a laissé cela, au moins « ( p.207 ). Ces quatre femmes sont ainsi l'incarnation de la jeunesse éternelle.    En définitive, dans ses Âmes grises , Philippe Claudel représente les femmes par divers symboles tels que : la beauté, les sourires, les fleurs, la douceur, la pureté, mais aussi la mort, et la jeunesse éternelle.