Légitime Défense, revue littéraire
Publié le 22/01/2019
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Légitime Défense, revue littéraire rédigée par une équipe dissidente de la Revue du monde noir (jugée trop conciliante à l'égard de l'administration coloniale) et dont l'unique numéro (1er juin 1932) constitue un manifeste et une étape majeure de la littérature négro-africaine. Son titre provocant, emprunté à André Breton, fit l'effet d'un brûlot dans les milieux lettrés de Fort-de-France. Ses auteurs, Étienne Léro, René Ménil et Jules-Marcel Monnerot, y dressaient en effet un sévère réquisitoire contre leurs compatriotes et esquissaient une théorie de la nouvelle littérature antillaise.
L'instruction du procès intenté aux écrivains antillais portait à la fois sur la forme et sur le contenu de leurs œuvres. Sur le premier point, il leur était reproché de s'être donné pour maîtres « ceux qui n'étaient résolus ni à s'engager dans le mouvement de la vie ni à vivre en plein rêve », allusion transparente aux symbolistes et aux parnassiens, qui étaient effectivement leurs modèles favoris. Sur le second point, la revue dénonçait le caractère factice de la littérature antillaise : l'écrivain antillais, avant tout soucieux de respectabilité, se tient le plus loin possible de son être véritable, de sorte qu'il produit des œuvres impersonnelles, crispées et ennuyeuses, nourries de livres conçus pour d'autres lecteurs et conformes en tous points aux idéaux de la société européenne dominante. Cette étrange fascination pour l'Occident détourne l'Antillais de sa propre culture et en fait un être dépersonnalisé, enfermé dans le mimétisme (« D'être un bon décalque d'homme pâle lui tient lieu de raison sociale aussi bien que de raison poétique »). Dans ces conditions, Légitime Défense proclamait son refus des valeurs du capitalisme et du christianisme et affirmait son adhésion au marxisme, au surréalisme et à la psychologie des profondeurs dont Freud venait de révéler les ressources.
Évoquant, près d'un demi-siècle plus tard, cette entreprise dont il fut l'un des pionniers, René Ménil en reconnaît les limites, mais aussi le caractère prophétique (« fanoniste avant la lettre »), se demandant si Légitime Défense n'a pas contribué, à son insu, à esquisser les traits d'une « mentalité nègre » dont Senghor allait bientôt se faire le « théoricien sans humour ».
Liens utiles
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