Le transfert en psychanalyse
Publié le 07/04/2015
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transfert n.m. (angl. Transference; allem. Obertragung). Lien affectif intense s'instaurant de façon automa¬tique et actuelle du patient à l'ana¬lyste et témoignant de ce que l'organisation subjective du patient est commandée par un objet, appelé par J. Lacan objet a.
C'est à l'occasion de l'échec du trai-tement cathartique d'Anna O. avec J. Breuer que S. Freud a été amené à découvrir et à prendre en compte le phénomène du transfert et c'est ce qui l'a amené à renoncer à l'hypnose.
CARACTÉRISTIQUES DU TRANSFERT
L'établissement de ce lien affectif intense est automatique, incontour-nable et indépendant de tout contexte de réalité. Il peut arriver que certaines personnes soient « inaptes « au transfert mais, de ce fait, elles ne font pas de demande d'analyse, demande qui, en soi, comporte d'emblée une dimension transférentielle : le patient s'adresse à quelqu'un à qui il suppose un savoir.
En dehors du cadre de l'analyse, le phénomène de transfert est constant, omniprésent dans les relations, que ce soient des relations professionnelles, hiérarchiques, amoureuses, etc. Dans ce cas, la différence avec ce qui se passe dans le cadre d'une analyse consiste en ce que les deux partenaires sont en proie chacun de son côté à leur propre transfert, ce dont ils n'ont le plus sou¬vent pas conscience; et de ce fait n'est pas ménagée la place d'un interprète, tel que l'incarne l'analyste dans le cadre de la cure analytique. En effet, l'ana¬lyste, par son analyse personnelle, est supposé être à même de savoir de quoi sont tissées ses relations personnelles aux autres, de façon à ne pas venir inter¬férer avec ce qu'il en est du côté du patient. En outre, il s'agit là d'une condition sine qua non pour que l'ana¬lyste soit disponible et à l'écoute de son patient.
Il importe, et cela d'emblée, que l'analyste puisse repérer quelle figure il vient incarner pour son patient. Par exemple, c'est dans l'insistance même de Freud à vouloir amener Dora à reconnaître un désir inavoué pour Monsieur K. que Freud se fourvoie et provoque l'arrêt du traitement. Que s'est-il produit ? Freud, à son insu, a été mis par Dora à cette place de Monsieur K. L'insistance même de Freud témoi¬gne de ce qu'il ne s'en est pas rendu compte et n'a fait que reprendre l'insis¬tance qui a été celle de Monsieur K. De ce fait, Freud n'occupait plus la place d'interprète qui lui aurait permis d'in¬terpréter ce qui était mis là en acte.
Que sont les phénomènes de trans-fert? Dans l'analyse du cas Dora (Frag¬ments d'une analyse d'hystérie, 1905), Freud dit: «Ce sont de nouvelles édi¬tions, des copies des tendances et des fantasmes qui doivent être éveillés et rendus conscients par les progrès de l'analyse, et dont le trait caractéristique est de remplacer une personne anté-rieurement connue par la personne de l'analyste.«
Le caractère inévitable et automa-tique du transfert s'accompagne pour le patient, au moment de la revivis¬cence de tel ou tel affect, d'un total aveuglement. Le patient oublie com-plètement que la réalité du cadre analy-tique n'a rien à voir avec la situation vécue autrefois, qui avait suscité alors cet affect. C'est en ce point que l'inter-vention de l'analyste est décisive, même si elle est limitée parfois à un silence attentif, mais qui, d'une façon ou d'une autre, rend compte de ce que l'analyste a compris à quelle place le met le patient (père, mère, etc.). Par ailleurs, l'analyste sait qu'il ne fait que se prêter à ce rôle. Cet écart maintenu par l'analyste permet au patient, dans l'après-coup, d'analyser ce transfert et du même coup de progresser.
TRANSFERT POSITIF Er TRANSFERT
NÉGATIF
Par ailleurs, Freud, parlant du transfert, distingue le transfert positif et le trans-fert négatif. Il a été amené à faire cette distinction lorsqu'il a constaté que le transfert pouvait devenir la plus forte résistance opposée au traitement et lorsqu'il s'est demandé pourquoi. Cette distinction répond à la nécessité, selon Freud, de traiter différemment ces deux sortes de transfert. Le trans¬fert positif se compose de sentiments amicaux et tendres conscients, et d'autres dont les prolongements se trouvent dans l'inconscient et qui s'avèrent avoir constamment un fonde¬ment érotique. À l'opposé, le transfert négatif concerne l'agressivité à l'en¬droit de l'analyste, la méfiance, etc. Pour Freud («la Dynamique du trans¬fert«, 1912; trad. fr. in la Technique psy¬chanalytique, 1953), «le transfert sur la personne de l'analyste ne joue le rôle d'une résistance que dans la mesure où il s'agit d'un transfert négatif, ou bien d'un transfert positif composé d'élé¬ments érotiques refoulés «.
Par contre, le transfert positif, par la mise en confiance du patient, lui per¬
met de parler plus facilement de choses difficilement abordables dans un autre contexte. Il est bien sûr évident que tout transfert est constitué simultané¬ment d'éléments positifs et négatifs.
TRANSFERT ET RÉSISTANCE
Le transfert se présente donc comme une arme à double tranchant: d'une part, il est ce qui permet au patient de se sentir en confiance et d'avoir envie de parler, de chercher à découvrir et à comprendre ce qui se passe en lui; d'autre part, il peut être le lieu des résis-tances les plus obstinées au progrès de l'analyse. En effet, de la même façon que dans les rêves, le patient en analyse donne aux affects qu'il est amené à revivre un caractère d'actualité et de réalité, et cela contre toute raison, sans tenir aucun compte de ce qu'il en est réellement. Dans «la Dynamique du transfert«, Freud dit: «Rien n'est plus difficile en analyse que de vaincre les résistances, mais n'oublions pas que ce sont justement ces phénomènes-là qui nous rendent le service le plus précieux en nous permettant de mettre en lumière les émois amoureux secrets et oubliés des patients et en conférant à ces émois un caractère d'actualité, car il faut se rappeler que nul ne peut être tué in abstentia ou in effigie.«
C'est parce que le transfert est le lieu et l'occasion de la reproduction de ces tendances, de ces fantasmes que Freud dit que le transfert n'est qu'un frag¬ment de répétition et que «la répétition est le transfert du passé oublié non seu¬lement à la personne du médecin mais aussi à tous les autres domaines de la situation présente« (Écrits techniques). C'est ici qu'intervient le rôle de la résis¬tance: plus la résistance à se souvenir est grande, plus la mise en actes, c'est-à-dire la compulsion de répéti¬tion, va s'imposer. C'est par le biais du maniement du transfert que peu à peu cette compulsion à la répétition va se transformer en une raison de se souve
nir et permettre ainsi progressivement au patient de se réapproprier son his¬toire.
LE CONTRE-TRAtener
Un autre élément indissociable du transfert, dont il est une sorte d'ac¬compagnement obligé, est ce que nous appelons le contre-transfert de l'ana-lyste pour son patient. Il consiste pour l'analyste à repérer quels affects son patient suscite en lui et à savoir en tenir compte dans sa façon d'interpréter le transfert de son patient. Encore une fois, cela suppose que l'analyste soit à même d'analyser ce qui constitue ce contre-transfert, de façon que celui-ci ne vienne pas interférer dans le fonc¬tionnement de l'analyse du patient mais permette cependant à l'analyste de se situer convenablement au regard du déroulement de la cure.
Lacan nous a appris à prendre en compte le fait que, lorsqu'un patient s'adresse à un analyste, il lui suppose d'emblée un savoir sur ce qu'il cherche en lui-même. L'analyste est mis d'em¬blée en position d'être celui qui sait, appelé le grand Autre par Lacan, qui nous rappelle qu'il ne peut y avoir de parole proférée ni même de pensée éla¬borée sans cette référence à un grand Autre auquel implicitement nous nous adressons et qui serait là le garant d'un bon ordre des choses. Il en résulte que le transfert n'existe qu'en tant que phé¬nomène qui accompagne l'exercice de la parole. Sans exercice de la parole, il n'y aurait pas de transfert possible.
RÉSOLUTION Du TRANSFERT
La résolution du transfert correspond au dégagement de ce lieu du manque de l'analysant, qui n'est jamais rien d'autre que le point où s'origine son désir, point qui correspond à l'absence de réponse dernière de l'Autre, qui est non pas refus de réponse, mais inapti¬tude foncière, fondatrice, à répondre à la demande du sujet. La persistance du
transfert témoigne de ce que le sujet continue à espérer que cet Autre finira par se décider à lui répondre. Tant que le sujet reste aux prises avec cet espoir, ou si au contraire cet espoir se trans¬forme en déception, le transfert n'est pas résolu. Il s'agit pour le sujet, à tra¬vers l'expérience du transfert, de déchiffrer quels sont les termes de cette demande qu'il adresse à l'Autre, puis de consentir à ce que cette demande reste sans réponse, et cela non pas du fait d'une défaillance ou d'une mau¬vaise volonté de cet Autre mais du strict fait de son rapport au langage en tant que sujet parlant, qui le confronte irréductiblement au manque de signi¬fiant dans l'Autre.
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